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La Izquierda Diario
13 de mai de 2019 Twitter Faceboock

A l’ombre de la Françafrique
Les otages au Bénin et le rôle de l’armée française en Afrique
Philippe Alcoy

Alors que toute l’attention est focalisée sur la libération des otages et la mort de deux militaires d’élite français, avec une énorme instrumentalisation de l’évènement, la question que personne ne pose c’est : que fait l’armée française en Afrique ?

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Dans la nuit du jeudi 9 au vendredi 10 mai, quatre otages ont été libérés de leurs ravisseurs au Burkina Faso. Au cours de cette opération, deux militaires d’élite du commando « Hubert » ont été abattus. Auparavant, le guide de deux des otages français avait été retrouvé mort près du lieu où ils s’étaient fait enlever au Bénin.

Le président français Emmanuel Macron a lui-même donné le feu vert à cette opération qui comportait beaucoup de risques. En effet, enlevés au Bénin, selon des sources militaires, les otages étaient en cours de « transfert » vers le Mali où ils allaient être rendus à un groupe armé islamiste. Ainsi, cette affaire serait liée à la guerre au Mali où la France intervient depuis 2013.

Cependant, il reste encore beaucoup de zones d’ombres dans cette affaire. En effet, alors que les militaires français se préparaient à libérer deux otages, ils se sont trouvés avec la « surprise » que finalement les otages n’étaient pas deux mais quatre (en plus des deux français il y avait une ressortissante sud-coréenne et une autre états-unienne). Selon les autorités françaises et celles des pays concernés, personne n’était au courant de la présence de ces deux autres otages avant l’opération.

Ce qui est certain c’est que l’opération de libération des otages a impliqué l’utilisation de grands moyens : au moins 20 militaires d’élite français et des drones et hélicoptères nord-américains. Et les coûts ont été très élevés pour la France : la perte de deux militaires d’élite, pour une opération qui d’un point de vue militaire était « secondaire ».

Des frictions entre l’exécutif et l’armée

C’est en ce sens que le mécontentement parmi les militaires envers le président s’est fait entendre dans la presse. Ainsi, dans Le Monde un militaire commente la participation du chef de l’état-major des armées, François Lecointre, à la réception des otages libérés à Villacoublay : « Il n’était pas obligé d’y aller. Pour les militaires, cela aurait montré qu’il n’était pas content d’avoir perdu deux mecs ». Certains, vont même jusqu’à remettre en cause le peu de clarté des objectifs de la « guerre contre le terrorisme » en affirmant que cela « ne veut rien dire ».

Pendant le week-end c’est le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui, essayant de répondre à ce malaise militaire, faisait des déclarations qui visaient, en fin de comptes, à rendre responsables les otages de la perte des deux militaires : « La plus grande précaution doit être prise dans ces régions pour éviter que de tels enlèvements n’aient lieu et pour éviter des sacrifices de nos soldats ».

Tout cela montre que, depuis la crise avec le général De Villiers au début du mandat d’Emmanuel Macron, il existe toujours des tensions entre les corps de l’armée et l’exécutif. Et pour l’exprimer, des militaires (sous couvert d’anonymat) n’hésitent pas à dénoncer les opérations de libération d’otages… Très loin des « jamais nous n’abandonnons nos concitoyens » lancés par la ministre de la Défense, Florence Parly.

L’armée française en Afrique : la solution ou le problème ?

Comme déclarait l’un des otages français, alors que cette région de l’Afrique est une merveille, les guerres et les conflits l’ont transformée en une zone très dangereuse et en un scénario d’horreurs indénombrables. En effet, sur la base d’inégalités insupportables, de misère et d’oppressions multiples, plusieurs conflits ont éclaté dans la région ; des groupes armés ont surgi dans beaucoup de pays, prenant parfois les formes les plus réactionnaires.

Dans ces conflits le rôle des puissances occidentales, notamment la France, est néfaste. Rien que sous la présidence de François Hollande, l’impérialisme français a lancé plusieurs opérations militaires d’envergure dans le continent. Parmi elles celle du Mali en 2013. Dans ce pays les groupes islamistes armés sont plus forts qu’au début de conflit (qui n’était nullement lié à une question religieuse). Pire, beaucoup de ces groupes ont su « coopérer » avec la France avant de se retourner ou que la France décide de les mettre sur la liste de groupes à combattre.

D’ailleurs, il existe une très grande opacité concernant l’intervention de la France au Mali et un contrôle très serré de l’information de la part de l’État français. C’est ce que des chercheurs de la revue Afrique Contemporaine ont pu expérimenter récemment quand leur dossier spécial sur la guerre au Mali a été censuré. Comme l’explique Bruno Charbonneau, qui a dirigé le dossier : « Le cas malien est devenu un tabou en France et garantit beaucoup de pressions de la part du pouvoir politique et militaire ».

En effet, malgré les déclarations officielles, l’armée française n’agit en Afrique nullement pour « combattre le terrorisme », pour « promouvoir la démocratie » ou pour le « développement économique ». L’impérialisme français intervient dans ses ex-colonies pour préserver et garantir les intérêts économiques et géopolitiques des capitalistes français. Et son intervention ne fait qu’empirer le quotidien des populations locales. De plus, l’armée française se rend coupable d’atrocités partout où elle est déployée. Il ne faut pas oublier que ce sont des membres de l’armée française qui ont abattu un enfant de 10 ans au Mali et qui l’ont enterré pour cacher leur crime, et c’est bien des membres de l’armée française qui ont abusé des enfants en Centrafrique. Et de fait, face à l’absence d’alternatives progressistes, cela prépare le terrain pour que le mécontentement soit capitalisé par des courants réactionnaires islamistes ou d’autre type.

En ce sens, la présence de plus en plus importante de l’armée française en Afrique ne va aucunement empêcher que d’autres prises d’otages, d’autres attentats, conflits ou tueries aient lieu. Bien au contraire. En ce sens, ici en France il est fondamental que le mouvement ouvrier et les différents mouvements sociaux progressistes exigent le retrait immédiat de l’armée française de l’Afrique et des différents terrains d’opération dans le monde. Ce serait la principale contribution que nous pourrions faire pour mettre fin à la barbarie qui s’abat en Afrique.

 
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