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La Izquierda Diario
28 de février de 2019 Twitter Faceboock

Le sexisme érigé en devise
Coup de gueule. Cette rage qui m’a envahie en voyant mon "fessier" sur un arrêt de bus
Flora Carpentier

Cela fait bien longtemps que je ne prête plus attention aux publicités qui envahissent notre quotidien. Trop de rancœur accumulée, sans doute, contre ces normes qu’elles véhiculent, martelant sans relâche la façon dont on devrait vivre, consommer, aimer... mais là, voir mon fessier érigé en devise, c’en est trop. Je me suis arrêtée tout net.

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Marche, arrêt, retour en arrière, arrêt sur image... non je n’ai pas rêvé, ils ont osé ! Ils ont osé ériger en devise, sur cet arrêt de bus, mon « beau fessier », notre « beau fessier », celui de toutes les femmes que nous sommes, qui nous sentons salies chaque fois que nos corps sont tournés en marchandise. Alors oui je m’identifie à ce fessier, bien que le mien ne réponde pas à la norme qui l’autoriserait à “décorer” un arrêt de bus. Et oui j’enrage, une fois de plus, même si je ne découvre rien. J’enrage à la seule pensée que leur jeu fonctionne encore, celui qui consiste à nous faire croire que nous, les femmes, ne devrions avoir comme barème d’estime de nous-mêmes que la courbure de notre fessier. J’enrage qu’on cherche à nous faire croire que la liberté peut être synonyme d’une normalisation de nos corps, j’enrage que la femme en soit toujours réduite au statut de femme-objet, j’enrage que tant de femmes, sœurs, filles, mères, en souffrent chaque jour, persuadées malgré elles que leur valeur se mesure à leur tour de poitrine. J’enrage de trouver sur une même affiche, encore en 2019, les mots « liberté », « égalité », et « beau fessier », qui plus est sur une publicité d’une marque qui ose s’appeler « Le temps des Cerises ».

Non notre liberté n’est pas celle de correspondre à vos clichés, non nous ne sommes pas plus heureuses quand une publicité ou ce que notre société considère comme un compliment nous renvoie à nos “jolies fesses”. C’est même tout le contraire. Cela fait partie de la violence de cette société patriarcale que de nous renvoyer sans cesse à notre physique, le tout à travers un carcan de normes qui ne nous ressemble pas. Alors aujourd’hui j’ai décidé de ne pas passer mon chemin les bras croisés. J’aurais pu être prise d’un élan de frénésie et me mettre à torpiller cet arrêt de bus. J’ai préféré la force des mots, et je le dis haut et fort : il y en a assez de laisser la société dicter les normes de beauté, dicter nos comportements, dicter comment nous devrions nous habiller ou nous déshabiller, dicter nos rôles sociétaux. Il y en a assez d’entendre dire que la femme est désormais l’égale de l’homme, alors qu’à chaque instant du quotidien, on vit tout l’inverse dans notre corps et dans nos chairs. Il y a en a assez de nous laisser rabaisser à un rôle subalterne, il y en a assez de vivre pour plaire, il y en a assez d’accepter la précarité, les bas salaires et le plafond de verre !

Une amie me racontait qu’en passant devant la fameuse affiche, les copines de son fils de 9 ans avaient réagi : “mais elle est nulle cette affiche, elle se moque des féministes, elle est machiste !” Puisse l’indignation de ces fillettes se retrouver en chacune d’entre nous, puisse la colère des femmes gilets jaunes qui s’exprime avec force depuis 16 samedis aviver en nous la soif de combattre pied à pied cette société patriarcale, incapable de nous offrir l’égalité réelle, derrière une parodie d’égalité qui n’est qu’un écran de fumée. Cessons de nous taire, refusons la résignation, crions nos colères, refusons la banalisation.

Et puisse Le Temps des Cerises évoquer en chacune et chacun d’entre nous le nom de cette douce rengaine rappelant la mémoire des Communard.e.s, après que son auteur Jean-Baptiste Clément l’ait dédiée à une infirmière rencontrée au pied des barricades, soignant les réprimés de la Semaine Sanglante. Louise est l’une de ces femmes ouvrières qui ont fait notre histoire et dont seul un prénom est resté, comme un lointain souvenir qui ne mérite que d’être ravivé, en l’honneur des « street-médic » de la Commune de Paris. Ne laissons plus le capital travestir les mots qui nous appartiennent, ne le laissons plus ternir la mémoire de nos luttes et de ceux qui se sont battus avant nous, payant par leur chair le prix du combat pour l’émancipation et la justice sociale.

Quand nous en serons au temps des cerises
Et gai rossignol et merle moqueur
Seront tous en fête
Les belles auront la folie en tête

A l’approche du 8 mars, nous invitons chacune d’entre vous à nous écrire pour nous faire part de vos témoignages et de vos colères, afin de leur donner de la voix : écrivez-nous à [email protected].

 
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