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La Izquierda Diario
10 de juillet de 2019 Twitter Faceboock

Edito
Affaire de Rugy. A bas la caste politicienne et ses privilèges !
Flo Balletti

Suite aux révélations de Mediapart sur ses dîners fastueux entre amis et aux frais du contribuable, le ministre de l’écologie François de Rugy a dû répondre tant bien que mal quoique toujours (timidement) soutenu par l’exécutif. Exigeons pour tous nos élus un mandat révocable et un salaire équivalent à celui d’un ouvrier qualifié !

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Crédits photos : PHOTO ARCHIVES AFP

« Des dîners de travail informels ». L’expression est déjà devenue célèbre tant elle est absurde. C’est donc par ces mots que François de Rugy, a tenté de noyer le... homard. A dire vrai personne ne l’a vraiment cru, en attestent les articles et autres montages qui ont embrasé la toile et les réseaux sociaux. Pour rappel, Mediapart a révélé le 10 juillet qu’entre octobre 2017 et juin 2018, l’actuel ministre de Macron alors président de l’Assemblée et sa femme ont organisé aux frais du contribuable une dizaine de dîners privés avec le cercle « amical » (jusqu’à 30 convives, ou à l’occasion de la Saint-Valentin), et au menu : homards géants, vin à plus de 500€ la bouteille, et autres réjouissances...

Alors que ce dernier est réputé pour son intransigeance envers ses adversaires politiques ou en légitimant les violences policières sur les manifestants pour le climat, l’exercice du mea culpa, à demi-mot ne lui sied guère. « Je comprends que cela puisse interpeller les Français », a-t-il dit à la sortie du conseil des ministres. Une prise de parole en direct sur les chaînes en continu qui témoigne de la gravité de l’affaire alors que le mouvement des gilets jaunes était en phase descendante depuis plusieurs semaines.

L’opposition tente de saisir la brèche

Au-delà du tollé au sein de la population, et ce ressenti légitime d’une impunité de cette caste politicienne, le numéro 2 du gouvernement a été vertement critiqué par l’opposition. Mathilde Panot (LFI) souligne : « des dîners de cour de François de Rugy avec l’argent public ? Mais non, répond-il, les homards et vins de grand cru ne servaient qu’à "rester connectés à la vraie vie". L’indécence faite homme. »

Dans un article intitulé « François de Rugy, l’homme sans conviction », nous soulignions le retournement de veste de l’ancien candidat à la primaire socialiste : « son positionnement à la « primaire citoyenne » des socialistes, en 2017, est également assez révélateur du personnage : candidat, il s’engage en direct, le 15 janvier, à soutenir le vainqueur. Un mois après, sentant que Macron a davantage le vent en poupe que Benoît Hamon, il renie sa promesse et se met « en Marche ». » Le député LR du Pas-de-Calais Daniel Fasquelle rappelle que c’est le même de Rugy qui avait fait voter la loi de « moralisation » de la vie publique.

Enfin, Delphine Batho, la présidente de son ancienne formation, Génération écologie, a voulu se montrer la plus virulente. Elle exige sa démission : « cela me paraît moralement inacceptable. Sa démission s’impose parce que c’est de l’argent public. L’argent public n’est pas fait pour organiser des dîners privés fastueux [...] On est sur une débauche de moyens pour des dîners avec des amis qu’il qualifie lui-même d’informels. Ce n’est pas de la représentation ».

Une majorité LREM qui laisse de Rugy isolé.. alors que sa directrice de cabinet a conservé 12 ans son HLM sans y habiter

Mediapart évoque une majorité qui se veut silencieuse par rapport à cette affaire d’Etat. Mais les quelques langues qui se sont déliées ne sont pas tendres avec de Rugy. Un député LREM se dit « affligé, surtout quand je vois sa première défense… C’est vrai que les homards et les grands crus c’est la vraie vie… ». Voyant le potentiel détonateur d’une telle affaire, un « responsable national de la formation macroniste » est prêt à le voir partir, estimant qu’il peut « difficilement rester ». Il s’exclame, dans Mediapart toujours :« C’est scandaleux cette histoire. C’est précisément ce que nous ont reproché les “gilets jaunes” ! Cela risque d’accréditer l’idée que les ministres sont pleins aux as et se gavent en profitant de l’argent public. Symboliquement, c’est très lourd ». Et de conclure, ayant peur de voir le spectre des gilets jaunes hanter de nouveau le quinquennat Macron : « C’est typiquement le genre d’histoire qui peut relancer une manif… ».

Suite au conseil des ministres, et alors que de Rugy avait une première fois tenté de se défendre sur France Inter dans la matinée, Sibeth Ndiaye porte-parole du gouvernement a assuré le minimum syndical affirmant simplement que le ministre de la Transition écologique conservait « bien évidemment la confiance » du président Emmanuel Macron et du Premier ministre Edouard Philippe.

Plus tard dans l’après-midi, Mediapart sortait une nouvelle enquête en guise de double lame. On y apprend que la directrice de cabinet de de Rugy, la préfète Nicole Klein, « occupe » un logement HLM depuis 2001 à Paris, mais qu’elle a « conservé ce logement, de 2006 à 2018, alors qu’elle n’habitait plus la capitale ». Or, pour avoir à disposition un HLM, il faut que celui-ci soit la résidence principale du locataire. Une nouvelle affaire, qui n’implique certes pas une ministre mais qui est une épine dans le pied supplémentaire de l’exécutif.

Se servir dans les deniers publics ? Fillon pour les emplois fictifs et Macron pour préparer sa campagne l’ont fait avant lui !

