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La Izquierda Diario
19 de juillet de 2015 Twitter Faceboock

Gauche radicale grecque
Syriza, sa crise et son aile gauche

Le vote au sein du Parlement grec concernant le nouveau mémorandum a dévoilé au grand jour la crise ouverte au sein du parti d’Alexis Tsipras. Sur les 149 députés de Syriza, 32 ont voté contre, 6 se sont abstenus, deux autres s’étant absenté. Il s’agit de l’énième symptôme de la crise du parti et de son aile gauche. Mais gauche… jusqu’à quel point ?

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Josefina Martinez

Le nouvel accord signé par Alexis Tsipras est une « humiliation pour la Grèce », pouvait-on lire lundi 13 juillet dans un édito du site Iskra, où s’expriment les positions de l’aile gauche de Syriza. Néanmoins, l’accord est passé, comme on pouvait l’attendre, soutenu par la partie des députés de Syriza alignée sur le Premier ministre, grâce aux voix des Grecs Indépendants d’Anel, et celles de l’opposition de droite au gouvernement.

Le secteur majoritaire de la Plateforme de Gauche, dirigé par Panagiotis Lafazanis, ministre des Ressources productives jusqu’à vendredi 17 juillet, est composé d’anciens militants du Parti Communiste de Grèce, de maoïstes et de nationalistes de gauche. Ce courant parie sur un « Plan B » qui commencerait par une sortie de l’euro, le non-paiement de la dette et une dévaluation de la monnaie. Il propose un programme de « relance de l’économie nationale » aux côté d’un secteur de la bourgeoisie grecque et cherche le soutien d’autres partenaires pour la Grèce au niveau international, notamment du côté de la Russie et de la Chine. En dernière instance, la stratégie de la Plateforme de Gauche est celle d’une sortie de l’euro réformiste et nationaliste, avec des secteurs de la bourgeoisie nationale, certains allant même jusqu’à citer l’exemple de l’Argentine en 2001 comme un exemple à suivre.

Ce secteur critique de la direction de Syriza n’a jamais voulu démissionné de ses positions ministérielles jusqu’à ce que Tsipras lui-même procède à un remaniement après que certains députés de Syriza n’ont pas respecté sa consigne de vote mercredi dernier au Parlement grec. En ce qui concerne Lafazanis, même s’il a fini par voter contre l’accord, il a quand même déclaré qu’il ne souhaitait pas démissionner et qu’il continuait à soutenir le gouvernement et le Premier Ministre, qui a pourtant capitulé de manière scandaleuse face à la Troika. Une drôle de manière de s’y opposer, donc.

Cette attitude opportuniste, au-delà des déclarations et des résolutions prises dans les réunions de Comité Central du parti, a montré sa complète impuissance face à un gouvernement qui est passé du statut de « laboratoire de la gauche radicale européenne » à celui de « gouvernement du troisième mémorandum de la Troika » en l’espace de six mois.

Dans le cadre du débat entre Stathis Kouvelakis et Alex Callinicos, principal dirigeant du Socialist Workers Party (SWP) britannique, qui s’est tenu à Londres dans le cadre de la Conférence Marxism 2015, on retrouve plusieurs éléments au sujet de la polémique autour de Syriza.

Kouvelakis affirme qu’il faudrait éviter de « répéter des formules toutes faites et des vérités qui ont été utilisées à des nombreuses occasions par le passé, parfois de manière juste et parfois non ». Concrètement, selon lui, il ne faudrait pas parler de « trahison » de la part de Syriza, et il ne faudrait pas non plus « répéter les vieilles recettes ».

Ce type de discours, qui cherche à balayer d’un revers de main toute l’expérience de la classe ouvrière et du marxisme du XX° en la qualifiant de « dogme » est malheureusement monnaie courante au sein de la gauche radicale européenne qui a par ailleurs adhéré avec enthousiasme aux « nouveaux » projets réformistes, comme Syriza et Podemos. Néanmoins, la crise grecque met ces discours face à la réalité.

Kouvelakis affirme qu’on ne peut pas caractériser Syriza comme un phénomène réformiste « classique » qui chercherait à « améliorer les conditions de vie des travailleurs et à arracher des acquis matériels dans les limites du système capitaliste », à l’image de ce qui a été la social-démocratie à l’époque de l’Etat de providence. « Syriza n’a pas le même type de cohésion. Que cela plaise ou non, l’identité de Syriza est anticapitaliste, selon Kouvélakis. Il s’agit d’un parti qui cherche à détruire le capitalisme à travers la transition vers le socialisme, si l’on définit le socialisme comme la socialisation des moyens de production ». Voilà une « idée pré-conçue », en revanche, qui ne reflète en rien la réalité. Syriza s’est engagé à payer la dette, à rester dans la zone euro et à rendre moins dure l’austérité. Le parti ne s’est jamais proposé de remettre en question le système capitaliste en tant que tel. Au contraire, pour l’ancien Ministre de Finances, Yanis Varoufakis, présenté désormais par certains comme le « héros » de la gauche, il s’agit de sauver le capitalisme européen.

