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La Izquierda Diario
15 de juillet de 2019 Twitter Faceboock

Feu de tout bois pour renforcer le racisme
La CAN, l’Algérie et la criminalisation de la joie des opprimés
Philippe Alcoy

Les victoires de l’équipe algérienne dans la CAN 2019 ont été un bon prétexte pour un déchaînement raciste sur les réseaux sociaux et les médias.

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Les célébrations des victoires de l’équipe algérienne de football dans la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) pourraient rester cantonnées à une simple anecdote de la vie sociale et sportive. Mais en France, où les liens historiques, politiques et économiques avec l’Algérie sont immenses, rien de tel ne passe inaperçu. Non seulement ces évènements sont l’occasion pour rappeler le grand nombre d’algériens et algériennes habitant dans l’hexagone ; elles deviennent également l’occasion pour que des racistes exposent leurs préjugés et leur haine xénophobe, particulièrement anti-algérienne.

Car si les préjugés et le venin raciste et xénophobe répandu par des courants tels que le Rassemblement National et des groupuscules identitaires visent les étrangers en général, la haine contre les Algériens est encore plus forte. Elle trouve en effet sa source dans la résistance que ce peuple a livrée contre le colonialisme français et surtout dans la défaite imposée à l’impérialisme français lors de la guerre de libération nationale de 1954 à 1962. Ainsi, le drapeau algérien et tout symbole national algérien est devenu l’équivalent d’une « provocation » à leurs yeux. Les propos de Stéphane Ravier du RN sur BFM, qui voudrait interdire le drapeau algérien dans les villes, le confirment.

Cependant, il serait faux d’affirmer que seul le RN et les identitaires répandent ces idées. En effet, la large majorité des médias contribuent à véhiculer, avec un langage plus détourné et hypocrite, ces préjugés. La « fake News » sur le supposé « supporter algérien » qui a fauché une famille, tuant une femme et en blessant d’autres, à Montpellier en marge des célébrations de la victoire de l’équipe algérienne en est une preuve supplémentaire. Un évènement tragique qui n’avait strictement rien à voir avec les célébrations de la victoire de l’équipe algérienne.

Aux médias il faut rajouter des politiciens des partis dits « du centre » et les dirigeants d’Etat qui joignent leur voix à ce chœur néfaste. Différentes déclarations et mesures de « sécurité » visant à réprimer la fête participent à créer l’impression d’une ambiance « anarchique » échappant à tout contrôle. Ainsi, ce 14 juillet on annonçait 282 interpellations lors des célébrations pour la victoire de l’Algérie contre le Nigeria. Or, dans ce nombre énorme d’arrestations on incluait celles qui ont eu lieu pour réprimer les manifestants contre Macron durant les commémorations de la Fête Nationale.

En effet, l’objectif final n’est autre que de criminaliser toute expression de joie, de fierté mais aussi culturelle et politique des opprimés. Alors, inévitablement, des milliers de personnes fêtant la victoire de l’équipe nationale algérienne, drapeau à la main, envahissant les rues des grandes villes françaises, ne pouvaient être accompagnées que d’un lot de déclarations et d’actions politiques visant à dénigrer cette fête ; il suffisait que quelques incidents minoritaires aient lieu pour que toute une communauté soit tâchée de « violente », « d’inadaptée », de potentiels délinquants. C’est exactement le même procédé utilisé quand on prend l’exemple d’organisations islamistes réactionnaires pour criminaliser l’ensemble des musulmans, les présenter directement ou indirectement comme de « potentiels terroristes ».

Une fois des images de vitrines cassées, de tirs de gaz lacrymogènes et les quelques incidents passées en boucle à la télé toute la journée, le terrain est déblayé pour que les moins « politiquement corrects » déversent ouvertement leur racisme, incitant d’autres, débarrassés de tout complexe, à faire de même. On feindra ensuite de s’étonner du grand nombre d’Algériens en France (et d’étrangers en général, en profitant pour dénoncer un soi-disant « laxisme des politiques migratoires »), comme si c’était une surprise que les richesses de ce pays et la beauté des quartiers chics des grandes villes était en grande partie le fruit du travail de millions de travailleurs étrangers (ou de leurs enfants nés ici), notamment venus des ex-colonies françaises.

Mais cette logique de criminalisation et de dénigrement des expressions de joie des opprimés ne se limite pas aux Algériens et aux étrangers. Elle s’abat aussi sur les travailleurs et les classes populaires françaises. Rappelons que lors des commémorations de la victoire de l’équipe de France à la finale de la Coupe du Monde 2018, les Champs Élysées ont également connu des incidents et surtout de la répression de la part de la police. Là aussi, la presse n’a pas hésité à criminaliser les supporters des Bleus, principalement ceux descendus des quartiers populaires qui composaient majoritairement le cortège qui s’était rendu sur la célèbre avenue.

Si d’une part cela montre que ce n’est pas seulement lors des célébrations des Algériens en France « qu’il y a des problèmes », d’autre part cela montre aussi que les classes dominantes criminalisent toute expression de joie mais aussi toute expression politique collective des classes populaires. L’hostilité de la part des médias à l’égard du mouvement des Gilets Jaunes l’a très bien démontré ces derniers mois.
Dans le cas précis de l’Algérie, la criminalisation de l’expression de la liesse collective cherche à diviser les travailleurs et les classes populaires. D’une part il y aurait les « inadaptés » algériens et de l’autre les Français. Or, ces préjugés racistes et xénophobes ne font que renforcer la domination des exploiteurs sur l’ensemble de la classe ouvrière et non seulement sur sa partie étrangère. Le racisme, en même temps qu’il redouble l’oppression des travailleurs étrangers, est une arme des capitalistes contre toute la classe ouvrière, y compris les travailleurs français.

Ce que les capitalistes français craignent c’est que les travailleurs français unissent leurs forces dans les rues, dans les usines, lors des grèves et des mouvements sociaux avec leurs frères et sœurs étrangers ; ils veulent présenter les travailleurs algériens comme des « délinquants » car ils veulent occulter les luttes héroïques du peuple algérien, comme celle qu’il mène actuellement contre le régime du FLN qui a confisqué les acquis de la révolution d’indépendance ; ils veulent empêcher que les travailleurs et la jeunesse française joignent leurs forces à celles des sans-papiers qui courageusement se battent aujourd’hui pour leur régularisation avec des actions comme celle de l’occupation du Panthéon ce week-end qui a été durement réprimée.
En ce sens, la criminalisation, le dénigrement, la répression des célébrations des algériens en France n’est pas une affaire banale de « maintien de l’ordre ». Il s’agit d’une affaire hautement politique pour maintenir et renforcer les divisions parmi les travailleurs et les classes populaires.

 
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