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22 de février de 2019 Twitter Faceboock

Projet de loi sur l’éducation : la liberté d’expression des enseignants menacée
Gabriella Manouchki

Adopté en première lecture ce mardi 19 février par l’Assemblée nationale, le projet de loi « pour une école de la confiance » porté par le ministre Blanquer contient un article inquiétant pour les membres du personnel de l’éducation nationale. En effet, ces derniers devraient désormais faire preuve d’ « exemplarité » vis à vis de l’institution scolaire : une nouvelle porte ouverte au musellement de l’opinion critique du gouvernement.

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Une notion d’exemplarité qui menace l’expression des enseignants

C’est dès l’article premier du projet de loi que la problématique commence :

« Art.L.111-3-1. – Dans le respect de la loi n°83-634 du13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, par leur engagement et leur exemplarité, les personnels de la communauté éducative contribuent à l’établissement du lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l’éducation. Ce lien implique également le respect mutuel entre les membres de la communauté éducative, notamment le respect des élèves et de leur famille à l’égard de l’institution scolaire et de l’ensemble de ses personnels. »

On voit ici que le gouvernement introduit subtilement une conception toute particulière de la « confiance » qui implique que les enseignants doivent se montrer exemplaires - autrement dit conformes à ce que le gouvernement attend d’eux. Cet article, présenté comme un «  article de principe » par le ministre Blanquer, peut sembler inoffensif à première vue et le Conseil d’État a d’ailleurs souligné que «  ces dispositions ne produisent par elles-mêmes aucun droit ». Cependant, dans l’étude d’impact de la loi fournie aux députés par le ministère, on peut lire que :

« Les dispositions de la présente mesure pourront ainsi être invoquées, comme dans la décision du Conseil d’État du 18 juillet 2018 précédemment mentionnée, dans le cadre d’affaires disciplinaires concernant des personnels de l’éducation nationale s’étant rendus coupables de faits portant atteinte à la réputation du service public. Il en ira par exemple ainsi lorsque des personnels de la communauté éducative chercheront à dénigrer auprès du public par des propos gravement mensongers ou diffamatoires leurs collègues et de manière générale l’institution scolaire. Ces dispositions pourront également être utilement invoquées par l’administration dans les cas de violences contre les personnels de la communauté éducative ou d’atteintes au droit au respect de leur vie privée, notamment par le biais de publications sur des réseaux sociaux.  »

Or, comme le souligne le Café pédagogique, l’étude d’impact montre qu’un glissement important est opéré ici puisque l’introduction de la notion d’exemplarité dans la loi repose en réalité sur une décision du Conseil d’État qui concerne la révocation d’un enseignant condamné pour agression sexuelle sur mineurs. Autrement dit, le projet de loi pourrait permettre de « révoquer facilement » les enseignants qui ne sont pas « exemplaires » de la même manière dont fut révoqué l’enseignant dans ce cas très spécifique. Plus largement, comme le souligne la pétition lancée par la FSU contre l’article 1 du projet de loi, il semble que le gouvernement cherche «  à inscrire dans la loi une obligation de réserve qui n’y figure pas ».

Un projet de loi en réaction à la mobilisation d’enseignants contre les attaques du gouvernement

Bien évidement, l’adoption de ce projet de loi prend place dans un contexte de remise en cause croissante du gouvernement, y compris au sein de l’Éducation nationale. En effet, difficile d’imaginer qu’un tel article aurait été nécessaire si des profs n’avaient pas élevé leur voix contre les réformes Blanquer qui précarisent leurs conditions de travail et donc les conditions d’études de leurs élèves ainsi que l’avenir de ces derniers. La mobilisation des stylos rouges, ces profs qui s’inspirent des Gilets jaunes, ainsi que les nombreux coups de gueules de profs exprimés sur les réseaux sociaux suite notamment à la répression inédite des lycéens mobilisés semblent être l’objet de cette injonction à l’exemplarité. Le fait que l’article évoque les réseaux sociaux, « dernier espace de liberté » d’après François Jarraud dans le Café pédagogique, a tout l’air d’une réponse aux campagnes « #PasDeVagues » et « #JeSuisEnseignant » lancés par des profs en colère sur twitter.

Une nouvelle porte ouverte à la répression

Bien que ce projet de loi ne soit pas encore adopté et qu’il est difficile de savoir quelles en seraient les conséquences juridiques réelles, il montre la volonté du gouvernement de museler l’opinion et notamment celle des profs. Il ouvre de nouvelles possibilités de répression des voix qui s’élèvent contre la multitude des attaques faites à l’encontre de nos droits sociaux, notamment via la casse des services publics dont l’éducation nationale fait partie. On peut ici rappeler la convocation d’une enseignante de Dijon rappelée à l’ordre par le rectorat après avoir critiqué Macron suite à son intervention télévisée fin décembre. Plus largement, ce projet de loi s’inscrit dans une offensive de l’État sur tous les fronts pour organiser un durcissement de la répression et pour réaffirmer en parallèle un cadre républicain nationaliste, que l’on retrouve dans ce projet de loi non seulement avec cette notion d’ « exemplarité » dont devraient faire preuve les membres du personnel enseignant mais aussi avec l’obligation nouvelle de « la présence de l’emblème national de la République française, le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge, du drapeau européen ainsi que des paroles du refrain de l’hymne national […] dans chacune des salles de classe » qu’instaurerait l’article 1er bis A de la loi.

crédits photo : STEPHANE DE SAKUTIN/AFP

 
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