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La Izquierda Diario
20 de février de 2019 Twitter Faceboock

Conclusions du Sénat
Benalla en détention. Mais les « affaires d’Etat » courent toujours…
Claude Manor

Même s’il peut en coûter cher à Benalla et à son ami Crase de s’être rendus coupables de faux témoignages, c’est moins aujourd’hui la question judiciaire et les sanctions encourues qui sont à l’ordre du jour que les très politiques dysfonctionnements pointés par l’enquête du Sénat et les recommandations qu’il a établies pour en finir avec « l’expérience des collaborateurs « officieux » du président de la République ».

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Omissions, incohérences, mensonges… des réponses truquées

C’est depuis la prison de la Santé où il a été incarcéré mardi 19 février au soir, mis en examen pour n’avoir pas respecté son contrôle judiciaire dans le cadre de l’enquête sur les violences exercées le 1er mai 2018, que Benalla va apprendre les conclusions de l’enquête du Sénat.

On se souvient que, lors de ses auditions, il avait passablement agacé les membres de la commission d’enquête par sa capacité à botter en touche sur beaucoup de questions, se réfugiant systématiquement derrière le fait qu’il était, par ailleurs, sous le coup d’une instruction judiciaire. Mais les techniques d’évitement ont leurs limites et l’omission doit parfois céder la place au mensonge pur et simple.

Lors de la séance de rendu des conclusions de l’enquête devant la commission des lois, il est annoncé, sur la base d’une lettre à Gérard Larcher, président Les Républicains du Sénat, rendue publique par l’AFP, l’intention de la commission d’enquête de demander que Benalla et Crase soient poursuivis pour faux témoignage.

Mais Benalla et son ami Crase ne sont pas les seuls mis en cause pour faux témoignage. Dans le cadre de l’enquête sénatoriale, ce n’est pas moins de 40 personnes qui ont été auditionnées sous serment, et ce jusque dans les cercles très privés de l’Elysée. En même temps qu’elle dénonce les mensonges des deux comparses, la commission cite également les noms de trois hauts responsables de l’Elysée : Patrick Strodza, Alexis Kholer et le général Lionel Lavergne. De quoi s’interroger sur les raisons profondes de ces faux témoignages conjugués.

Pour conclure sur ce point, Le président de la commission des lois, Philippe Bas (LR), a déclaré : « J’ai décidé de demander au président du Sénat que le bureau de notre assemblée délibère en vue de saisir le procureur pour « faux témoignage ».

Une série d’affaires qui interrogent sur le sommet de l’Etat

En introduction à la présentation du rapport de la commission d’enquête, Philippe Bas, sénateur LR, a rappelé qu’il n’y avait pas « une affaire », mais des affaires, indiquant ainsi que chaque affaire avait son contenu mais que l’enchaînement et l’accumulation des affaires posaient au moins autant question que chacune d’entre elles. Il a précisé : « il y a une affaire de la Contrescarpe, une affaire de permis de port d’armes, une affaire de passeports diplomatiques, une affaire de contrats russes… ».

Les deux co-rapporteurs Muriel Jourda (LR) et Jean-Pierre Sueur(PS) se sont relayés pour mettre en évidence les aspects troubles de ces affaires et l’étonnement de la commission devant l’indulgence hiérarchique et les phénomènes dilatoires dont a bénéficié Benalla, bien après que l’affaire du premier mai ait été révélée.
Pour commencer, Muriel Jourda pointe la mansuétude dont a bénéficié Benalla lors de sa « rétrogradation » après les violences exercées sur un couple le premier mai. Aucune conséquence financière, une application très laxiste de la sanction qui lui a permis par exemple d’accompagner les footballers vainqueurs sur les Champs-Elysées, l’attribution d’un logement de fonction, mi-juin, alors que les faits étaient déjà connus.

