http://www.revolutionpermanente.fr/ / Voir en ligne
La Izquierda Diario
17 de mai de 2019 Twitter Faceboock

Anniversaire
6 mois déjà ! Retour sur le mouvement des Gilets jaunes
Iris Serant

Ce 17 mai sonnait l’anniversaire des 6 mois du mouvement des Gilets jaunes. Le moment de regarder en arrière sur les victoires de cette effervescence et radicalité nouvelles faisant frémir le gouvernement, et les vieux sceptiques.

Link: https://www.revolutionpermanente.fr/Gilets-jaunes-6-mois-deja-Et-maintenant

6 mois déjà. Une longévité qui rajoute au caractère historique de ce mouvement toujours en acte. Depuis 2016, la France est secouée, après des années d’atonie, par un retour de la lutte des classes et des mouvements ouvrier et étudiant : Loi Travail, bataille du rail, mouvement étudiant contre la sélection… Quand après ces défaites – sur le plan revendicatif – certains mettaient en avant le découragement « à la base » pour les expliquer, le mouvement des Gilets jaunes est venu redonner une détermination et une force à la colère sociale grandissante face à la précarisation croissante des conditions de vie des travailleurs, jeunes, chômeurs, retraités, mères célibataires.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce mouvement des Gilets jaunes a éclaté sur la scène politique en renouvelant profondément la forme des mobilisations. Notamment parce que loin de toute forme de corporatisme, qui permet aux bureaucraties de cloisonner les luttes par en haut, ce sont directement des questions éminemment politiques qui ont été posées : celle de la précarité imposée par le système, et celle de savoir comment ce système est dirigé. Et c’est bien la démission de Macron qui a été exigée.

La radicalité qui s’est exprimé durant ces six mois, a mis un coup de pied dans la fourmilière. On appelle à la révolte, on ressort les images d’Épinal de 1789 ou 1968 (on rediscute de la Commune), et dans toutes les actions c’est le « spectre de la révolution » qui rejaillit. Aussi flou stratégiquement que cela puisse être, la question est reposée, et chaque samedi, en plus des ronds-points, des dizaines de milliers de personnes reprennent les rues, jusqu’à créer les situations quasiinsurrectionnelles du mois de décembre qui a donné des sueurs froides au gouvernement.

Le bête blessée a sorti les crocs

Cette irruption a forcé le bulldozer macronien à s’arrêter, pendant un temps, et le tour n’était pas joué d’avance. Ce sont les chantiers sur la réforme constitutionnelle, la réforme des retraites, ou celle de l’assurance chômage que le gouvernement a dû mettre sous le tapis pendant les premiers mois du mouvement. Si c’est à grand coups d’ordonnance que celui-ci avait commencé son quinquennat, celui-ci a été obligé de revoir ses méthodes. Le Grand Débat a ainsi été le joli paravent d’une politique toujours aussi lapidaires mais ornée de ce « vernis démocratique », absolument pas prévu dans l’agenda macronien. Et qui, preuve en est cet anniversaire, n’a pas fait rentrer les Gilets dans le « droit chemin ».

De l’autre côté, la faiblesse du gouvernement, dont l’effritement de la base sociale est allée crescendo depuis le début du quinquennat s’est confrontée à un soutien grandement majoritaire de la population aux Gilets jaunes. Pour faire rentrer dans les rangs, les discours et les miettes annoncés ne suffisant pas, c’est vers une escalade répressive que s’est tourné le gouvernement – preuve de sa maigre marge de manœuvre – ne faisant qu’alimenter d’autant plus la désillusion envers l’État et ses institutions répressives, aussi bien policières que judiciaires. Si l’impact de la répression sur le mouvement n’est pas à minimiser, force est néanmoins de constater que ce sont des centaines de blessés ou d’interpellés qui continuent à manifester et ne sont que raffermis dans leur volonté de changer ce système social.

Discuter des limites

Ayant fait vaciller les vieux codes de la routine des mobilisations, le mouvement comporte néanmoins certaines limites, toujours à discuter. Et il serait difficile d’en être autrement dans une période, si l’on regarde à plus large échelle, de recul important des luttes et de la conscience de classe.

