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La Izquierda Diario
27 de mai de 2019 Twitter Faceboock

Elections européennes
Avec 13% aux Européennes, les Verts, première force « à gauche » ?
Max Demian
Jules Fevre

Si le discours attrape-tout qui rejette le clivage gauche-droite en faveur d’un discours pragmatique a contribué à réaliser un score inattendu aux Européennes, la question reste ouverte sur la capacité des Verts à transformer l’essai en vue des municipales.

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Si le score d’EELV est une surprise, cela exprime avant tout des coordonnées politiques favorables : entre l’écroulement du centre et la crise de LFI, des mobilisations récentes de la jeunesse pour le climat et un scrutin européen qui profite souvent aux Verts. Avec un discours attrape-tout qui oscille entre l’anti-système et la défense d’un capitalisme vert, la ligne pragmatique, revendiquée apartisane de Jadot, a bénéficié de coordonnées exceptionnelles qui lui ont permis de sortir en tête. Toutefois, la question reste ouverte sur la capacité des Verts à transformer l’essai en vue des municipales.

Une mobilisation de la jeunesse en hausse

La liste menée par Yannick Jadot aux Européennes a remporté dimanche 13,47% des voix, soit le deuxième meilleur score d’Europe Ecologie-Les Verts derrière les 16,28% obtenus par Daniel Cohn-Bendit en 2009. Une surprise, devant des sondages qui estimait le parti autour de 8% d’intentions de votes. Si l’abstention reste majoritaire dans la jeunesse, comme souvent aux Européennes, c’est aux Verts qu’a bénéficié la mobilisation du vote de la jeunesse, un phénomène qui a touché y compris l’Allemagne, où les Verts réalisent un score historique.

Comme l’indique le Parisien : « Le nombre de votants dans la tranche 18-34 a grimpé de 13 points par rapport à 2014 (27%), pour atteindre 40 %, une vraie mobilisation. » Toutefois, ce « vote jeune » est largement à nuancer. Il s’agit principalement d’une frange de la jeunesse issue des classes urbaines et des classes moyennes. Daniel Boy, politologie au CEVIPOF, précise au Figaro : « Les jeunes qui votent écolo sont plutôt des jeunes de milieux aisés, étudiants et diplômés, alors que les jeunes des classes populaires vont avoir tendance à plus voter pour le Rassemblement national. »

Dans une certaine mesure, cette élection traduit aujourd’hui une victoire des “verts” sur la bataille électorale qui se joue autour du regain d’intérêt pour l’écologie que suscite le changement climatique, particulièrement dans une certaine frange de la jeunesse.

Des mobilisations récentes sur le climat

En effet, une frange de la jeunesse, des collégiens aux étudiants, se mobilisent face à l’urgence climatique. Après avoir réuni 1,8 million de personnes le 15 mars dernier, la dernière grève internationale pour le climat à de nouveau entraîné de nombreux jeunes dans les rues partout à travers le monde. Vendredi à Paris, beaucoup de pancartes dénonciatrices et des slogans comme : “Ecologie libérale, mensonge du capital”. Cette frange de la jeunesse qui s’est mobilisée dans la rue, même si nombre d’entre eux ne sont pas encore en âge de voter, appartient sociologiquement à l’électorat qui s’est mobilisé pour voter EELV, à savoir des jeunes « issus de familles majoritairement aisées, éduquées et urbaines, [qui]ont souvent les mêmes idées politiques que leurs parents », relève le sociologue Maxime Gaborit dans les colonnes du Monde.

Parier sur l’effondrement du centre : le pari réussi de Jadot ?

Comme le remarque Hadrien Mathoux dans Marianne, la parti de Jadot semble avoir engagé “son parti dans un virage au centre toute.” Avant d’être revenu sur ses propos, cet ancien proche de Cohn-Bendit, s’était dit prêt à envisager une coalition avec l’Alde, un parti libéral et le PPE, le camp conservateur. Si l’ancien parti de François de Rugy pouvait historiquement être classé à gauche, Yannick Jadot a profité de cette campagne, pour s’en distinguer, revendiquant une écologie “ni de gauche, ni de droite", tout en multipliant les signaux vers un électorat “modéré, plutôt bourgeois et urbain, davantage mobilisé sur des enjeux sociétaux que par un discours social” relève Mathoux. Ainsi, il vantera dans Le Figaro "l’économie de marché, la libre entreprise, l’innovation", achevant “de rendre publique la mue sociale-libérale du parti écologiste, qui n’a jamais prétendu affronter clairement le capitalisme” souligne Olivier Morin dans l’Humanité.

Ce discours attrape-tout a de surcroît bénéficié de l’écroulement des partis du centre, surtout de la gauche. Entre le score moribond du PS, qui parvient malgré tout à sauver les meubles, et la crise profonde de LFI, les Verts ont capitalisé sur cet électorat centriste. Revenant sur cette victoire, le Parisien note : « Les Verts ont mobilisé une certaine gauche. Privé de candidat à la dernière présidentielle, en raison de l’union avec Benoît Hamon, le vote « vert » s’était éclaté. Mais dans une élection dont l’un des thèmes principaux a été l’écologie, EELV a réussi à devancer tous ses rivaux de gauche et rassembler très largement, siphonnant une bonne partie de l’électorat jeune de la France Insoumise mais aussi de l’alliance Parti Socialiste-Place publique. »

Plus encore, le succès des Verts repose en grande partie sur l’écroulement de la France Insoumise, qui perd une partie de son électorat urbain des classes moyennes supérieures au détriment d’ELLV.

Les municipales en ligne de mire : EELV rêve d’être le nouveau centre-gauche

Dans un paysage politique qui tend vers une polarisation entre le Rassemblement National et La République En Marche, EELV espère se positionner en vue des municipales de 2020, qui répondent à une logique autre que celle des Européennes, avec une dimension plus territoriale qui pourrait permettre au PS de se reconsolider.

Car en dépit de cette victoire surprise, cela sonne surtout le début des recompositions à gauche pour prendre l’ascendant en vue des municipales. Comme le note le Monde, les jeux d’alliances et rapports de forces commencent tout juste à se mettre en place : « Malgré tous ces voeux de rencontres, les deux années écoulées depuis l’élection présidentielle ont laissé des traces, voire des blessures. Pourront-elles être dépassées ? Le temps presse : les élections municipales, qui se dérouleront en mars 2020, pourraient servir de laboratoire pour dessiner les contours de cette reconstruction. »

Entre la crise de LFI et l’éclatement de la gauche, EELV a su tirer son épingle du jeu et offrir une réserve de voix importante au centre-gauche en perte de vitesse importante, qu’il s’agisse de la France ou de l’Europe. Toutefois, ce résultat, qui a bénéficié de l’effet propre au scrutin européen, devra encore montrer sa capacité à capitaliser pour la suite.

Crédits photo : ©STEPHANE DE SAKUTIN, AFP

 
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