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2 de avril de 2019 Twitter Faceboock

Crise en Algérie
Le régime arrête Haddad, l’ancien patron des patrons algérien. Manoeuvre politique ?
Anna Ky

Ali Haddad, président du Medef algérien ayant récemment démissionné, incarne un patronat étroitement lié au régime corrompu, et qui essaie aujourd’hui de montrer patte blanche en se débarrassant des éléments gênants. Il s’est fait arrêter tandis qu’il tentait vraisemblablement de fuir vers la Tunisie.

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Président du Forum de Chefs d’Entreprises (FCE, équivalent du Medef en France) depuis 2014, soutien de poids pour le clan Bouteflika, Ali Haddad était un homme-clé du système algérien. Mais la mobilisation profonde qui secoue le pays depuis plusieurs semaines, et dont l’annonce du 5ème mandat de Bouteflika a été un déclencheur, rebat brutalement les cartes. Jeudi 28 mars, Ali Haddad démissionnait du FCE. Ce dimanche 31 mars, il était arrêté à un poste-frontière avec la Tunisie, une manœuvre qui vise à donner des gages tant à la population mobilisée qu’à des fractions des classes dominantes qui ont tout intérêt à préserver le régime.

Ali Haddad est l’incarnation d’un patronat profondément lié au régime corrompu et au clan Bouteflika, mais qui était également parvenu à tirer son épingle du jeu à échelle internationale, avec de nombreuses sociétés offshore révélées par les Panama Papers. Lors de son élection à la tête du FCE, il avait admis entretenir des liens étroit avec Saïd Bouteflika, le frère du président algérien. Des relations qui lui ont notamment permis d’obtenir de juteux contrats pour ETRHB Haddad, groupe privé de travaux publics dont il est le fondateur et l’actuel PDG. C’est également le seul patron algérien a s’être lancé l’industrie du pétrole, domaine traditionnellement réservé au pouvoir en place.

C’est sous la présidence de ce roi du montage financier et de « l’optimisation fiscale » que le FCE aura ouvert plusieurs antennes à l’internationale, notamment en France, en Espagne, en Suisse et au Luxembourg. Un homme d’affaires jouant un rôle-clé, donc, qu’Emmanuel Macron avait rencontré lors de sa visite en Algérie, en février 2014.

Ali Haddad, patron des patrons algériens, symbolise à lui-seul une bourgeoisie balotée entre le pouvoir national corrompu et les intérêts impérialistes internationaux, source de la misère et des conditions de vie contre lesquelles se révoltent des millions d’Algériens depuis plusieurs semaines sous le slogan « Système dégage ».

Soutien de poids à Abdelaziz Bouteflika qui briguait un 5ème mandat, Ali Haddad a été l’un des pions abattus par un régime ébranlé par la mobilisation massive et profonde qui secoue le pays, et qui cherche à se maintenir coûte que coûte en se débarrassant des éléments les plus controversés, pour montrer patte blanche et canaliser la colère populaire.

« L’homme qui était dans le collimateur des enquêteurs depuis la publication d’une série de mises en demeure en 2017 et qui croyait, par ailleurs, échapper à la justice algérienne, a vite fait le vide autour de lui en transformant la puissante organisation patronale en syndicat, en provoquant une vague de démissions de plusieurs opérateurs après avoir soutenu ouvertement le 5e mandat de Bouteflika » explique le quotidien Liberté.

Ainsi, Ali Haddad a été arrêté à la frontière tunisienne dans la nuit du 30 au 31 mars, alors qu’il cherchait à fuir l’Algérie, muni d’un passeport britannique et d’une grosse somme d’argent en liquide. Si les conditions et les motifs de son arrestation demeurent floues, l’information a été confirmée par plusieurs médias algériens, dont un journaliste (souhaitant rester anonyme) de la chaîne Dzaïr News, appartenant au groupe médiatique de Haddad lui-même.

L’arrestation d’Haddad permet de faire d’une pierre deux coups : d’une part chercher à montrer patte blanche dans le contexte d’une mobilisation qui se cristallise notamment autour des questions de corruption et de fuite des capitaux ; d’autre part donner des gages à l’opposition libérale, qui cherche à s’ériger comme une solution alternative à la crise du régime, après l’annonce de la démission de Bouteflika. En effet, l’arrestation d’Haddad favorise particulièrement la fraction patronale rangée derrière Issad Rebrab, première fortune du Maghreb, patron de CEVITAL et qui bénéficie du soutien du général de l’armée Toufik.

Arrêté au son d’une foule qui scandait « Vous avez siphonné le pays, espèce de voleurs », Haddad a été transféré à Alger, où il sera entendu par le parquet de Sidi M’hamed. Une affaire loin d’être anodine, et qui témoigne de la fébrilité d’un régime et d’un patronat qui cherchent désespérément des fusibles à faire sauter pour calmer la colère qui s’exprime dans la rue depuis le mois de février.

Crédit photo : AFP / RYAD KRAMDI.

 
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