Jean-Pierre Sueur souligne également le rôle central, démesuré, que s’était octroyé Benalla dans le fonctionnement des services de sécurité. Un rôle assimilé par le Sénat à celui « d’épaule » du président. C’est d’ailleurs dans le cadre de cette fonction qu’en tant que membre de la sécurité rapprochée de Macron, il avait obtenu un port d’arme alors que, toujours selon l’enquête, il était « inexpérimenté » et « manquait de discrétion ».

Difficilement imaginable que le président n’ait pas su où il avait placé son épaule !
Quant aux passeports, c’est une saga invraisemblable. Attribution dans des conditions anormales, lenteur administrative incroyable pour la procédure d’invalidation, aucune instruction transmise à la police de l’air et des frontières pour l’empêcher de voyager (23 voyages), restitution extrêmement tardive…

Enfin l’enchaînement culmine avec l’affaire des contrats russes et les informations qui tendent à établir qu’il y avait existence de conflits d’intérêt majeurs. Il s’avère que Benalla et Crase étaient, au mois de mars 2018, encore en fonction à l’Elysée, lorsqu’ils ont été impliqués dans un contrat avec un oligarque russe lié à Poutine.
Pour le coup, la coupe est pleine…

Un réquisitoire implacable : des actes « rendus possibles par un système »

C’est Muriel Jourda qui s’est chargée, en récapitulant les dysfonctionnements repérés au cours de l’enquête, d’élever le niveau de l’affaire Benalla au rang d’affaire d’Etat. Même si elle ne la nomme pas explicitement ainsi, la formule qu’elle utilise est lapidaire : « Si ces agissements sont ceux d’un homme, ils ont été rendus possibles par un système. La thèse de la faute d’un homme isolé s’est effacée, face au dysfonctionnement de l’institution. »

A l’occasion de cette enquête et de sa restitution publique, les sénateurs se sont fait la part belle et ont cherché à renforcer leur position institutionnelle. « Il est heureux que le Sénat existe » s’est félicité Jean-Pierre Sueur, après avoir dénoncé les défaillances de la commission d’enquête des députés de l’Assemblée Nationale. Arc-boutés sur leurs prérogatives ils ont produit 13 recommandations, pour notamment « en finir avec l’expérience des collaborateurs « officieux » du président de la République ».

Cette position, politique sans le dire, est d’ailleurs celle qui a été adoptée par Esther Benbassa, sénatrice PS-Europe-Ecologie-les-Verts, interviewée à la sortie du Sénat et à qui l’on demandait quelles conséquences politiques ces conclusions pouvaient avoir. Elle a ainsi répondu qu’il n’était pas là question de politique. Les sénateurs ont fait leur travail, commente-t-elle, ce sera ensuite à la justice de s’en saisir.

Cette commission d’enquête sénatoriale, qui se contente de valider un certain nombre de révélations parues dans la presse, s’avère, cependant, un puissant instrument de relégitimation pour la droite Les Républicains. Sans toutefois s’attaquer aux institutions d’Etat, les sénateurs pointent les dysfonctionnements systémiques en Macronie. Sans jamais rappeler à quel point ces « dysfonctionnement » font partie du fonctionnement « normal » de la Vème République : barbouzerie avec l’existence du SAC sous de Gaulle et maintenu par Pasqua, contrats d’armes opaques avec des puissances étrangères, infractions à la légalité…

Nul doute que les retentissements politiques de ces conclusions qui prennent l’allure d’un réquisitoire en bonne et due forme à l’encontre de l’Elysée, vont très rapidement se faire sentir. Macron, malgré sa manière de souffler le chaud et le froid et de se refaire une santé sur fond de « débat démocratique » et « d’union nationale » risque, pour le coup, de se trouver en péril.

L’exploitation des conclusions du Sénat ne manquera pas de venir de ses concurrents aux européennes. Mais il serait surtout souhaitable que cette démonstration des turpitudes au sommet, nourrisse encore plus le sentiment d’injustice et de colère des classes populaires qu’Emmanuel Macron cherche à étouffer derrière les attaques iniques perpétrées sans relâche contre les gilets jaunes et les mouvements sociaux.

 
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