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La Izquierda Diario
19 de mars de 2019 Twitter Faceboock

La métropole est une ordure
En grève illimitée, les éboueurs de la région toulousaine font une trêve jusqu’à vendredi
Flo Balletti

Au total, environ 360 éboueurs étaient en grève illimitée ce mardi pour lutter face à une réorganisation imposée par la métropole, avec comme conséquence la suppression a minima de 32 postes de contractuels et la détérioration des conditions de travail des agents. Une première rencontre a eu lieu ce matin avec l’élu en charge du personnel de la mairie. Les négociations semblent avoir avancé : la grève est levée jusqu’à vendredi en vue d’un accord. La population toulousaine s’était d’ores et déjà montrée solidaire des grévistes.

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Tous les agents (hors cadres) des équipes de jour étaient en grève illimitée depuis lundi 18 mars, sur les deux dépôts de Toulouse, celui du Raisin (centre-ville) et de Monlong (Mirail). Un taux de grévistes proche des 100%, soit 250 éboueurs mobilisés, bloquant les deux dépôts. Mardi matin, ils ont été rejoints dans la lutte par leurs collègues de Colomiers et de Blagnac : environ 110 éboueurs supplémentaires, soit au total environ 360 grévistes sur 4 dépôts.

Ce mardi matin, une délégation était reçue par Henri de Lagoutine, l’élu en charge du personnel au sein de la collectivité pour entamer les négociations. L’intersyndicale (CGT, UNSA, FO) avait proposé aux grévistes qui le souhaitaient de faire partie de la délégation reçue par la métropole. Les négociations semblent avoir bien avancé, au point que les deux parties ont annoncé la suspension de la grève jusqu’à vendredi. Si toutefois un accord n’était pas trouvé d’ici là, le mouvement pourrait repartir de plus belle.

Engagés dans une grève dure, les éboueurs luttent face à la dernière réorganisation de la collecte que leur a concocté la métropole. En théorie, depuis ce lundi 18 mars, jour de lancement de la grève, les ordures ménagères doivent être collectées deux fois par semaine (contre trois fois jusqu’à présent). Ce plan de réorganisation est clairement une attaque néolibérale, un plan d’austérité (dans le but de réaliser 2 millions d’euros d’économies) de la part de la métropole (dirigée par le maire de droite de Toulouse, Jean-Luc Moudenc) sur le dos des éboueurs, qui eux n’en verront pas la couleur.

Au contraire, « faire des économies » revient à attaquer les travailleurs : cette réorganisation aura pour répercussion directe la suppression de 32 postes de contractuels. Un chiffre qui pourrait monter à 50 si l’on prend en compte les départs à la retraite non remplacés. Les plus « chanceux », maintenus à leur poste, trinqueront aussi avec une plus forte pénibilité du travail : une collecte en moins signifie nécessairement des conteneurs plus lourds, une tournée plus longue, des cadences plus élevées et la possibilité de finir la tournée sur les heures de pointe du midi, ce qui impactera également les automobilistes. Au-delà des risques d’accident ou d’agressions par des automobilistes excédés, cette réorganisation aura aussi des effets concrets sur les habitants de la métropole qui pourraient voir leurs poubelles déborder.

L’une des critiques formulée par les grévistes est que cette réorganisation, pensée comme faisable depuis un bureau et des statistiques sur un fichier excel, ne prend pas en compte les réalités du terrain. Les conditions de vie des éboueurs seront aussi affectées, sur les modalités de mise en œuvre, ces derniers devraient travailler encore davantage le week-end. Il leur serait aussi imposé de travailler les jours fériés sans réelle compensation. Une attaque qui ne passe pas.

Des revendications autour de l’embauche des contractuels, de la pénibilité au travail et la reconnaissance du métier

Les éboueurs de l’agglomération qui s’étaient déjà mis en grève le 5 février pour protester contre cette réorganisation ont donc remis ça, le jour où elle devait s’opérer. La suppression de 32 contractuels reste en travers : il semblerait que, pour beaucoup de grévistes titulaires, cette question ait été centrale pour se mettre en grève en solidarité avec leurs collègues aux contrats précaires. Il faut dire, et c’est à peine croyable, que beaucoup d’éboueurs sont encore contractuels alors qu’ils travaillent pour la métropole, pour certains, depuis 6 ou 7 ans. Les répercussions ne sont pas anodines dans leur vie de tous les jours, n’étant pas titulaires dans la fonction publique, ils se voient souvent refuser un prêt par leur banquier, et n’ont aucune sécurité de l’emploi. La preuve avec ces suppressions de poste.

L’embauche des 32 contractuels en tant que fonctionnaires de catégorie C est l’une des principales revendications des grévistes, comme nous le confirme l’un des représentants de la section CGT, Sofiène Draoui, éboueur-ripeur. Les négociations étant en cours depuis ce matin, la communication autour des revendications portées par l’intersyndicale (CGT, UNSA, FO) reste volontairement vague. Cependant, Sofiène Draoui nous explique qu’au delà de l’embauche des contractuels, les revendications tournent autour de trois axes : « les jours fériés et la répartition de la récupération, la pénibilité au travail due à l’accélération des cadences, etc.. et la reconnaissance du métier ».

