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La Izquierda Diario
6 de mars de 2019 Twitter Faceboock

Lancement « du Pain et des roses » en Europe
Tournée d’Andréa d’Atri en Europe : un féminisme aux couleurs de l’international
Andrea D’Atri

Après avoir réuni près de 2000 personnes lors d’une tournée comprenant plus d’une douzaine d’activités dans huit villes européennes, Andrea D’Atri, fondatrice du groupe Pan y Rosas en Argentine-, raconte ses impressions sur cette activité politique intense et passionnée.

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Réveillée très tôt le matin, encore personne ne marchait le long des chemins du canal menant à la gare Saint-Denis. Seuls quelques canards nageaient entre des sacs en plastique et autres débris.

J’avais déjà accompli les deux tiers de la tournée "Pour le pain et les roses", c’était de l’insomnie et non du décalage horaire : elle avait commencé depuis trois semaines par Rome, puis j’étais allée à Munich, Madrid, Barcelone, Bordeaux et Toulouse. Mais ce soir-là, à Paris, j’allais présenter l’édition française du livre « Pan y Rosas » avec Fernande Bagou, l’une des travailleuses qui a mené la grève d’ONET, et Francie Foster, bibliothécaire travailleuse précaire qui a organisé les femmes Gilet Jaunes.

Plus tard, je me suis promenée dans le quartier où j’étais hébergée chez une camarade immigrée. La « France profonde » tourbillonne sur les places, dans les gares mais aussi dans les locaux des kebabs des banlieues où ces jeunes savent que la police les interceptera deux ou trois fois avant qu’ils n’atteignent le centre de Paris, juste parce qu’ils sont noirs et viennent de la périphérie ; des femmes et de shommes qui, très tôt le matin s’engouffrent dans les rames du RER pour aller faire les travaux d’exécution dans l’ombre des bureaux parisiens ; des hommes sans emploi, laissant courir les heures entre cigarettes et regards perdus, avec le sentiment de ne jamais pouvoir trouver du travail.

Près de ce canal de la Seine, l’ambiance ne rend pas ce quartier très différent d’Avellaneda, loin de Buenos Aires. J’ai souri en pensant aux images « glamour » de Paris que nous connaissons grâce aux visites officielles de Mauricio Macri ou de Cristina Kirchner. Loin de ces images imprégnées de Cartier, Dior, Givenchy et Vuitton, je me suis retrouvée dans les rues où, il y a quatorze ans, les révoltes de la banlieue avaient pris naissance, cette explosion de rage des jeunes las de la répression policière, de la précarité et de la discrimination. Un siècle auparavant, ces mêmes rues étaient le théâtre de grandes grèves ouvrières, quand Saint-Ouen était le fleuron des ateliers métallurgiques, de scieries, des imprimeries et la classe ouvrière vivait fièrement dans une des premières municipalités socialistes révolutionnaires. Même à cette époque, la police a pris la vie d’un travailleur rouge des banlieues pendant les manifestations.

Grève à Saint-Ouen Paul Louis Delance (1908)

J’ai tout de suite pensé aux premières lignes du livre « du Pain et des roses », qui raconte la participation des femmes pauvres de la banlieue parisienne lors des manifestations de 1789 pour l’augmentation du pain ; celles qui marchaient armées vers Versailles pour réclamer au roi, tirant quelques canons. J’ai pensé aux incendiaires de 1871 venues défendre le gouvernement ouvrier de la Commune de Paris, sur les barricades, jusqu’à ce qu’elles soient massacrées, exécutées ou déportées.

Je me suis souvenue des « 343 salopes » françaises dans les années 70 qui, selon les mots de Simone De Beauvoir, ont dit au gouvernement français : « Je déclare avoir avorté. Tout comme nous exigeons le libre accès aux contraceptifs, nous exigeons l’avortement gratuit »,

J’étais sûre que nous ne présenterions pas un simple livre ce soir-là ; nous prendrions entre nos mains le fil violet de l’histoire des plus opprimées et exploitées, pour tisser de nouveaux liens entre les jeunes étudiantes et les ouvrières d’ONET, les cheminotes, les ouvrières de l’hôtel Hyatt, les femmes précaires qui portent leur gilet jaune chaque week-end, depuis des mois, pour demander la démission de Macron.

Loin du « glamour » des Champs Elysées ou de l’avenue Foch, la "France profonde" a arrosé de son sang l’histoire mondiale de nos luttes et de nos droits. Nous ne permettrons ni à l’impérialisme français, ni à la haine raciste, ni aux frontières des bourgeoisies nationales, ni quoi que ce soit, de nous empêcher de nous sentir dignes et responsables de cet héritage universel d’esclaves insurgé-e-s n’importe où dans le monde.

Les amies paraguayennes qui nettoient les maisons des familles riches de Catalogne m’avaient déjà transmis leur force et leur courage : "Ils veulent triplement nous opprimées ? Nous serons trois fois plus combattantes" témoignait Rita devant une centaine de femmes travailleuses et de jeunes étudiants qui souffrent aussi de précarité, réunis par Pan y Rosas à Barcelone. Comment ne pas sentir un noeud dans la gorge quand les travailleurs du Pérou, d’Honduras, de la Guinée équatoriale, du Paraguay ou du Salvador chantent avec les Catalans de la chorale Flor de Mach l’hymne de Pan y Rosas, pour finir en fredonnant ensemble "A la huelga, diez, a la huelga cien, a la huelga mil..." (À la grève dix, à la grève cent, à la grève mille...) ?

Ils n’étaient pas si différents des compagnons roumains, albanais ou érythréens avec lesquels nous étions dans le bâtiment occupé du Viale delle Provincie à Rome. Ils sont au courant des discriminations, tout comme les gitans d’Andalousie, les Marocains qui viennent au sud de l’Espagne pour récolter des fraises ou les femmes kurdes qui, en Allemagne, vivent jour après jour sans savoir quand elles seront déportées.

La marée verte, ici, en Argentine, a toutes les couleurs. Les assemblées de préparation du 8 mars auxquelles j’ai été invitée à Munich et à Paris ou celles auxquelles participent nos sœurs du collectif « Pan y Rosas » à Madrid, à Barcelone ou à Berlin, ne diffèrent pas beaucoup de notre assemblée "Ni Una Menos". Partout, il y a des débats, des consensus, des tensions, des différences, de l’énergie et de l’enthousiasme.

Face à la crise d’hégémonie néolibérale, les femmes descendent dans la rue en Argentine, en Espagne et dans d’autres pays, parce que le capitalisme patriarcal nous a appris avec le fouet de l’exploitation et de la discrimination que l’égalité devant la loi, sous sa domination, ne peut jamais être égalité devant la vie.

’Assemblée de femmes à Paris

Quelques femmes d’affaires millionnaires, leurs représentantes politiques et les féministes libérales s’inquiètent que le plafond de verre pour leur carrière professionnelle existe toujours.

Nous, camarades du courant international des femmes socialistes révolutionnaires « Du pain et des Roses », mettons tous nos efforts dans l’organisation des femmes travailleuses, celles qui sont des millions, celles qui sont les plus discriminées et exploitées, à cause de leur couleur de peau, leur nationalité ou leur identité sexuelle. Aucun plafond ne peut nous arrêter, parce que nous nous préparons à prendre le ciel à l’assaut.

 
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