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La Izquierda Diario
27 de mai de 2019 Twitter Faceboock

Que se passe-t-il dans nos hôpitaux ?
Vidéo. Grève aux urgences : première assemblée nationale de l’Inter-Urgences, mobilisation le 6 juin !
Cécile Manchette
Betty Core
Frédéric Mizumschi

Mobilisés depuis le 18 mars, leur mouvement touche désormais 65 services dans toute la France. Que se passe-t-il dans nos hôpitaux ? Nous sommes allés à la rencontre de grévistes qui nous ont raconté leurs difficultés, leurs souffrances et leur grève.

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« Le matériel a plus d’importance que les soignants »

Tout a commencé le 18 mars 2019 à l’hôpital Saint-Antoine à Paris suite à une agression au Service d’Accueil des Urgences (SAU). C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Les trois soignantes victimes de l’agression sont conduites en Uber au commissariat pour porter plainte, sans aucun soutien de la direction de l’hôpital. Plus encore, l’hôpital refuse par la suite de porter plainte, au prétexte qu’il n’y aurait pas eu de destruction de matériel. Pour le personnel cela est une preuve de plus de l’inhumanité qui règne dans l’hôpital public depuis plusieurs années : « ce que je retiens c’est que le matériel a plus d’importance que les soignants ».

Les personnels « paramédicaux » (infirmier.e.s, aides-soignant.es, etc..) décident alors de contacter d’autres services d’urgences pour se réunir afin de discuter de la dégradation de leurs conditions de travail, de l’hôpital public et des conséquences sur leur quotidien - dont les agressions verbales et physiques font partie -, mais aussi sur les patients, leurs pratiques professionnelles et leurs vies. « Je veux arrêter ce cercle vicieux, que l’on puisse travailler dans de meilleures conditions pour nous et les patients car des vies sont en jeu » nous confie un personnel impliqué dans le mouvement depuis le début et qui a rejoint le collectif Inter-Urgences.

A partir du 18 mars, ce sont ainsi 24 SAU de l’AP-HP qui décident de rentrer en grève sachant que, depuis début 2019, d’autres services étaient déjà en grève comme par exemple à Valence ou encore à Saint-Malo. A l’heure actuelle, nous comptons désormais 65 services d’urgences en grève dans toute la France et le mouvement ne cesse de s’étendre avec deux nouveaux services, le SAU de Limoges et de Rouen, qui viennent de rejoindre la grève ce samedi.

Assemblée nationale Inter-Urgence : se réunir pour s’organiser et étendre le mouvement nationalement

Des grévistes à Paris, non-syndiqués, ont pris l’initiative de créer ce collectif Inter-Urgences pour coordonner les Services d’Accueil des Urgences dans toute la France. Après avoir fait un important travail de communication sur Facebook et avoir contacté 148 SAU, les initiateurs de ce collectif ont décidé d’organiser la première Assemblée nationale de l’Inter-Urgences, ce samedi 25 mai à la Bourse du travail de Paris.
A cette assemblée, environ 150 personnels étaient présents pour représenter 33 villes et 65 services d’urgence, avec 75 personnes pour la région parisienne et 45 pour la province.

Le programme de cette journée était de dresser un état des lieux des Services d’Urgences et du mouvement de grève, d’aboutir au vote d’une motion sur la suite du mouvement et enfin à la constitution officielle du Collectif Inter-urgences.
Les personnels des différents services, qui se rencontraient pour la première fois ce samedi, ont témoigné, les uns après les autres, de leur situation dans leurs services respectifs. En effet, beaucoup de témoignages sont venus refléter le manque de moyens et de reconnaissance de leur travail dans ces services. Entre autres, une infirmière aux urgences de Creil raconte quelques-unes des aberrations qui ponctuent son quotidien : "La direction nous a donné du matériel ultra-spécifique mais pour lequel on n’est pas formé. On marche sur la tête.", ou encore les conditions d’accueil pour les patients qui attendent parfois plus d’une dizaine d’heures avant d’être reçu. Un ex-médecin venu en soutien encourage les grévistes à poursuivre leur grève et s’adresse aux personnels "Ce que vous vivez, ça s’appelle de la maltraitance de soignants. Ça a une conséquence directe sur les patients. Ne vous laissez pas faire.".

