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La Izquierda Diario
2 de juillet de 2019 Twitter Faceboock

Gauche radicale
Un « Big Bang » pour quoi faire ? Retour sur le meeting au Cirque Romanès
Damien Bernard
Paul Morao

Dimanche, le « Big Bang » avait lieu au Cirque Romanès. Depuis le revers de LFI aux européennes, Clémentine Autain et Elsa Faucillon multiplient les appels à « fédérer la gauche ». Si des représentants de la gauche politique et syndicale ont bien répondu présents, l’initiative est cependant restée limitée des mots mêmes de participants. Les objectifs du « big bang », quant à eux, étaient clairement assumés : être prêt pour les élections municipales.

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Au programme de cette journée, trois heures de discussions qui ont réuni plus de 400 personnes sous le chapiteau du Cirque Romanès, mêlant militants associatifs et politiques, intellectuels, représentants d’organisations politiques et syndicales, avec la présence particulièrement remarquée du secrétaire confédéral de la CGT, Philippe Martinez.

Parmi les politiques présents, Pauline Graulle de Mediapart recense : « Les communistes unitaires – le député Stéphane Peu ou l’ex-eurodéputée Marie-Pierre Vieu – et, plus étonnant, un communiste dit « identitaire » – Igor Zamichiei. Mais aussi quelques représentants d’Europe Écologie-Les Verts – l’élu de Paris Jérôme Gleizes ou la sénatrice, égérie des gilets jaunes, Esther Benbassa –, des camarades de Benoît Hamon – l’ex-ministre de François Hollande Dominique Bertinotti, et Guillaume Balas. Sans oublier Olivier Besancenot, du NPA, qui depuis un an hurle dans le désert pour appeler au réveil de la gauche face à Macron et Le Pen. »

D’où vient le « Big Bang », quels sont ses objectifs ?

Début juin, dans le sillage du résultat des élections européennes, Clémentine Autain (député LFI du 93) et Elsa Faucillon (député PCF du 92), lançaient ensemble un appel à un « Big Bang de la gauche écologique et sociale » visant à réunir les forces qui se reconnaissent derrière un projet de « gauche » pour proposer une « perspective émancipatrice qui puisse fédérer les colères et les aspirations autour d’un projet politique de profonde transformation de la société » dans un contexte où la gauche apparaît « en miettes ».

Un « Big Bang » qui sonne comme un appel à l’union de la gauche, mais pas « à la papa » comme s’en défend Elsa Faucillon. Pour les politiques et militants réunis, il s’agit de proposer une alternative pour infléchir la stratégie « populiste de gauche » portée par la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon en tête, mais aussi d’interpeler Yannick Jadot, le leader d’EELV, qui serait bien tenté de partir seul en échappée.
En somme, l’objectif premier du « big bang » est de peser pour « fédérer la gauche » en vue notamment des prochaines élections comme l’affirme Clémentine Autain : « l’objectif du big bang n’est pas de construire des listes aux municipales mais on tentera de faire en sorte qu’il y ait moins d’éparpillement, que la gauche mène des listes communes ».

Un « big bang » électoral sans un big-bang des luttes ?

Si l’objectif semble centralement électoral, sous le chapiteau, se succèdent micro les interventions faisant référence au mouvement des Gilets jaunes, et de nombreux représentants des « mouvements sociaux » ont été conviés. Tout au long de la journée interviendront ainsi un représentant du Comité Gonesse, Aurélie Trouvé de Attac, Youcef Brakni du Comité Adama, un militant de Pas Sans Nous ou encore Christophe Prudhomme, médecin urgentiste venu parler du mouvement qui secoue les SAU de France ou Léna Lazard de Youth For Climate. De même, différents syndicalistes prennent la parole, comme Zora Abdallah de la CGT Carrefour ou une ancienne déléguée du personnel de GM&S.

Cependant, force est de constater que si Elsa Faucillon affirme que le « Big bang » doit « lutter contre l’éparpillement » et jouer un rôle de « catalyseur » la question de comment regrouper l’avant-garde qui lutte actuellement, ainsi que la discussion d’un plan de bataille commun visant à faire converger les différents secteurs en lutte à la base, n’a en aucun cas été le sujet de la discussion, se bornant au strict aspect électoral, avec l’enjeu des regroupements possibles pour 2020.

