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La Izquierda Diario
19 de mars de 2019 Twitter Faceboock

Un an après la Bataille du Rail – Partie VI
Interview de T., cheminote : « J’ai toujours été une battante »
Correspondant.e.s cheminot.e.s

Un an après l’énorme Bataille du Rail contre la réforme ferroviaire du gouvernement Macron, Révolution Permanente partage avec l’ensemble de ses lecteurs un ensemble d’articles qui reviennent sur les principaux événements et leçons de cette lutte acharnée que fut la Bataille du Rail, où pendant plus de trois mois cheminots et cheminotes de tout le pays ont tenu tête à Jupiter. Les attaques pleuvent à la SNCF et aujourd’hui, à la lumière du mouvement des Gilets Jaunes, la défense du service public apparaît plus que nécessaire. Dans ce sixième article, nous avons interviewé T., en grève reconductible contre la réforme ferroviaire et aujourd’hui mobilisée avec les Gilets Jaunes, qui revient pour Révolution Permanente sur « ce que c’est » d’être une femme travailleuse et gréviste.

Link: https://www.revolutionpermanente.fr/Interview-de-Torya-cheminote-J-ai-toujours-ete-une-battante

Crédit photo : LouizArt

Révolution Permanente : Quel sera l’impact de la réforme ferroviaire sur la vie des femmes et des cheminotes ?

T. : La réforme ferroviaire va bouleverser considérablement la vie quotidienne des femmes cheminotes surtout quand on sera obligées de basculer dans une entreprise privée. Cela impactera nos salaires mais aussi nos horaires et, le pire, nos affectations.

En effet, les mutations professionnelles ne se gèrent pas facilement quand on a des enfants et qu’on doit dans un délai très court bouleverser l’équilibre familial. J’entends déjà à l’heure actuelle, sans même parler d’aller au privé, de nombreuses femmes qui, suite à des suppressions de postes notamment dans la filière commerciale, se trouvent prises à la gorge par des missions de plus en plus éloignées de leur domicile. Avec en plus la hausse du carburant, on se retrouve dans des situations très précaires. Tout ceci est inadmissible dans une entreprise comme la nôtre.

RP : Quelles ont été les principales difficultés auxquelles tu as dû faire face, en tant que femme travailleuse et gréviste ? Qu’est-ce qui a fait que tu as quand même gardé ta détermination jusqu’au bout ?

T. : J’ai toujours été une battante. C’est mon parcours personnel qui m’a donné autant de détermination, je suis mère isolée de 3 enfants, je travaille en 3x8 en tant qu’agent circulation dans un triage près de Paris.

Je me suis inscrite dans une grève reconductible, j’ai perdu près de 3000€ sur 3 mois. C’est une grosse perte financière surtout que dans ma situation familiale, chaque euro compte. Je n’ai pas eu peur de perdre de l’argent parce que pour moi mes convictions sont plus importantes. Grâce aux soutiens de ma famille, de mes camarades de lutte mais aussi à la générosité des usagers venus nous soutenir durant tout le conflit, il a été possible de tenir.

Je me suis battue jusqu’au bout car pour moi cette réforme est injuste. Injuste par rapport à ce que nos anciens ont réussi à obtenir dans des grèves dures et qu’on nous vole, avec la complicité du gouvernement, uniquement pour générer des profits à de nombreuses sociétés privées qui n’attendaient que ça. 

RP : Les questions féministes sont au cœur de l’exploitation et l’asservissement capitaliste. Pourquoi et comment penses-tu que la classe ouvrière doit s’en emparer ?

T. : C’est évident que nous nous faisons exploiter encore plus les femmes, car à travail égal, on n’est pas payé pareil, on doit faire des "pauses" pour avoir des enfants et s’en occuper. Puis nous sommes obligées de travailler pour les faire garder, au même titre que les faire garder pour travailler. Ça c’est la société patriarcale dans laquelle on vit qui impose ça à notre détriment alors qu’une femme a deux boulots, un à la maison et l’autre dehors. Pour nous, c’est donc la double peine. Du coup on a l’obligation de faire des choix et ça ce n’est pas normal, je le sais d’autant plus que je n’ai pas de conjoint sur lequel me reposer. C’est un choix et j’ai choisi de faire les deux pleinement, ce n’est pas normal d’être pénalisée pour cela.

La classe ouvrière et les luttes voient apparaître un phénomène nouveau. Les femmes, surtout les plus précaires, prennent la parole, s’expriment, et osent lutter, comme les femmes du nettoyage de chez Onet, sous-traitant de la SNCF, qui ont mené une lutte remarquable. Et ça c’est encourageant car on montre l’exemple de ce que peut être la combativité. Dans ce conflit sur la réforme ferroviaire, le leitmotiv de la stratégie de lutte choisie par les directions syndicales était financière : on fait deux jours de grève par séquence de 5 jours, pour ne pas perdre trop d’argent. Je suis le parfait contre-exemple : j’ai fait grève reconductible en étant précaire, en ayant des bouches à nourrir. La lutte se gagne avec de la détermination et pas de la résignation.


NOTE : Cet article fait partie d’une brochure contenant un ensemble d’articles qui abordent différents aspects de la Bataille du Rail et de la politique qui a été menée et proposée par les cheminots militant à Révolution Permanente. Si vous souhaitez recevoir cette brochure, n’hésitez pas à nous solliciter : [email protected]

Format A4, 42 pages

 
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