« Je suis en grève mais je soigne »

Faire grève à l’hôpital n’est pas chose facile étant donné que ces professionnels ont entre leurs mains la vie des centaines de patients qui affluent chaque jour aux urgences. La question de la médiatisation et du dialogue avec les patients est donc centrale. Dans ce sens, les personnels ont développé tout un tas d’idées depuis le début du mouvement pour populariser leur grève. Ainsi, plusieurs chansons depuis la mi-mars font le « buzz » sur les réseaux sociaux, et particulièrement celle des urgences de Valence qui a atteint un million de vue. De leurs côté, des infirmières qui travaillent en pédiatrie ont choisi de revêtir une cape de super-héros sur lesquelles elles se déclarent en grève et écrivent leurs revendications. Les capes sont un symbole pour expliquer que « « tout ne dépend pas de nous, on peut être super motivés, donner tout ce qu’on a, quand il n’y a pas de moyens et qu’il y a trop de patients, on n’a pas de super pouvoirs. ». Dans d’autres services, les personnels ont créé des badges « je suis en grève mais je soigne » ou encore écrivent des slogans sur leurs tenues pour exprimer leur ras-le-bol et informer les patients et les personnels d’autres services.

Le collectif Inter-Urgences qui s’est créé une page Facebook ainsi qu’un compte twitter relaie aussi quotidiennement des informations sur la mobilisation, des vidéos, des photos, qui permettent d’informer et de médiatiser leur mouvement.

Le ministère fait la sourde oreille : mobilisation le 6 juin prochain

Après plus de deux mois de mobilisation, l’assemblée nationale organisée ce samedi avait pour but de réfléchir à la poursuite du mouvement. La colère est grande chez nombre de personnels grévistes pour qui leur grève est dénigrée, invisibilisée, tant par la direction des hôpitaux que par le ministère et le gouvernement. D’ailleurs, le 1er mai alors que Castaner se rendait à l’hôpital de la Salpêtrière pour incriminer des manifestants qui auraient « attaqué » l’hôpital, les CRS n’ont pas hésité à arracher la banderole des grévistes urgentistes, pour ne pas ébruiter la grève en cours.

Face au silence du ministère qui tend à réduire leur mobilisation à une question de sécurité dans quelques hôpitaux isolés, le collectif Inter-Urgences veut montrer que la détérioration des conditions de travail et des soins procurés, est une question qui touche tous les services, et in fine concerne autant le personnel que les patients. « Toute cette destruction a une conséquence sur les soignants et les patients, notre santé est en danger » dénonce un gréviste. Pour certains grévistes, ce qui se passe dans les hôpitaux est similaire à ce qui se passe dans d’autres services publics comme l’éducation.

Aujourd’hui, la détermination des grévistes à poursuivre leur mouvement a beaucoup à voir avec la caractère « urgent » qu’il y a, après tant d’années, à dénoncer ce qu’il se passe dans les hôpitaux, pour sauver leurs vies, celles des patients ainsi qu’un service public ouvert à tous et à toutes menacé par la privatisation.

Finalement, à l’issue de cette assemblée une motion a été votée. Les revendications principales qui ont émergé sont : une prime de 300 euros c’est-à-dire une reconnaissance financière des fonctions multiples et des responsabilités qui sont les leurs, la création de postes et l’augmentation des effectifs pour assurer la qualité des soins, ou encore la réduction des fermetures de lits. Ils ont également acté le choix d’élire huit représentants pour la France avec deux représentants par grande région ainsi que trois représentants pour les organisations syndicales avec la décision de créer une association et l’élection prochaine d’un bureau. Déterminés à se faire entendre, ils ont décidé de créer une association pour pouvoir se réunir et se coordonner plus facilement et d’une manifestation nationale le 6 juin prochain pour en faire une grande journée de mobilisation et continuer d’étendre le mouvement !

Crédits photo : Julien Baguette Photography

 
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