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La Izquierda Diario
20 de mars de 2019 Twitter Faceboock

Un an après la Bataille du Rail – Partie V
« Cheminots bashing » et lutte pour l’opinion : une grève en défense du service public
Correspondant.e.s cheminot.e.s

Un an après l’énorme Bataille du Rail contre la réforme ferroviaire du gouvernement Macron, Révolution Permanente partage avec l’ensemble de ses lecteurs un ensemble d’articles qui reviennent sur les principaux événements et leçons de cette lutte acharnée que fut la Bataille du Rail, où pendant plus de trois mois cheminots et cheminotes de tout le pays ont tenu tête à Jupiter. Les attaques pleuvent à la SNCF et aujourd’hui, à la lumière du mouvement des Gilets Jaunes, la défense du service public apparaît plus que nécessaire. Dans ce cinquième article, nous revenons la campagne de dénigrement du gouvernement pour tenter de retourner l’opinion publique contre la grève, même modus operandi que lors du mouvement des Gilets Jaunes.

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Crédit photo : O Phil des Contrastes

Dès la sortie du rapport Spinetta, et des premières velléités de lutte chez les cheminots, le gouvernement et les médias ont entamé les grandes manœuvres. Une bataille visant à présenter les travailleurs du rail comme des « privilégiés », et de retourner l’opinion publique contre la grève. Une bataille de classe qui a mis au centre la question du service public ferroviaire.

Un combat idéologique

Tout au long du conflit, à chaque intervention d’un cheminot plaidant pour la convergence des luttes ou pour la défense d’un service public au service de la population, la sentence était immédiate de la part des éditorialistes ou journalistes des grands médias bourgeois. Les cheminots étaient accusés soit d’être des « utopistes », soit de « faire de l’idéologie ». 

Pourtant, le combat idéologique, c’est bel et bien le gouvernement et ses relais médiatiques qui l’ont mené, tout au long de la bataille du rail. Par l’éloge du modèle « néo-libéral » d’abord, face à un prétendu « vieux monde dépassé », le discours du gouvernement consistait essentiellement à présenter l’ouverture à la concurrence comme LA solution « moderne » face à la dégradation du ferroviaire français, et ce malgré les situations catastrophiques du ferroviaire à l’international, là où la privatisation a été appliquée. Par la « diabolisation » des cheminots ensuite, caricaturés en « privilégiés » vivant sur le dos de la bête, le gouvernement a voulu rendre responsable les cheminots de tous les maux de la SNCF. Cela a l’avantage, pour les dominants, d’absoudre de toute responsabilité les dirigeants, actuels ou anciens, de la compagnie ferroviaire. Par une opération d’enfumage enfin, on a cherché à cacher les réels objectifs des classes dominantes derrière la défense d’un prétendu intérêt commun. En effet, alors que le patronat en général craignait que la grève paralyse le pays, ou pire (de leur point de vue) qu’elle entraîne d’autres secteurs ouvriers dans une grande bataille commune, les médias se faisaient les porte-voix des usagers. Et le vocabulaire pour diaboliser l’action des cheminots n’était d’ailleurs pas anodin. La « grève » était ainsi qualifiée de « prise d’otage », ce qui est loin d’être une comparaison innocente dans la période actuelle !

En définitive, il n’y a rien d’étonnant, ni de fondamentalement scandaleux, à ce qu’une classe sociale défende ses intérêts, y compris au renfort de ressort idéologique, par le biais de ses relais : l’Etat et les médias. La réalité de la bataille du rail, c’est que ce combat idéologique entre deux classes aux intérêts radicalement opposés, la classe ouvrière et la classe dominante, qui s’exprime quotidiennement de manière « sous-jacente », a été exposé aux yeux de tous.