Une attaque systématique visant les services publics qui touche travailleurs et usagers

En février dernier, et alors que l’agglomération sous la présidence de Xavier Dullin (LR), voulait remettre à plat l’organisation du temps de travail, les éboueurs du grand Chambéry s’étaient mobilisés, obtenant une victoire (un protocole d’accord sur l’organisation du temps de travail et les primes) au bout de trois jours de grève. Cet exemple témoigne d’attaques répétées sur les services publics qui dépassent évidemment l’agglomération de Toulouse et s’étendent au-delà du service public du ramassage de déchets.

Ces attaques incessantes à l’image du pacte ferroviaire l’an dernier touchent aussi bien travailleurs qu’usagers. La suppression des petites lignes, la fermeture de petites gares impacte les habitants de la périphérie, alors qu’elles causent de facto des suppressions de postes de cheminots. Mais au-delà du service public ferroviaire, comment ne pas faire le parallèle avec les réorganisations qui touchent les postiers ?

Dans la région Occitanie, les postiers du Rondelet à Montpellier se sont ainsi mobilisés récemment là aussi contre une réorganisation. Nous écrivions alors, que cette réorganisation « développée a l’échelle nationale dans une logique de rentabilité et d’efficacité chère aux directions, entraînerait la suppression de 35 postes au centre de Rondelet, et aggraverait encore un peu plus les conditions de travail ».
De même, la grève qu’ont mené pendant plusieurs mois les personnels de l’université du Mirail contre la fusion des universités toulousaines qui aurait conduit à une précarisation des conditions de travail et à des suppressions de poste s’ancrait dans la même dynamique de lutte.

Récemment, on a vu fleurir sur Toulouse de plus en plus de grèves dans le service public (hôpital public, enseignement, finances publiques) mais aussi dans la sous-traitance aéronautique. Les éboueurs font-ils le lien avec ces autres luttes ? « On arrive à un cycle où tous les services publics sont disloqués, bien sûr qu’on fait le lien », témoigne Sofiène Draoui.

Quand les invisibles deviennent visibles

Le métier d’éboueur fait partie de ces métiers, volontairement invisibilisés mais qui sont pourtant essentiels pour faire tourner la société et l’économie capitaliste. Les agents de jour démarrent à 5h du matin afin de faire la collecte en dérangeant le moins possible le reste de la population travailleuse. Mais, un mouvement de grève suffit, pour, tout à coup, prendre conscience de l’importance du ramassage des déchets et de la qualité du travail des éboueurs, qui ont à cœur de fournir un service public de qualité. De son aspect invisible aussi, alors qu’il nous suffit de déposer nos ordures en bas de notre porte, pour s’en retrouver ensuite débarrassés.

Les conditions de travail de ces « invisibles » aux tenues de travail fluorescentes sont pourtant difficiles. Travaillant à l’extérieur par toutes saisons, ils sont à la merci du froid, du vent et de la pluie. Ils sont en première ligne des odeurs pestilentielles des déchets ménagers, et travaillent avec des horaires décalés de ceux de la majorité de la population. Les gestes répétés pour soulever des charges lourdes peuvent par ailleurs causer des troubles musculo-squelettiques. Le métier d’éboueur fait penser à bien des égards à celui des agents du nettoyage, qui, à l’inverse, est constitué à grande majorité de femmes.

Nous avions relayé la lutte des travailleuses et travailleurs d’ONET, 45 jours de grève reconductible pour une écrasante victoire, fin 2017. Des similitudes existent entre le métier d’éboueur et celui du nettoyage dans les conditions de travail d’abord. Fernande Bagou, agent de nettoyage à ONET évoquait son quotidien dans un témoignage émouvant : « On balaie, on récupère les poubelles qui sont lourdes, sans chariot — c’est à nous de les porter. On répète beaucoup les mêmes gestes. La marche fragilise les chevilles et les genoux, les poignets aussi sont touchés. Avec ce travail, on a du mal à marcher normalement car on a mal partout. »

Dans son invisibilité ensuite. Quand soudain les déchets s’accumulent, le travail des invisibles devient visible. « C’est un des principes fondamentaux du nettoyage : le travail, donc la présence de celles qui le font, doit rester invisible. Le capitalisme est une économie de déchets mais qui doit cacher ces déchets et la nature de leur disparition à la partie de la population qui, par sa position de classe, a droit à un environnement propre. », évoquait Françoise Vergès dans un article sur la lutte victorieuse des agents de nettoyage d’ONET. Il en va de même pour le ramassage des déchets.

Une solidarité immédiate de la population toulousaine

Au-delà des klaxons de soutien des automobilistes passant devant les piquets, plusieurs habitants toulousains ont montré leur soutien aux éboueurs de manière originale : sur les déchets qui commencent à s’accumuler on peut lire « soutien aux éboueurs en grève ». Nul doute que ce genre d’initiatives fera chaud au cœur des éboueurs qui ramasseront ce genre de déchets customisés dès demain, alors qu’ils ne sont pas définitivement sortis du conflit qui peut reprendre en cas d’échec des négociations.

Un élan de solidarité spontané qui témoigne que la population est attachée à son service public du ramassage de déchets, et aux conditions de travail de ceux qui le font tourner au quotidien. Défendons tous ensemble les éboueurs et le service public en général !

 
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