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La Izquierda Diario
7 de mars de 2019 Twitter Faceboock

Le plus dur sera l’atterrissage
Grand Débat. Edouard Philippe prévient : « le risque déceptif est important »
Max Demian

Les Gilets Jaunes, toujours mobilisés, continuent de mettre la pression sur le gouvernement, contraint, dans une position délicate, d’adopter une ligne défensive et risquée.

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Pensé comme une stratégie contre les Gilets Jaunes, dont le but consiste à mener une « guerre de mouvement » pour occuper l’espace politique et médiatique, le Grand Débat a permis, malgré des limites, à Emmanuel Macron de temporairement reprendre la main et gagner du temps. Plus encore, sa cote de popularité retrouve ses valeurs d’avant le mouvement des Gilets Jaunes, marquant une consolidation marquée sur la droite, mais qui reste cependant fébrile comme l’analyse Bernard Sananès, de l’institution de sondage Elabe : « Ce socle électoral élargi lui permet d’aborder la sortie du grand débat en ayant retrouvé un peu d’audibilité. S’il est parvenu à effacer dans ce baromètre l’effet de la crise des « gilets jaunes », le chef de l’Etat aurait tort de se croire définitivement tiré d’affaire. L’issue du grand débat est un casse-tête à très hauts risques. »1

Les contradiction du grand débat : promettre... au risque de décevoir

En cela, la montée en puissance au cours de ces trois mois du Grand Débat a généré de nouvelles contradictions, à savoir produire des attentes d’autant plus importantes que les marges de manœuvres politiques et économiques réelles du gouvernement sont limitées. « Pendant encore trois mois, écrit un éditorial des Echos,2 Emmanuel Macron va devoir surprendre, donner le tempo et maintenir le rythme. Ce qui veut dire notamment réussir la sortie du grand débat avec des propositions à la hauteur des attentes - immenses - des Français. Une gageure. Sinon les oppositions ne manqueront pas de nouveau de lui reprocher d’avoir cherché à gagner du temps et de s’être moqué de l’opinion. Avec quelques des arguments cette fois. » Comme le concède lui-même un parlementaire LREM, dont les paroles sont rapportés par le journal les Echos : « Le plus dur, comme toujours, c’est l’atterrissage, (…) l’objectif, c’est décevoir le moins possible. 3 »

En ce sens, à l’approche de la conclusion du Grand Débat, fixé au 15 mars, le gouvernement, à la défensive, cherche à préparer les esprits à un atterrissage qui risque de faire de nombreux déçus. C’est ce à quoi s’est attelé Edouard Philippe lui-même au cours d’une réunion du groupe LREM à l’Assemblée Nationale, prévenant d’un « risque déceptif » à l’issue du Grand Débat : « Le risque déceptif est important (…) Il faut préparer nos concitoyens à ce que les propositions à la sortie ne soient pas les réponses à toutes les remontées des débats. »

Une ligne déclinée par le gouvernement à travers plusieurs interventions de ministres, qu’il s’agisse de Brune Poirson sur LCI : « Il va falloir atterrir sur un consensus, certaines personnes n’y trouveront pas leur compte mais c’est la loi de la majorité, on est dans une démocratie (…) De toute façon, on n’a pas de baguette magique, ni ce gouvernement, ni les précédents, ni ceux d’après. Il y a des réalités : nous sommes dans un contexte européen, dans un contexte international, dans un contexte budgétaire donné. Bref, il y a un cadre à respecter et nous ne changerons pas tout du jour au lendemain, sinon, on l’aurait fait depuis longtemps, le plein emploi en France en payant moins d’impôts » ; ou d’Emmanuel Wagram, co-animatrice du Grand Débat : « Il est peu probable que l’on règle tous les sujets que les Français ont mis sur la table, sur lesquels ils nous attendent, par quelques mesures immédiates. »
Il s’agit de préparer le choc de l’atterrissage et embrayer sur la séquence post grand débat, notamment en préparant la campagne des européennes comme transition.

Le gouvernement cherche une issue de secours au grand débat

L’enjeu pour le gouvernement, en préparant les déceptions, est en effet aussi d’assurer la transition entre le grand débat et la campagne des européennes, la seconde étant pensée comme le prolongement de la première – au moment où le grand débat commence à lasser et susciter des attentes importantes en passe d’être déçues. « Mais cet enchevêtrement entre l’achèvement du débat national et le lancement de la campagne européenne est bienvenu pour l’exécutif, écrit Grégoire Tabard, éditorialiste au Figaro. Car si l’intérêt pour cette grande démarche participative a été évident, l’effet commence à s’estomper. Et d’ici à la restitution, et surtout aux décisions, la possibilité de l’enlisement est réelle. Sans parler du risque « déceptif » déjà pointé par le premier ministre. Ouvrir un second front est le meilleur moyen d’entretenir la flamme du débat. »4

Toutefois, le regain de temps et d’espace politique demeure fébrile et temporaire : l’opinion publique reste majoritairement sceptique quant à l’issue du grand débat, le 20 février, selon un sondage Elabe, 58% des interrogés affirmaient qu’Emmanuel Macron et son gouvernement ne tiendront pas compte des points de vue exprimés au cours du grand débat. La réalité de la situation est que le gouvernement dispose de peu de marges de manœuvres politiques ou budgétaires pour lui permettre de répondre de manière conséquente aux demandes des Gilets Jaunes. Et si un référendum est évoqué de-ci de-là comme un "joker" pour se dépêtrer au grand débat, la manœuvre est là encore à double tranchant : ou bien l’adhésion pourrait temporairement relégitimer Macron, ou bien le vote pourrait se retrouver contre lui et lui porter un nouveau coup.

En février, Jerome Sainte-Marie, politologue, pronostiquant déjà que le plus dur serait la sortie du grand débat, écrivait : « le pays demeure dans un état de très grande nervosité sociale. Toute nouvelle annonce gouvernementale pourrait déclencher une déflagration. » 5 En tout état de cause, la ligne politique, d’Edouard Philippe et des autres ministres, démontre que les contradictions du gouvernement sont loin d’être dépassées. Les Gilets Jaunes, toujours mobilisés, continuent de mettre la pression sur le gouvernement, contraint, dans une position délicate, d’adopter une ligne défensive et risquée.

Crédits photo : Rémy Gabalda / AFP

1 La cote de Macron se redresse à la faveur du grand débat - Les Échos
2 Macron et la guerre de mouvement - Les Échos
3 La cote de Macron se redresse à la faveur du grand débat - Les Échos
4 Guillaume Tabard : « Les deux calendriers d’Emmanuel Macron » - Le Figaro
5 "Gilets jaunes" : "La température a beaucoup baissé", selon le sondeur Jérôme Sainte-Marie – Europe 1Grand Débat. Edouard Philippe prévient : « le risque déceptif est important »

 
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