C’est toute une frange de la population – et parmi elle les précaires, chômeurs, travailleurs des services ou de petites entreprises, retraités, mères célibataires – qui pour la plupart ne s’était jamais mobilisée auparavant qui a émergé sur le devant de la scène politique. Des secteurs des « marges », non-organisées, qui ont montré leur détermination et la force de leur spontanéité. Néanmoins, la question de l’expansion du mouvement à d’autres secteurs, si elle s’est posée n’est pas arrivée à son terme.

Sans que cela soit exhaustif, on a pu voir d’un côté, le mouvement lui-même, empreint d’uun fort citoyennisme, et masquant les divergences de classe et d’intérêts parmi un « peuple » prétendument uni, qui n’a pas pu s’emparer d’un discours pour étendre le mouvement à d’autres secteurs. D’un autre côté, les bureaucraties syndicales ont bien rempli leur fonction en jouant un rôle de frein immense à la contagion entre gilets jaunes et secteurs syndicaux, alors même qu’à la base, de nombreux syndiqués arborent depuis le début leur gilet jaune ou cherchent à converger avec le mouvement.

Cette contagion loin d’être seulement une question de nombre en manifestation, était aussi un enjeu pour construire d’autres moyens d’action, et celui de la grève en premier lieu. Si Macron est le président des riches, ce n’est pas uniquement pas ses complaisances envers les plus fortunés, mais bien parce que cet État est structurellement au service du patronat. Un affrontement envers l’État, et la volonté d’en finir avec ces inégalités sociales ne peut se cloisonner à une demande envers le gouvernement, mais doit passer par un rapport de force dans le fondement même de ce système : celui du blocage des moyens de production. Car en dernière instance, ce n’est ni la clique gouvernementale, ni les grands capitalistes qui ont le pouvoir de faire tourner la société au quotidien, et donc de décider de l’arrêter, pour le reprendre en main.

De même, les dynamiques d’auto-organisation qu’il y a pu avoir, notamment durant le début de l’année, ayant conduit aux assemblées des assemblées de Commercy, puis de Saint-Nazaire, auraient pu doter le mouvement de cadres démocratiques, à la base, tranchant avec le système parlementaire bourgeois, permettant aux Gilets jaunes de discuter des suites du mouvement, des fins de celui-ci, et d’exercer aussi un contrôle sur les décisions prises, parfois par en haut, malgré la méfiance envers les chefs auto-proclamés.

Si ces perspectives, visant à l’élargissement du mouvement, à la grève, ou à l’organisation démocratique la plus, contrôlée par en bas, ne sont pas dans une dynamique ascendante, elles ont marqué la scène politique, et fait revenir sur la scène, même à demi-mot, la question politique de par qui et comment est dirigée la société. Si Macron profite de cette perte de vitesse pour remettre sur le tapis son calendrier de contre-réformes, les bilans de cette séquence sont à tirer, car les perspectives ne manquent pas. Ce qui reste certain, c’est que même dans cette impasse stratégique, le gouvernement n’est pas en capacité de refermer la crise qui s’est amplifiée avec l’entrée en scène des Gilets jaunes, mais qui vient de plus loin. Car cette expression de la crise du système capitaliste ne peut appeler qu’à d’autres crises. Et notre devoir est bien de construire et de préparer une alternative à ce système de misère et d’exploitation.
Car contrairement à ce que la propagande médiatique visait à faire croire au début du mouvement, loin d’être une protestation de l’extrême-droite, les Gilets jaunes expriment une voix progressive aux crises structurelles qui dépassent de loin les cadres de la France. Si ce sont des phénomènes morbides, tel que des Trump, Salvini, Orban ou Bolsanaro qui ont pu émerger de la crise économique, les Gilets jaunes, au même titre que les mobilisations en Algérie, ou au Soudan, que les mouvements de milliers de femmes, ont montré que d’autres alternatives, sur le terrain de la lutte des classes, étaient possibles, celui de s’organiser, par en bas, pour porter le projet d’une autre société. 6 mois après l’appel du 17 novembre, nous sommes encore des dizaines de milliers dans les rues et tout est encore devant nous !

 
Revolution Permanente
Suivez nous sur les réseaux
/ Révolution Permanente
@RevPermanente
[email protected]
www.revolutionpermanente.com