La bataille de l’opinion : une défaite d’entrée de jeu pour le gouvernement

Mais le discours du gouvernement, main dans la main avec la direction de la SNCF, qui a eu comme objectif de délégitimer et décrédibiliser le combat des cheminots, n’a pas pris. Avant même que la grève ne commence, des fiches de paie, et des photos et vidéos sur les conditions de travail des cheminots postés massivement sur les réseaux sociaux étaient là pour témoigner que les cheminots ne sont pas vraiment des privilégiés. Les cheminots ont réussi à déjouer cette manœuvre et une partie importante des usagers des transports publics se sont rangés de leur côté, malgré la gêne occasionnée avec la grève.

Probablement, la preuve la plus catégorique de ce soutien a été le montant de plus d’un million d’euros récoltés dans la caisse de grève Leetchi, à l’initiative de quelques intellectuels en soutien aux grévistes. Pour les cheminots en grève, le soutien leur a été adressé de manière quotidienne sur les réseaux sociaux, ou encore sur les piquets de grève, par exemple lors des petits-déjeuners offerts aux usagers par les grévistes au sein même des gares pendant les jours de grève, comme cela a été fait à Gare de l’Est, Gare Saint Lazare ou Gare du Nord, ou encore dans les différentes régions.

Se battre en défense des services publics et pour lancer la contre-offensive !

Force est de constater que la bataille de l’opinion, tout au long de la bataille du rail, n’a pas été remportée par le gouvernement, et ce malgré des centaines d’heures de « cheminots bashing » dans les grands médias. En effet, l’opinion publique a été relativement « coupée en deux », voire en faveur des grévistes dès les premières semaines du mouvement.

Si cette bataille de l’opinion a basculé du côté du soutien à la grève, c’est d’abord parce que les cheminots eux-mêmes avaient compris, pour la plupart, qu’il s’agissait d’une lutte en défense non seulement de leurs conditions de travail, mais également du service public ferroviaire. Tout le monde l’avait compris : cette réforme était celle de la mise à mort définitive du service public ferroviaire. Cheminots et usagers devaient se battre ensemble pour la contrer et défendre les conditions dans lesquelles des millions de travailleurs se déplacent chaque jour.

D’un autre côté, des travailleurs de différents secteurs professionnels avaient également compris que, pour le gouvernement, les cheminots étaient une digue à faire tomber. Si cette digue tombait, c’étaient les conditions de travail de l’ensemble des travailleurs qui allaient être attaquées avec encore plus de force par « Jupiter ». Le soutien aux cheminots en grève est devenu la bannière des salariés de tous bords, du public comme du privé, comme une manière de défendre les acquis sociaux de tous et toutes. Il fallait que les cheminots tiennent bon, pour marquer le coup face à Macron, et montrer que le « président des riches » n’allaient pas pouvoir nous précariser comme il le voulait.

Cette alliance entre usagers et cheminots est malheureusement restée à un stade embryonnaire, en grande partie en raison de la politique menée par les directions syndicales, de division des dates de grèves et manifestations, et d’absence d’un plan de bataille commun. Si cette alliance embryonnaire a quand même permis de retourner l’opinion publique et de ne pas laisser s’installer le « cheminots bashing », elle n’a pas pour autant permis de renverser la vapeur et de mettre en ordre de bataille tous les secteurs contre Macron et son monde. Pour autant, ce n’est que par le biais du « tous ensemble » qu’il aurait été possible de gagner contre le « Jupiter tout-puissant ». Il s’agit, là encore, d’une leçon précieuse que cheminots, usagers et travailleurs dans leur ensemble, doivent tirer de cette bataille du rail en ce printemps 2018, afin de préparer les combats à venir et passer véritablement à la contre-offensive.


NOTE : Cet article fait partie d’une brochure contenant un ensemble d’articles qui abordent différents aspects de la Bataille du Rail et de la politique qui a été menée et proposée par les cheminots militant à Révolution Permanente. Si vous souhaitez recevoir cette brochure, n’hésitez pas à nous solliciter : [email protected]

Format A4, 42 pages

 
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