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La Izquierda Diario
7 de mai de 2019 Twitter Faceboock

Répression
Procès d’une Gilet jaune : son fauteuil roulant considéré comme une "arme"
Flo Balletti

Gilet Jaune de la première heure, Odile Maurin, va comparaître prochainement au Tribunal Correctionnel de Toulouse pour « violences » envers des policiers « avec usage et menace d’une arme » et entrave volontaire à « l’arrivée des secours ». Pourtant, c’est bien la présidente d’Handi-social qui a subi une fracture du pied suite à la course folle de son fauteuil due à un policier. Quant aux secours, il s’agissait en fait du canon à eau de la police.

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Crédit photo : Jochem Erebe

Odile Maurin n’a pas attendu le mouvement des gilets jaunes pour se mobiliser. Nous l’avions croisée pour la première fois au printemps dernier à Muret (31). Pendant la bataille du rail, lors d’une action des cheminots pour dénoncer le manque d’accessibilité dans certaines gares pour les personnes à mobilité réduite, cette dernière avait pris la parole en assemblée générale pour évoquer le parcours du combattant des personnes handicapées afin de se déplacer dans les transports en commun. Une double peine en quelque sorte. En octobre 2018, elle avait remis ça, lors d’une action coup de poing avec le Collectif Inter-Associatif du Handicap 31, bloquant cette fois la gare de Toulouse-Matabiau. « A force d’attendre Pepy [PDG de la SNCF, ndlr], les personnes à mobilité réduite, on sera des cadavres dans nos fauteuils ! », avait-elle lancé.

Depuis le 17 novembre, la quinquagénaire a participé à presque tous les actes des gilets jaunes. Gilet sur les épaules, casque jaune sur la tête, et armée d’un téléphone portable pour filmer en live les manifestations, la militante ne passe pas inaperçue dans les cortèges du samedi. Victime d’une maladie génétique rare, elle est en fauteuil depuis une quinzaine d’années. Ce qui ne l’a pas empêchée de subir les violences policières, et bientôt, la répression judiciaire.

30 mars 2019. Les policiers répriment. Des manifestants se couchent au sol pour protester pacifiquement. Les policiers veulent dégager Odile du passage, certainement pour avancer et mieux violenter les manifestants. Malgré les réprimandes de la militante qui explique la dangerosité d’actionner le joystick de son fauteuil sans connaître la machine, un policier joue à l’apprenti artificier. Résultat : le fauteuil s’emballe, file à toute vitesse contre un fourgon de police, le cale-pied se relève, et, dans le choc, le cheville d’Odile se retrouve en sandwich entre le fauteuil et la carrosserie. Le véhicule à quatre roues finit sa course folle en renversant un policier. Il s’en sortira indemne à la différence d’Odile, victime d’une fracture au pied à cinq endroits, d’un arrachement osseux au niveau du tibia et de multiples ecchymoses pour 10 jours d’ITT, et un pied dans le plâtre pendant un mois. La militante associative avait livré à Street Press, amère : « j’en aurai pour deux à trois mois de rééducation. Je vais perdre tout le bénéfice de celle que je fais depuis dix ans ».

Quand la victime de violences policières est considérée comme bourreau

Avant de recevoir sa citation à comparaître au Tribunal Correctionnel, la militante réagit dans un post sur les réseaux sociaux. « J’avais mal, mais les policiers se sont mis autour de moi et m’ont dit : ‘‘Vous êtes en garde à vue.’’ Moi, je demandais à voir un docteur, j’avais mal, mais il n’y avait personne. J’ai voulu aller à la pharmacie à côté, ils m’ont rattrapée et ont ramené mon fauteuil. » Et de poursuivre : « Ensuite, pour m’amener au poste, ils ont d’abord appelé les pompiers, mais leur véhicule n’était pas équipé pour mon fauteuil. Alors, ils ont voulu faire venir un camion élévateur pour me transporter. Mais même s’ils avaient pu, le camion ne pouvait pas fixer le fauteuil, une fois à l’intérieur. J’y serais jamais montée ! Ça a bien duré une heure, tout ça. Ils étaient bien embêtés. En plus, leur cellule n’était pas accessible aux fauteuils ! Pour une fois que l’inaccessibilité nous est utile…Alors, ils m’ont dit ‘‘Vous pouvez partir, mais y aura des suites, on vous appellera.’’ De toute façon, je sais qu’ils m’ont dans le collimateur. Que le procureur recueille des témoignages contre moi. » Pour conclure, « je les emmerde, et je vais continuer à les emmerder. »

Lors de l’acte 23, Odile Maurin est, là encore, victime de violences policières. Sous les lacrymos, elle et d’autres manifestants en fauteuil sont face au canon à eau. Des policiers leur retirent les masques, et, d’après son témoignage toujours dans Street Press, « un des policiers m’a consciencieusement pris le pouce et me l’a retourné en tentant de me le casser ». Elle s’en sortira cette fois avec une entorse.

La militante va pourtant comparaître concernant les faits du 30 mars… pour violences sur deux policiers « avec usage et menace d’une arme ». L’arme, c’est le fauteuil lancé à vive allure sur le fourgon à cause du doigté tout en finesse du policier sur le joystick. « C’est le monde à l’envers, lâche Odile Maurin à Street Press. À aucun moment je n’ai volontairement foncé ou tenté de blesser des policiers ». Mais ce n’est pas tout. La manifestante qui lutte contre les réformes du gouvernement Macron et notamment ses attaques visant les services publics qui ont des répercussions directes sur les personnes handicapées aurait aussi « entravé volontairement l’arrivée des secours ». Traduisez, elle était au milieu du chemin d’un canon a eau parti éteindre un ridicule feu de poubelle… Odile Maurin a quant à elle porté plainte pour « violences volontaires en réunion et avec arme de personnes dépositaires de l’autorité publique ». Son avocat va faire reporter l’audience devant le tribunal correctionnel prévue initialement le 16 mai.

La répression et les violences policières et judiciaires s’abattent de plus en plus fortement sur les manifestants, lycéens, gilets jaunes, travailleurs ou militants syndicaux. Lors des 25 actes, on a vu pêle-mêle des observateurs de la LDH victimes de tirs tendus de grenades lacrymogènes, des journalistes blessés par des tirs de LBD ou de GLI-F4 ou placés en garde-à-vue pour mieux les museler, des street-medics toulousains placés en garde-à-vue parce qu’ils portaient des masques de protection, des passants mutilés, des personnes âgées violentées à l’image de Geneviève Legay ou tuées comme Zineb Redouane. Désormais c’est une personne en situation de handicap qui se retrouve victime de violences policières, mais considérée comme bourreau des flics… puisqu’armée d’un fauteuil. Arme absolue, atomique, que lui envie certainement Castaner.

 
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