Toute l’expérience concrète des six derniers mois du gouvernement montre la faillite du projet de collaboration de classes incarné par Syriza. Tout d’abord, il y a eu l’alliance avec la droite nationaliste et xénophobe de ANEL, puis la signature de l’accord du 20 février, l’abandon du programme de Thessalonique, déjà passablement modéré, les innombrables concessions à la Troïka et, pour finir, la signature d’un accord « colonial » à Bruxelles, le 12 juillet.

Bien que Syriza se délimite du « réformisme classique » de l’après-guerre, cela n’est pas dû au fait que le parti soit « anticapitaliste », mais à d’autres raisons. Tout d’abord, dans le contexte de la crise mondiale, le contexte économique n’a rien à voir avec les conditions de destruction du tissu productif sur lequel a plongé ses racines le boom de l’après-guerre et sur la base duquel le réformisme s’est renforcé. De plus, il s’agit aujourd’hui d’un réformisme sans poids organique dans la classe ouvrière, ce qui le transforme en un « réformisme sans réformes », incapable de lutter ne serait-ce que pour soutenir des mesures qui amélioreraient, même partiellement, les conditions de vie des travailleurs.

La nécessité d’un programme anticapitaliste et d’une organisation politique révolutionnaire, indépendante de tout projet réformiste, loin d’être un « dogme », comme l’affirme Kouvelakis, est une nécessité concrète face à la crise systémique actuelle du. C’est aujourd’hui l’une des leçons de la situation tragique que vivent les travailleurs et la jeunesse en Grèce.

La faillite de Syriza et sa capitulation est aussi la faillite des organisations de la gauche radicale européenne qui se sont adaptées et ont intégré les organisations réformistes comme Syriza et Podemos en défendant une stratégie qui cherchant à combiner la gestion de l’Etat avec les mobilisations sociales. En fin de comptes, en privilégiant le parlementarisme et la gestion de l’Etat capitaliste, elles ont contribué à la passivisation du mouvement ouvrier en opposition au développement de la lutte de classes.

Aujourd’hui en Grèce, les travailleurs commencent à lutter contre les politiques d’austérité du gouvernement de Syriza. Continuer à intégrer ou à soutenir ce gouvernement, comme a voulu faire Lafazanis, est une capitulation totale. Les secteurs critiques au sein de Syriza, en particulier ceux qui se revendiquent de l’anticapitalisme, s’ils sont vraiment conséquents avec le rejet du mémorandum, devraient commencer par faire un bilan de la faillite de la politique qu’ils ont menée.

C’est en raison de cette politique opportuniste de subordination à la direction de Syriza et à son succès électoral que la gauche du parti a refusé de proposer une alternative indépendante pour faire face à la politique de Tsipras. Au contraire, elle a perdu un temps précieux dans les débats parlementaires et a continué à semer des illusions sur le fait que le gouvernement Syriza-Anel pouvait « gérer la crise » et affronter les capitalistes, et ce dans un contexte où les conditions pour un inévitable affrontement avec la Troika empiraient jour après jour. Contrairement à ce que certains affirmaient et utilisaient comme argument pour soutenir Syriza, cette situation n’a pas contribué à mobiliser les travailleurs et la jeunesse en Grèce.

Malgré ses critiques, si la « gauche de Syriza » reste au gouvernement et dans le parti de Tsipras, elle continuera à être complice d’un gouvernement de collaboration de classes qui a trahi ouvertement la volonté populaire, pour adopter un agenda de réformes et d’austérité imposé par la Troika... et qui est prêt à l’imposer par la répression, si cela est nécessaire.

La seule politique conséquente serait de faire un bilan profond des conséquences de cette politique opportuniste et l’immédiate rupture avec Syriza et le gouvernement, avec l’objectif d’organiser une mobilisation indépendante et un front unique ouvrier contre le nouveau mémorandum de Tsipras et la Troika ; un front unique pour lequel il faudrait créer des organismes de coordination à la base, où travailleurs et secteurs populaires pourraient s’organiser à partir de leurs lieux de travail, leurs quartiers et leurs lieux d’étude, pour enfin surmonter toute perspective sectaire à l’instar de celle que défend le KKE.

En ce qui concerne la gauche anticapitaliste grecque qui maintient une position indépendante du gouvernement, contre la conciliation de classes et pour une perspective ouvrière révolutionnaire, il reviendrait aux groupes qui sont partie prenante de la coalition Antarsya d’ouvrir d’ouvrir le débat quant à la nécessité d’un parti révolutionnaire. Parallèlement, cette gauche révolutionnaire devrait chercher les voies pour converger avec ces milliers de travailleurs et de jeunes qui, tôt ou tard, déçus de Syriza et qui cherchent une alternative politique. Il s’agit d’un énorme défi pour lequel la solidarité internationaliste et révolutionnaire sera également fondamentale. C’est en ce sens également que la mise en place, en Europe, d’initiatives et de campagnes de soutien en direction des travailleurs et de la jeunesse de Grèce, pour l’annulation de la dette et contre la répression, est fondamentale.

 
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