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La Izquierda Diario
26 de avril de 2019 Twitter Faceboock

Entre enfumage et mépris
Travailler plus longtemps pour payer moins d’impôts : la réponse de Macron aux Gilets jaunes
Lili B

« Travailler plus » et « réduire les dépenses publiques », voilà les réponses apportées par Macron au mouvement des Gilets jaunes et aux revendications qu’ils défendent dans la rue depuis plus de cinq mois. Deux mesures antisociales légitimées par la nécessité de financer la baisse d’impôts promise par l’exécutif, d’environ 5 milliards d’euros. L’âge légal de la retraite ne sera à priori pas touché, mais la future réforme des retraites devrait « inciter à travailler plus », avec un système à point et de décote. Le passage d’un modèle de « contrainte » à un modèle « par choix » selon Jean-Paul-Delevoye. …Vraiment ?

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Les mesures annoncées par Macron ce jeudi 25 avril, qui étaient censées marquer la fin du grand débat et apporter des réponses au mouvement des Gilets jaunes, n’ont absolument pas répondu aux attentes et revendications portées par ces derniers. Elles ont plutôt démontré que le cap politique de l’exécutif ne serait en rien modifié. Ainsi, « l’acte 2 » du quinquennat s’inscrit dans la toute continuité du premier, et signe une tentative de relance des contre-réformes néolibérales et antisociales, c’est-à-dire tenter de reconstruire un bloc capable de soutenir l’action du gouvernement malgré la contestation qui pourrait s’amplifier à la moindre étincelle.

En effet, en matière économique et sociale, le « nouvel acte » ressemble fortement au précédent. Macron a par ailleurs expliqué que le problème de son projet ne résidait pas tant sur le fond que sur la forme. Ainsi, il a déclaré que « tout arrêter serait faire fausse route ». On se doute bien que les revendications des Gilets jaunes sont dès lors passées à la trappe : pas de hausse de salaire ni du Smic — le « problème du pouvoir d’achat n’est pas un problème de salaire, mais un problème de dépenses contraintes » — pas de suppression de l’ISF, ni de ré-indexation des aides sociales, hormis un geste (ridicule vis-à-vis de la colère des conditions de vie des retraités) pour les retraites en-dessous de 2000 euros.

De plus, derrière la mesure phare présentée par le gouvernement comme la solution aux revendications sociales des Gilets jaunes : la baisse d’impôt, d’environ 5 milliards d’euros — bien moindre que ce qui avait été promis le 10 décembre dernier, et moindre que la baisse opérée lors du dernier quinquennat — et dont les principaux bénéficiaires seront les classes moyennes, se cachent plusieurs attaques antisociales. Puisque pour financer cette mesure, Macron n’a rien trouvé de mieux que de rogner sur les droits et acquis de ceux à qui elle est censée profiter.

Lors de son allocution, il a en effet affirmé ceci : « J’ai demandé au gouvernement de mettre en oeuvre cette baisse d’impôt en la finançant par la suppression de certaines niches fiscales pour les entreprises, la nécessité de travailler davantage et des réductions de notre dépense publique ». Opposant pouvoir d’achat et service public, la baisse des impôts est ici mobilisée pour légitimer de futures mesures antisociales à l’égard des travailleurs.

L’hypothèse visant à faire payer les grandes fortunes et les patrons pour financer cette mesure a quant à elle évidemment été épargnée : « Il me semble que la meilleure orientation pour répondre aux besoins de justice fiscale n’est pas d’augmenter les impôts de tel ou tel, mais plutôt de baisser les impôts pour un maximum de nos concitoyens, en particulier pour celles et ceux qui travaillent ». Sur le dos encore une fois des travailleurs, derrière la rhétorique du « travailler plus pour gagner plus », ou plutôt ici travailler plus pour payer moins.

Cette manœuvre de l’exécutif représente un véritable enfumage et témoigne du mépris que ce dernier a envers les Gilets jaunes et les revendications sociales qu’ils ont mis en avant depuis plus de 5 mois. Alors que ce mouvement social inédit a mis en avant une fracture sociale profonde ainsi que les situations économiques et sociales de plus en plus précaires auxquelles sont condamnées des millions de personnes, qui galèrent de plus en plus à boucler leurs fins de mois et à vivre dignement, les réponses apportées représentent en réalité de nouvelles attaques : travaillez plus et cotisez plus longtemps avant de partir à la retraite, héritez de services publics au rabais avec des cures d’austérité supplémentaires.

