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La Izquierda Diario
10 de juin de 2019 Twitter Faceboock

Sur fond de tension avec la Chine
Un million de manifestants à Hong Kong en défense des droits démocratiques
Max Demian

Ce dimanche 9 juin, ce sont plus d’un million de personnes qui ont manifesté à Hong Kong, contre un projet de loi qui autorisera les extraditions vers la Chine continentale. Il s’agit de la plus importante mobilisation depuis la rétrocession de 1997.

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Crédits photo : PHILIP FONG / AFP

La manifestation, qui a réuni près d’un million de personnes ce dimanche 9 juin à Hong Kong, est probablement l’une des plus importantes depuis la rétrocession de 1997. La manifestation, massive, a attiré une large frange de la population, on retrouvait ainsi dans les rangs des manifestants des représentants de la bourgeoisie locale (hommes d’affaires, avocats), des classes moyennes tout autant que des retraités et des jeunes étudiants – généralement plus enclins à se mobiliser ces dernières années. Un article d’analyse du site britannique CNN rend compte de l’hétérogénéité et de l’ampleur du mouvement : « La manifestation de dimanche, cependant, n’était pas seulement remarquable par sa taille, mais aussi par sa démographie. (…) L’opposition au projet de loi sur l’extradition venait toutefois d’un échantillon plus large de la société. Des avocats, des hommes d’affaires, des membres de la classe moyenne, des gens d’âge moyen qui manifestaient pour la première fois étaient tous dans les rues de Hong Kong le dimanche. Leur présence a montré que si la lutte pour l’extension des libertés de Hong Kong s’est enlisée, la volonté de se battre pour protéger les droits existants est plus forte que jamais. »

Cette mobilisation massive fait suite à la tentative de la Chine de promulguer une loi qui faciliterait l’extradition vers la Chine ou un territoire tiers des personnes jugées suspectes par le régime. Jouissant de droits démocratiques, contrairement à la Chine, Hong-Kong est aussi un lieu d’exil pour nombre de militants politiques ou ennemis du Parti Communiste chinois. Le risque d’encourir la prison en Chine est donc perçu comme la principale menace par la population insulaire.

Des rapports conflictuels entre Hong-Kong et la Chine

Plus généralement, cette manifestation massive s’inscrit dans le contexte de tensions entre Hong-Kong et Pékin, les derrières décennies ayant été traversées d’importants mouvements de protestation contre l’ingérence chinoise sur l’île. Suite à la rétrocession de 1997, une clause stipulait ainsi que Hong-Kong jouirait d’un statut spécifique, notamment une autonomie juridique la préservant de l’intervention chinoise pour une durée de 50 ans.

Toutefois, compte tenu du poids géopolitique et économique de l’île, qui reste une porte d’entrée pour le commerce international, la Chine, en dépit d’une ligne officielle « un pays, deux systèmes », a constamment cherché à assurer son emprise sur l’île. Surtout, l’enjeu géopolitique vital pour la Chine reste d’étouffer la moindre velléité de scission qui pourrait menacer l’unité de son territoire et la stabilité du régime en place.

Ainsi, en 2003, c’est notamment la tentative d’imposer une loi « anti-sécession » qui a entraîné près d’un demi-million de personnes dans la rue, contraignant la Chine à faire marche arrière. « Les manifestations anti-sédition de 2003 ont été un moment décisif pour le mouvement d’opposition de la ville, résume un article de la chaîne britannique CNN. Le projet de loi aurait pu voir toute personne reconnue coupable de trahison, de sédition, de sécession ou de subversion contre la Chine emprisonnée à vie, et - comme la protestation de dimanche - a attiré une opposition massive de la part de nombreux secteurs de Hong Kong. L’énorme marche a été suivie par de multiples démissions du gouvernement, et le projet de loi a été abandonné, pour ne jamais être relancé. »

La Chine cherche à accroître son emprise sur Hong-Kong pour parer à ses problèmes internes

Pendant longtemps, la Chine a limité son intervention directe sur l’île, compte tenu du poids géopolitique et économique de celle-ci. Toutefois, avec la montée en puissance de l’économie chinoise, le poids relatif de Hong-Kong qui lui octroyait une marge de manœuvre face au régime chinois s’est nettement réduit. De 27% en 1993, la part du PIB de Hong-Kong dans le PIB chinois est passé à 3% seulement en 2017. Avec pour conséquence de permettre à la Chine d’étendre son emprise sur l’île et de lier le sort des élites économiques hong-kongaises au puissant Parti Communiste chinois. Comme le résume Geopolitical Futures : « Plusieurs de ces mouvements ont donné lieu à des manifestations de masse à Hong Kong. Une seule fois seulement, à la suite d’une tentative, en 2013, d’insérer la propagande communiste dans les manuels scolaires de Hong Kong, Pékin a reculé après avoir conclu qu’elle avait exagéré en essayant d’endoctriner les Hong-Kongais avec les outils contondants qu’elle utilise sur le continent. La plupart du temps - même en 2014, lorsque 500 000 manifestants se sont joints à l’occupation du centre de Hong Kong pendant un mois - Pékin a essentiellement haussé les épaules et attendu que le mouvement s’essouffle, ne concédant presque pas un pouce. Et même si la dernière vague de protestations au sujet du projet de loi sur l’extradition pourrait donner lieu à une autre vague de manifestations à l’approche de 2014, le résultat sera vraisemblablement le même. »

Ainsi, le contrôle de l’île étant un enjeu politique central pour la Chine, il semble peu probable que le Parti Communiste recule malgré l’importance des manifestations. « La mesure dans laquelle l’autonomie de Hong Kong survivra dépendra presque uniquement de la mesure dans laquelle Pékin trouve cette autonomie menaçante et du risque de condamnation internationale, de perte d’investissements, etc. que Pékin pense pouvoir tolérer en la freinant, » souligne Geopolitical Futures.

En pleine guerre commerciale, et avec des contradictions économiques qui s’accumulent, toute reculade pourrait être perçue comme un signe de faiblesse géopolitique, ravivant des velléités scissionnistes à Taïwan ; mais, surtout, le danger est grand pour le régime dans un pays qui compte la classe ouvrière la plus importante au monde, de la voir s’inspirer de ces manifestations. Comme le résume Geopolitical Futures : "La Chine se trouve ici dans une position difficile, elle a besoin d’affirmer son contrôle sans enflammer encore plus les passions. Pour l’instant, ce dernier point est plus important que le premier pour Pékin."

 
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