Alors que Macron avait fait le pari pendant la présidentielle d’être l’homme qui représenterait « le nouveau monde », les casseroles et autres affaires se sont accumulées depuis en Macronie. De Muriel Pénicaud, en passant par Gérald Darmanin, Richard Ferrand, Françoise Nyssen ou Alexis Kohler, sans évoquer l’affaire Benalla. Mais toute l’histoire de la Vème République a été jalonnée d’élus qui s’en sont mis plein les poches avec les deniers du contribuable. La dernière histoire en date remonte à François Fillon alors grand favori à la présidence de la République, concernant le Penelopegate et les emplois fictifs familiaux.

Mais le jeune candidat Macron, à l’ascension fulgurante, n’est pas arrivé là par hasard. En 2016, alors qu’il était encore en poste en tant que ministre de l’économie, ce dernier a organisé parfois deux dîners par soir avec des personnalités de la culture, des médias, de la politique, des milieux d’affaires afin de préparer et organiser sa campagne. Pour réseauter, « faire du relationnel » comme dirait Séverine de Rugy. Selon le site Atlantico, en l’espace de huit mois, « Emmanuel Macron a utilisé à lui seul 80 % de l’enveloppe annuelle des frais de représentation accordée à son ministère par le Budget. Il a ensuite démissionné de son poste de ministre. La suite on la connait : alors que Fillon est évincé pour l’affaire des emplois fictifs, Macron finit par être élu sur fond d’abstention record.

Mais, depuis, les coordonnées politiques ont changé. Comme l’écrivait Juan Chingo en septembre 2018, suite notamment à l’affaire Benalla, il y a eu un « saut dans la crise organique » provoquant « l’ouverture d’une situation transitoire. » Dans cet article intitulé La fin abrupte de l’illusion macronienne, le membre du comité de rédaction de Révolution Permanente étaye : « La crise du macronisme rouvre à un niveau supérieur la crise organique du capitalisme français qu’Antonio Gramsci définit, dans l’un de ses aspects, comme la « séparation entre dirigeants et dirigés ». Macron semblait pouvoir résoudre cette brèche, à un moment donné. La période actuelle se caractérise, plus encore qu’avant, par un moment de scission, plus dangereux encore pour la bourgeoisie. Comme le constate, avec gravité, Françoise Fressoz, toujours dans Le Monde, « le résultat c’est qu’entre le haut et le bas la circulation est bloquée avec tous les risques de thrombose que cela comporte et sans que l’on voie se dessiner de véritables remèdes. ».

Suite à cela, le mouvement des gilets jaunes, emprunt de combativité et de radicalité a surgi confirmant la possibilité de « développement de processus aigus de luttes de classe et de radicalisation politique » à court terme. Alors que l’exécutif a peiné à se remettre d’aplomb suite à ces semaines de secousses qui, en décembre, ont même fait vaciller le trône, l’affaire de Rugy montre que le pouvoir est loin d’être tout puissant. Un pouvoir qui vient d’affronter un mouvement sans précédent de rétention des notes du bac lors de la grève des profs contre les réformes Blanquer, pensait passer l’été plus sereinement. L’affaire est mal embarquée.

Comme l’évoque auprès de Mediapart un parlementaire de la majorité :« S’il est avéré que ces dîners ont un caractère privé, c’est dramatique. Après les gilets jaunes, c’est le pire truc qui pouvait nous arriver. Les images sont terribles, on a l’impression que c’est le retour de la monarchie, du roi et des agapes »

Face à la caste politicienne et ses privilèges : un mandat révocable et un salaire équivalent à celui d’un ouvrier qualifié !

En 1871, lors de la Commune de Paris, quelques jours avant l’élection, le comité central de la Garde Nationale définit les conditions pour un bon fonctionnement démocratique de la Commune. « Les membres de l’assemblée municipale, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par l’opinion, sont révocables, comptables et responsables. » Le 25 mars 1871, veille des élections, il prodigue ses derniers conseils aux électeurs parisiens : « Ne perdez pas de vue que les hommes qui vous serviront le mieux sont ceux que vous choisissez parmi vous, vivant de votre propre vie, souffrant des mêmes maux. Défiez-vous autant des ambitieux que des parvenus ; les uns comme les autres ne consultent que leur propre intérêt et finissent toujours par se considérer comme « indispensables » (...) « Nous sommes convaincus que, si vous tenez compte de ces observations, vous aurez enfin inauguré la véritable représentation populaire, vous aurez trouvé des mandataires qui ne se considéreront jamais comme vous maîtres. ».

François de Rugy alors président de l’Assemblée nationale touchait 14 500 € brut/mois auxquels il faut ajouter de nombreux avantages comme, par exemple, deux chauffeurs. De manière générale, les élus ont des salaires qui dépassent largement le salaire d’un ouvrier ou d’un instituteur. Pour éviter que ces derniers s’accrochent à tout prix à leur poste pour faire des carrières de politiciens tout en étant éloignés des préoccupations de ceux qu’ils sont censés représenter, s’ils touchaient le salaire d’un ouvrier qualifié ceux-ci seraient peut-être un peu moins présents pour l’argent, et un peu plus pour représenter les travailleurs, les femmes, les jeunes et les précaires. Dans le même temps, s’ils étaient révoqués après la moindre entorse à leur promesse, ou suite à une première affaire, la caste politicienne ne serait plus une caste, mais occupée par des élus qui veulent avant tout porter une politique offensive pour défendre une majorité et non une minorité.

Lors du mouvement des gilets jaunes, un mouvement social éminemment politique, de nombreuses revendications démocratiques sont apparues « par en bas », du côté des « représentés ». Parmi elles, se trouvait en bonne place la fin du privilège pour les élus.

Il est temps de réaffirmer ces exigences démocratiques élémentaires.
A bas la caste politicienne ! Fin de ses privilèges ! Salaire d’un ouvrier qualifié et mandat révocable pour tous les élus !

 
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