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8 de avril de 2019 Twitter Faceboock

Edito
Pouvoir d’achat, ISF, RIC : Edouard Philippe esquive la crise sociale
Léa Luca

Alors que le Grand débat se termine, le gouvernement tente fallacieusement de faire passer les résultats de la concertation comme une réponse à la crise sociale. Pourtant les annonces faites par Edouard Philippe ne répondent en rien aux revendications des Gilets jaunes, que ce soit sur le terrain du pouvoir d’achat ou des aspirations démocratiques.

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Crédit : Philippe LOPEZ / AFP

Les résultats du Grand débat : loin des revendications des Gilets jaunes

Si les annonces faites par Edouard Philippe ne comportent pas encore de mesures précises – celles ci seront annoncées par Macron à partir du 15 avril – commencent à se dessiner les issues du Grand débat national, sur lequel le gouvernement a tant parié pour sortir de la crise sociale inédite ouverte depuis le 17 novembre. Une issue, qui comme les Gilets jaunes l’avaient bien compris depuis le lancement de la « grande concertation nationale » ne permet en rien de répondre aux revendications portées au fil de ces mois de mouvement.

Parmi les thèmes qui ressortent du Grand débat Edouard Philippe met en avant quatre axes, « l’exaspération fiscale », « une exigence de fraternité, de proximité, de lien quotidien », « une exigence démocratique » et « une exigence climatique ». Des résultats qui sont loin des revendications centrales des Gilets jaunes. Selon les résultats du dépouillement, seuls 1,5 % seraient pour la mise en place du RIC, 2,9 % pour la baisse de la CSG et 3,8 % pour le rétablissement de l’ISF. Un décalage qui montre bien le peu de représentativité du Grand débat.

Pour cause, en réalité plusieurs enquêtes montrent bien que les participants du Grand débat sont bien loin d’être représentatif des Gilets jaunes, et même de la population dans son ensemble.
Dans la restitution, comme dans les grands médias on ne cesse de mettre en avant l’ampleur de la participation. Partout sont repris les chiffres : 2 millions de participants, 10 000 débats, 16 000 cahiers citoyens. Edouard Philippe ainsi se targue, que « tous aient pu s’exprimer » au cours d’ « un débat libre, un débat foisonnant ». Pourtant, ces chiffres, déjà faibles compte tenus par exemple du nombre d’électeurs, sont amplement grossis comme l’ont démontré plusieurs enquêtes : d’après LCI le nombre de contributeurs sur le site s’élève plutôt à 500 000. D’autre part, une enquête du Cevipof(le centre d’études de la vie politique) a montré que le profil sociologique des participants au Grand débat s’éloigne singulièrement de celui des Gilets jaunes. Ce sont ainsi majoritairement des hommes (55%), âgés (60 ans en moyenne), retraités et dont le capital financier comme culturel est bien supérieur à celui des Gilets jaunes : 64 % disent posséder un diplôme de l’enseignement supérieur et 75 % sont propriétaires de leur logement. Plus frappant peut-être, 55 % d’entre eux disent s’en sortir « plutôt facilement » avec leurs revenus, et 11 % « très facilement »/ Comme le note le directeur du Cevipof Martial Foucault à propos de la sociologie des participants au grand débat : « tout d’abord, elle n’est pas un miroir de la société française dans son ensemble. Ensuite, elle semble, même s’il faut rester prudent, éloignée des traits sociologiques des gilets jaunes et par extension du soutien des gilets jaunes. »

Les Gilets jaunes sont d’ailleurs les grands absents du discours de Philippe, qui ne mentionne pas une fois le mot « gilet jaune » tout au long de son allocution, se contentant de faire allusion avec mépris aux « violences » commises le samedi.

Baisse de la fiscalité … sans hausse du pouvoir d’achat

Le gouvernement se base actuellement sur ces données, expression d’un groupe social urbain et aisé pour dévier les revendications des Gilets jaunes sur un terrain tout autre que celles que ces derniers ont exprimé au long de ces 5 mois. Ainsi alors qu’au coeur de la mobilisation des Gilets jaunes, la question centrale est celle du pouvoir d’achat, celle-ci n’est jamais évoquée par Edouard Philippe.

A ce jour la seule perspective concrète esquissée par Edouard Philippe est celle d’une baisse de fiscalité : « Nous devons baisser les impôts et les baisser vite » appuie-t-il. En parlant « d’exaspération fiscale », le gouvernement tente de travestir les revendications de justice sociales des Gilets jaunes en refus de l’impôt, quand en réalité les Gilets jaunes exigent d’en finir non pas avec les impôts, mais avec une fiscalité injuste et revendiquent une plus grande taxation des plus riches – notamment par le retour de l’ISF. Un sondage Ifop publié dans le JDD, indique que 77 % des français sont pour le rétablissement de l’ISF et 76% pour la création de tranches d’imposition supplémentaires afin de rendre l’impôt sur le revenu plus progressif.Rien de tel évidemment ne fait partie des plans du gouvernement. Ce dernier fait mine de passer une loi pour taxer les Gafa (grandes entreprises du numérique), quand elles resteront en réalité largement exemptées d’impôts et qu’il continue à subventionner le grand patronat à hauteur de 40 milliards d’euros par an via le CICE.

Nouvelles mesures austéritaires annoncées face à l’exigence de meilleurs service publics

Par ailleurs pour être menée à bien cette éventuelle baisse d’impôt s’annonce d’ores et déjà combinée à des nouvelles mesures austéritaires : « les français ont compris avec beaucoup de maturité qu’on ne pouvait pas baisser les impôts sans baisse de la dépense publique » nous éclaire Edouard Philippe. Loin d’améliorer le pouvoir d’achat ces mesures vont permettre de nouvelles coupes budgétaires, annonçant des nouvelles dégradations dans les services publics, alors que la désertification des services publics de tout type faisait partie des points de départ de la mobilisation des Gilets jaunes, que l’on pense à la suppression des transports en commun, la fermeture des hôpitaux et des maternités etc. Ainsi selon un sondage Odexa 6 Français sur 10 (9 sur 10 en zones rurales) estiment que les services publics sont actuellement insuffisamment présents sur leurs territoires et s’inquiètent de leur réduction à l’avenir (68% des Français et 83% des agents). » Dans le même temps, on annonce une nouvelle hausse du prix de l’électricité, qui pourrait s’élever à 5,9 %, représentant une hausse de 50 % des prix de l’électricité en 10 ans » selon une association.

Si les mesures officielles qui clôtureront le Grand débat ne sont pas encore annoncées, l’allocution d’Édouard Philippe laisse peu d’illusion sur les concessions que la Macronie est prête à faire pour calmer la gronde des Gilets jaunes. Au contraire il apparaît plutôt que le gouvernement tente de masquer la crise sociale et les revendications sociales et démocratiques des Gilets jaunes pour tenter une fois de plus d’orienter la restitution du Grand débat comme une nouvelle attaque vers les secteurs paupérisés.

 
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