Un certain décalage à l’heure où la radicalité des Gilets jaunes contre l’Etat et ses institutions alimente, sans qu’ils convergent pour le moment, la lutte des hospitaliers en grève ce 2 juillet, et des enseignants en lutte contre Blanquer. En ce sens, l’absence quasiment totale du mouvement des Gilets jaunes dans l’événement est marquante.

Pour seule représentation, la mobilisation qui dure depuis bientôt 8 mois a eu le droit à la projection d’une vieille interview de Geneviève Legay, tournée juste avant que celle-ci soit jetée au sol par un policier à Nice. De même, si beaucoup font référence au mouvement, c’est avant tout pour déplorer que celui-ci n’ait pas été capitalisé par la gauche lors des élections européennes. Pour la « gauche » qui s’exprime ici, la séquence lutte de classe semble déjà refermée, et les perspectives qui se dessinent sont centrées autour des seules perspectives électorales.

Une impression que confirme Clémentine Autain lors de sa prise de parole. Invitant à réinvestir les valeurs de la République ainsi que la notion de « gauche », qu’il s’agit « de remplir, pas de brandir », elle explique que les élections municipales constitueront l’occasion d’expérimentations de listes communes. « Il ne s’agit pas de faire une liste de plus, mais des listes en moins » résume-t-elle, sans « caporalisation ». Le sujet de la discussion a le mérite d’être clair : la question est bien de peser dans le rapport de force pour une « union de la gauche » relookée en vue des présidentielles comme l’affirme Clémentine Autain : « nous poursuivrons le travail, pour avoir en 2022 la meilleure proposition contre le dangereux duel entre pouvoir en place et extrême droite ».

« Discuter des luttes » sans discuter de la stratégie de Martinez ? Une gageure !

Un tropisme électoral qui explique que, si le débat entre « stratégie populiste » et « union de la gauche » est évoquée de nombreuses fois au cours de la journée, notamment lors de la discussion opposant un journaliste de Regards et un représentant du média Le Vent Se Lève, le bilan du mouvement des Gilets jaunes ne fera en revanche l’objet d’aucune table-ronde ni de véritable discussion. Les leçons stratégiques de 7 mois de luttes semblent ici d’un intérêt moindre que la réflexion sur la ligne à adopter pour les prochaines élections.

L’échec de la gauche radicale aux européennes n’aurait-il aucun lien avec la faiblesse de son intervention dans la lutte de classe ? Le silence de la plupart des représentants de la gauche qui intervienne semblent le dire, à l’exception de Olivier Besancenot qui résume : « Quand on loupe ce type de rendez-vous dans la lutte de classe, on loupe les rendez-vous politiques derrière. » et appelle la « gauche radicale » à assumer d’avoir manqué le « grand rendez-vous » des Gilets jaunes.

Philippe Martinez ferme quant à lui immédiatement toute possibilité de discussion sur la stratégie de la CGT au cours du mouvement des Gilets jaunes. « Nous n’avons pas besoin de conseillers spéciaux pour savoir comment organiser la lutte » explique ainsi le secrétaire général de la CGT, applaudi par une partie de la salle, avant d’évoquer l’importance de « se parler pour faire des choses ensemble. » Une interdiction de critique qui ne sera bravée par aucun intervenant, y compris Olivier Besancenot qui revenait pourtant récemment, lors d’un meeting du NPA, sur la stratégie délétère des journées « saute moutons » avant de rebrousser chemin et de minorer dans la foulée la responsabilité des directions syndicales dans le mouvement des Gilets jaunes.

L’impasse d’un "Big Bang" sur un terrain purement institutionnel

Par-delà les débats de « ligne » stratégique à porter, c’est donc bien sur le terrain des urnes, le terrain purement institutionnel que l’« unité de la gauche » proposée dans le « Big Bang » semble se dessiner.

Pourtant, alors que les Gilets jaunes ont impacté profondément la situation politique, ce sont les brèches ouvertes par le mouvement qu’il conviendrait de chercher à approfondir, de même que les tendances à la radicalité, que l’on observe aujourd’hui à l’état embryonnaire chez les enseignants ou les hospitaliers.

Dans un contexte international éruptif, ce n’est pas à partir d’une énième « union de la gauche » que la « gauche radicale » pourra se « recomposer », mais plutôt en travaillant centralement à partir du terrain de la lutte des classes, en s’appuyant sur la radicalité montrée par les Gilets jaunes pour la lier avec le mouvement ouvrier organisé et les luttes actuelles comme le mouvement des hospitaliers et des enseignants.

Crédit photo : Dominique Faget/AFP.

 
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