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11 de juillet de 2019 Twitter Faceboock

Impérialisme
Libye : les missiles « appartiennent » à la France. Mais quel rôle dans cette guerre ?
Inès Rossi

Après des révélations du New York Times, Paris reconnaît finalement que les missiles américains retrouvés en juin à Gharian aux mains des forces rebelles de Khalifa Haftar appartiennent bien à la France, et ce malgré l’embargo sur les armes en vigueur dans le pays depuis 2011.

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Crédit © AFP Mahmud Hams

Mercredi 10 juillet, le ministère des armées a admis que les quatre missiles Javelin découverts en juin à Gharian, à 80 kilomètres au sud de Tripoli, avaient bel et bien été achetés par la France aux Etats-Unis. Ces armes antichars avaient été retrouvées suite à la perte de la ville par le maréchal Haftar Khalifa, dirigeant de l’Armée nationale libyenne et dirigeant de l’Est du pays, qui comptait en faire un bastion d’où lancer sa campagne pour conquérir Tripoli.

Le New York Times met la France dans l’embarras

L’affaire a été révélée par le New York Times, qui tient ses informations d’une enquête du Pentagone qui après avoir consulté les numéros de série des armes, a affirmé qu’ils correspondaient à des armes vendues à la France en 2010, soit avant la chute de Kadhafi. Mais que faisaient ces armes françaises en possession des forces rebelles libyennes en 2019 ? Si la France affiche une position ambigüe envers l’Armée nationale libyenne, elle apporte un soutien officiel au gouvernement d’union nationale dirigé par Fayez al-Sarraj, tout comme les Nations unies. La France a-t-elle alors violé l’embargo, en plus d’apporter un soutien militaire direct aux forces adverses à celles qu’elle soutient officiellement ?

Selon le ministère des armées, ces missiles étaient destinées à “l’autoprotection d’une unité militaire française déployée pour mener des opérations de lutte contre le terrorisme” ; quand on connaît le nombre de guerres impérialistes menées par la France au nom de la lutte anti-terroriste, cette déclaration est loin d’être rassurante. Il se défend également d’avoir enfreint l’embargo sur les armes : “Détenues par nos forces pour leur propre sécurité, ces armes n’étaient pas concernées par les restrictions d’importation en Libye. Il n’a jamais été question de vendre, ni de céder ni de prêter ces munitions à quiconque en Libye.” Le ministère ajoute également que ces armes étaient “endommagées” et destinées à être détruites.

Mais ce communiqué ne répond en rien aux questions centrales posées par la présence de ces armes en territoire libyen. Si les missiles étaient destinés à des militaires français, comme l’affirme le ministère, comment se sont-elles retrouvées entre les mains des forces rebelles ? Paris en aurait-il perdu la trace ? Si oui, depuis quand ? Et, pour quatre missiles découverts, combien d’autres armes françaises sont utilisées en Libye ? En clair, à quel point la France est-elle engagée dans cette guerre qui a coûté la vie à des milliers de civils ?

La guerre, un marché juteux en Libye

Depuis quelques mois, les livraisons d’armes vers la Libye se multiplient, et ce malgré l’embargo. Le conflit opposant les partisans de Khalifa Haftar, qui dominent l’Est du pays, et ceux de Fayez al-Sarraj, qui dirigent l’Ouest, va crescendo.

La guerre civile dure depuis 2014 : chargé d’organiser la période post-Kadhafi et de doter le pays d’une nouvelle constitution, le Congrès Général National organise de nouvelles élections afin de former une Chambre des représentants. Des membres non réélus décident alors de maintenir leur autorité sur Tripoli, la nouvelle assemblée élue avec un faible taux d’abstention s’installe donc à Tobrouk, à l’Est du pays.

Depuis, les forces de l’Est, menées par le maréchal Haftar Khalifa ont conquis une grande part du territoire libyen, les principaux terminaux gaziers et pétroliers, et ont vaincu la coalition djihadiste basé à Benghazi, sans pour autant parvenir à atteindre Tripoli. Le gouvernement d’Union nationale dirigé par Fayez-al-Sarraj à Tripoli peut compter sur les milices armées de la région pour se protéger.

Ce conflit mobilise des soutiens internationaux et fait peser la menace d’une guerre par procuration entre les puissances engagées dans la région. Les deux assemblées ont en effet toutes deux leurs alliés respectifs : le gouvernement de Fayez al-Sarraj est reconnu par l’ONU et soutenu par la Turquie, le Qatar et l’Union Européenne. Le gouvernement de Tobrouk est quant à lui soutenu par l’Égypte, les Émirats Arabes Unis, la Russie et l’Arabie saoudite.

La France, déjà impliquée au Sahel, au Sud de la Libye, au travers de l’opération “Barkhane”, soutient également officiellement le gouvernement d’union nationale de Fayez-al-Sarraj. Mais dans cette crise libyenne au goût de pétrole, l’État français “offre” son aide militaire aux deux parties au nom de la lutte contre le terrorisme. Mais les révélations du New York Times suggèrent que cette aide va bien au-delà.

La semaine dernière, des dizaines de migrants sont morts dans un bombardement qui a touché un centre de détention près de la capitale. Aujourd’hui, après de telles révélations, on est en droit de se demander à quel point la France est complice, voire responsable de ces crimes de guerre...

 
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