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La Izquierda Diario
16 de mai de 2019 Twitter Faceboock

Premier test de la lutte de classes
Brésil. Plus d’un million de manifestants contre les attaques de Bolsonaro
Philippe Alcoy

Face à la première résistance massive contre les coupes budgétaires dans l’éducation et la réforme des retraites, Bolsonaro a décidé de doubler la mise en traitant les manifestants « d’idiots utiles ». Est-on au début d’un mouvement d’ampleur ?

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Mercredi dernier le Brésil s’est réveillé avec des milliers de personnes dans les rues, aux abords des universités et des écoles. C’était le premier test important, massif, de la lutte de classes pour le gouvernement de l’ultraréactionnaire Jair Bolsonaro depuis qu’il a pris ses fonctions le 1er janvier dernier. Et selon la presse dominante, la massivité de l’évènement en a pris plus d’un par surprise, à commencer par le président et le gouvernement qui avaient sous-estimé l’ampleur du rejet de leur politique.

En effet, l’annonce soudaine d’une coupure de 30% du budget de l’éducation a créé une contestation très large parmi les étudiants, les enseignants, les travailleurs du secteur, les parents d’élèves et bien au-delà.

Les images des grandes artères des principales villes du pays sont impressionnantes. Dans São Paulo on estime le nombre de manifestants à 250 000 ; et selon les organisateurs il y a eu autour de 1,5 millions personnes dans les cortèges. Même les médias dominants, y compris les plus à droite, ont dû reconnaitre la massivité de la protestation.

Ce qui a dans une large mesure aidé à massifier la contestation dans les rues c’est le gouvernement lui-même, notamment Bolsonaro et le ministre de l’éducation Abraham Weintraub. En effet, le gouvernement, utilisant les mêmes méthodes provocatrices de la campagne présidentielle, a décidé de politiser à outrance cette coupure budgétaire catastrophique. Le ministre, face aux protestations des autorités universitaires et des enseignants et étudiants essayait de minimiser la contestation en déclarant que l’opposition dans les universités ce n’était que du « chahut ».

Mais la provocation la plus importante est venue de Bolsonaro le jour même de la manifestation. Alors que celui-ci était en déplacement aux Etats-Unis et que la manifestation commençait à peine, il a lancé : « la plupart [des manifestants] ce sont des militants. Ils n’ont rien dans la tête. (...) Ce sont des idiots utiles, des imbéciles qui sont utilisés comme masse de manœuvre d’une minorité rusée ».

Ainsi, Bolsonaro et son gouvernement, peut-être malgré eux, sont en train de polariser la situation sociale et politique autour de la question des coupes budgétaires dans l’éducation, ce qui commence à inquiéter certains cercles du pouvoir. En ce sens, l’un des principaux journaux de droite du pays, Estado de São Paulo, écrit inquiet : « la question ce n’est pas seulement de l’argent pour l’éducation, mais de choisir son côté politique dans le scénario actuel. Et, pour cette raison, les manifestations ont unifié les recteurs et les étudiants, d’habitude des rivaux dans les luttes dans l’enseignement supérieur. Les manifestations ont réuni des parents et des enseignants d’écoles privées. Tous scandant ‘nous ne sommes pas des idiots’ ».

Cela est d’autant plus inquiétant pour les classes dominantes brésiliennes que le gouvernement traverse une forte dispute interne entre les différentes ailes qui le composent (l’aile dite « idéologique » autour des fils de Bolsonaro et le président lui-même, et l’aile dite « militaire ») mais aussi que le gouvernement tente de faire adopter au parlement la réforme des retraites, une mesure centrale pour le projet du gouvernement et du patronat. Il y a une grande peur que la mobilisation sur les questions d’éducation ralentisse ou bloque la réforme des retraites.

Le gouvernement lui-même fait tout pour créer des liens entre les deux questions. En effet, il a déclaré que si la réforme des retraites était adoptée par les députés, il n’y aurait pas besoin de couper le budget de l’éducation. Ce chantage réactionnaire et dangereux, pourrait effectivement se retourner contre le gouvernement et alimenter l’opposition à l’ensemble de la politique du gouvernement.

Le spectre qui plane sur la tête du patronat et la presse nationale c’est le souvenir des massives manifestations de 2013. Ils craignent que la méthode du gouvernement déclenche un mouvement massif du même type. Ainsi, le journal O Globo, l’un des principaux défenseurs du coup d’Etat institutionnel contre Dilma Rousseff et l’emprisonnement arbitraire de Lula Da Silva qui a facilité la victoire de Bolsonaro, écrit : « les manifestations de juin 2013 ont commencé avec un petit groupe de gauche manifestant contre une hausse du prix des transports publics. L’agressivité de la Police Militaire de São Paulo a fait que le mouvement a pris de l’ampleur, et a donné ce qu’il a donné. Bolsonaro et son ministre n’ont pas besoin de la Police Militaire. Spécialement dans l’éducation, ce sont eux-mêmes qui jettent de l’huile sur le feu ».

C’est donc bien l’unité de la lutte contre les coupures budgétaires dans l’éducation et contre la réforme néolibérale des retraites, qui va enlever de fait le droit à la retraite à des millions de travailleurs, qui fait peur au gouvernement et au patronat. Et c’est pour cette raison que la politique des bureaucraties syndicales et des directions politiques réformistes de partis comme le PT de Lula ou le PCdoB (Parti Communiste du Brésil), est criminelle. En effet, ces partis et bureaucraties syndicales tout en se positionnant contre les réformes de Bolsonaro font tout le possible pour séparer les deux luttes. Et cela aussi bien dans le mouvement ouvrier que dans le mouvement étudiant où ils dirigent les principaux syndicats. Mais le comble ce sont les gouverneurs d’importants Etats du Nord-est brésilien, membres du PT, qui soutiennent l’essentiel de la réforme des retraites bolsonariste.

Comme l’affirment nos camarades du Mouvement Révolutionnaire des Travailleurs et d’Esquerda Diario, qui fait partie du même réseau international que Révolution Permanente : « la force de la lutte d’aujourd’hui montre qu’il est possible au travers de la coordination de la mobilisation dans tout le pays, avec l’élection de délégués dans chaque université et école, d’organiser les prochains pas de la lutte des étudiants et ainsi contribuer à ce que les travailleurs puissent aussi imposer des assemblées et des mobilisations aux bureaucraties installées dans la plupart des syndicats du pays ».

En effet, Bolsonaro est arrivé au pouvoir avec un discours d’extrême-droite violent et décomplexé, avec un programme ultra néolibéral et pro-impérialiste. Cependant, à la différence de ceux qui pensaient que tout était déjà plié, nous affirmions qu’il devait faire encore ses preuves dans la lutte de classes. Certes le mouvement ouvrier et populaire au Brésil avait pris un grand coup ces dernières années et les courants de droite dure avaient avancé. Mais il était trop prématuré, lors de l’élection de Bolsonaro, d’affirmer que le tour était déjà joué. Même si nous ne pouvons pas encore prédire qu’un mouvement massif contre Bolsonaro et sa politique est déjà en cours, il est évident que c’est le développement de cette contestation énorme qui constitue la clé pour assener une défaite décisive à ce gouvernement réactionnaire. Celui-là est notre pari fondamental.

 
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