Concernant le fait de travailler plus longtemps, le gouvernement justifie ceci en brandissant... l’allongement de la durée de vie ! La même logique était utilisée par Bolsonaro et son conseiller ultra-libéral Paulo Guedes, il y a quelques mois pour faire passer la pilule de la réforme des retraites qu’il prépare, et qui va contraindre énormément de Brésiliens à travailler jusqu’à la mort. Un soutien affiché au gouvernement de Bolsonaro par Macron qui commence aussi par une proximité dans l’attaque contre les travailleurs et les classes populaires.

Cependant, l’exécutif se défend ici de toute imposition à prendre sa retraite après 62 ans : l’âge légal du départ à la retraite ne sera pas allongé. Le fait de travailler plus longtemps relève dès lors d’un « libre choix », d’une volonté personnelle. Les salariés ne seront qu’« incités » à prendre effectivement leur retraite plus tardivement.

Mais quel sera le moyen utilisé par le gouvernement pour « inciter » à travailler au-delà des 62 ans ? L’instauration, dans la nouvelle réforme des retraites d’un système de décote, qui aura pour effets « d’inciter à travailler davantage, mais sans forcer tout le monde ».

La nouvelle réforme par points avec l’instauration d’un système de décote signifie concrètement qu’un salarié qui décide de partir à la retraite à 62 ans devra, dans la plupart des cas, patienter quelques années avant de toucher une retraite à taux plein. Lors des concertations organisées par le gouvernement autour de cette réforme des retraites, le nouveau patron du Medef, de Bézieux, qui s’inquiétait du fait que les travailleurs puissent partir à la retraite trop tôt, a proposé l’instauration d’une décote conséquente avant 63,5 ans voire 64 !

Pour illustrer le mécanisme, regardons du côté du privé et de l’organisme de retraite complémentaire Agirc-Arrco, qui pratique ce genre de méthodes depuis le 1er janvier 2019. Avec ce système de décote, un salarié rattaché à cet organisme, né en 1957, qui aurait donc 62 ans cette année, et qui aurait travaillé les 166 trimestres requis (41 ans et 6 mois) verrait sa retraite complémentaire minorée de 10 % pendant 3 ans ! En revanche, si ce salarié part un an plus tard à la retraite, ce malus disparaît et peut se transformer en majoration de 10 % si le salarié part deux ans plus tard, 20 % trois ans plus tard, 30 % quatre ans plus tard. On est dès lors face à une forte incitation à travailler le plus longtemps possible pour pouvoir obtenir sa retraite à taux plein.

Autrement dit, si l’âge de départ à la retraite ne fait pas l’objet d’un allongement obligatoire, le système de décote va dans les faits contraindre une bonne partie des salariés, notamment les plus précaires et les plus soumis à des retraites de misère, à revoir leur âge de départ à la retraite, si ces derniers veulent pouvoir vivre dignement. Contrairement aux affirmations à vomir de Jean-Paul Delevoye — qui a eu l’indécence d’affirmer que : « Ce que nous proposons, c’est de passer d’un modèle de contrainte à un modèle qui offre plus de liberté dans les choix, et qui responsabilise les individus » — avec ce système de décote, arrêter de travailler à 62 ans ou continuer jusqu’à l’âge du taux plein ne relève pas dès lors du « libre choix », de la volonté, mais bien de la nécessité. De la nécessité de continuer à travailler si on veut pouvoir manger à la fin du mois.

Si à travers les mesures prises dans le sillage du Grand débat, notamment celle de la baisse d’impôts (présentée comme une mesure phare de Macron), ce dernier a tenté de calmer les esprits et la colère avant la remise en train des futures contre-réformes, on constate que non seulement elles sont loin d’être suffisantes, mais de plus relèvent de l’enfumage. Face à ces fausses solutions, et à un Macron méprisant qui fait la sourde oreille face à une contestation sociale et un malaise social profond, il est nécessaire de continuer à se mobiliser dans la rue, et ce dès ce samedi pour l’acte 24 ainsi que le 1er mai prochain. Tout en exigeant des directions syndicales qu’elles quittent la table des concertations sur la réforme des retraites et mettent en place un véritable plan de bataille pour faire reculer cette réforme, et plus généralement la politique menée par Macron.

 
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