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La Izquierda Diario
25 de juillet de 2019 Twitter Faceboock

CHEMINOTS, USAGERS, MÊME COMBAT POUR LE SERVICE PUBLIC – PARTIE 10
La réforme du ferroviaire : une opération immobilière qui ne dit pas son nom
Correspondant.e.s cheminot.e.s

Les raisons politiques de cette réforme du ferroviaire sont légion, nous l’avons vu tout au long des articles de cette série. Mais il y a une raison cachée, assez peu développée et moins connue du grand public qu’il conviendrait de mettre un peu plus sous le feu des projecteurs. En effet, au-delà de la volonté idéologique de privatisation, de l’envie farouche de briser la solidarité et la résistance ouvrière cheminote, le gouvernement Macron mène en sous-main, une juteuse opération immobilière pour les investisseurs privés.

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La réforme ferroviaire, un coup de billard à 3 bandes

Oui, bien sûr, l’Europe et sa cohorte de lois ultra-libérales suscitées par une activité intense des lobbys de toutes sortes, avait bien préparé le terrain de la privatisation du rail, même si, bien entendu, la France aurait pu solliciter une exception pour son réseau ferré qui est tout de même un des meilleurs au monde. Mais cette privatisation arrangeait trop les affaires de la classe dirigeante et ce pour plusieurs raisons.

Il convenait, dans un premier temps de briser ce bastion de la résistance syndicale et ouvrière que représente la SNCF. Et cela fait bien trente ans que le pouvoir se cassait les dents dessus, car le ferroviaire est un milieu fermé, avec des métiers spécifiques uniquement obtenus par la formation interne, et une hiérarchie issue uniquement de la promotion interne également, ce qui a perduré pendant des décennies, puisqu’il vaut mieux connaitre le métier quand on dirige une équipe ou un secteur. Cette configuration était un frein important à « l’évolution » libérale du secteur.

Bien sûr, l’idéologie libérale est profondément anti-service public, puisque par nature, ce dernier n’ayant pas vocation à faire du profit, est forcément une anomalie. Il était donc urgent, pour un chantre du capitalisme comme Macron, de remettre les choses dans l’ordre naturel et que les lignes rentables fassent un profit qui ne soit pas utilisé pour financer des lignes non rentables, mais aille dans la poche des premiers de cordée, qui ne manqueront pas de se positionner sur les lignes qui rapportent.

La 3ème bande, l’opération immobilière

Mais, évidemment, le bénéfice escompté ne s’arrête pas là. Gardons à l’esprit que la SNCF a longtemps été le premier propriétaire foncier de France (devant l’armée), par les surfaces des voies de circulation bien sûr, mais aussi par les bâtiments, terrains industriels et appartements cheminots, cédés petit à petit aux bailleurs privés depuis 30 ans à la demande des gouvernements.

La SNCF a abandonné cette richesse foncière et se retrouve aujourd’hui dans l’obligation de louer régulièrement des surfaces pour des réunions, forums et autres, notamment parce qu’elle loue ces surfaces.

Mais certaines surfaces sont encore d’un intérêt majeur en termes de profit et la loi de réforme du ferroviaire contenait une petite douceur pour les amis du Président à ce sujet : l’indépendance décisionnelle, organisationnelle et financière de « Gares et Connexions » (G&C). G&C a été créée pour gérer les bâtiments et a d’abord été une entité interne à l’entreprise, puis il a été question de filialiser, et finalement, le choix retenu est de créer une Société Anonyme (SA). Au 1er janvier 2020, 5 SA seront créées : la direction nationale, Fret, Mobilités, Réseau et G&C. Et c’est chez G&C que se cache le pognon !

Le fruit d’une intense cogitation pour récupérer le magot !

Il fallait donc déjà définir un type de structure capable de gérer au mieux (financièrement parlant) ce juteux patrimoine. Et, à la manière de RFF (entité propriétaire du réseau, créée en 1997) qui possède les voies et fait payer un « péage » à la SNCF et toute entreprise qui veut faire circuler des trains, la SNCF a créé l’entité G&C propriétaire des bâtiments et responsable du fonctionnement des installations (ascenseurs, escaliers roulants principalement) et à laquelle SNCF Mobilités paye un loyer pour occuper les gares.

Puis, des essais ont été menés et le plus connu est la gare Saint-Lazare. La transformation de cette grande gare parisienne (2ème gare d’Europe avec 500 000 voyageurs/jour) en centre commercial est une telle réussite que les loyers des commerces ont été réévalués à la hausse au bout d’un an seulement et que depuis, l’entreprise rogne en permanence sur les surfaces allouées à SNCF Mobilités, préférant des locataires qui rapportent plus, des commerces. Un centre commercial ultra juteux qui, de surcroît profitait déjà plus aux entreprises privées qu’à G&C puisque l’opération s’était faite avec un Partenariat Public Privé qui cédait pour 40 ans la gestion du centre à un consortium Spie Batignolles-Klépierre.

L’exemple de Saint-Lazare est éloquent, avec la réduction sur plusieurs années consécutives de l’espace accueil pour les voyageurs vers la Normandie, réduit aujourd’hui à quelques maigres m2, au profit d’un commerce. L’expérience ayant été gagnante au-delà des espérances la plus folles (puisque G&C a engrangé 285 millions de bénéfices en 2017) elle a bien sûr été systématisée, et pendant la bataille du rail même, en juin 2018, G&C créait la SEMOP (société d’économie mixte à opération particulière) devenue « StatioNord » dans la foulée.

Des montages financiers qui ne pénaliseront pas les investisseurs privés…

Une société d’économie mixte (SEM) est un montage financier dans lequel des capitaux publics et privés sont utilisés dans un projet commun. En général, le privé finance le projet d’un organisme public et n’a pas à le regretter en matière de retour sur investissement… StatioNord finance la création de 40 000 m2 de surface commerciale dans la plus grande gare d’Europe, avec 600 000 voyageurs/jour, qui devrait atteindre 800 000 en 2024.

C’est donc un fleuve de cash qui va se déverser sur StatioNord, composé de G&C et CEETRUS (la partie privée avec AUCHAN). Et cela ne s’arrête pas là puisque G&C a effectué un montage équivalent à la gare Montparnasse avec Altarea Cogedim (« développeur immobilier des territoires »). Dans la logique, toutes les gares, même les plus petites, sont concernées.

Des investissements qui vont rapporter, mais évidemment pas pour le service public

Actuellement, les gares de moindre importance, souvent classées aux monuments historiques, font l’objet d’une cure de rajeunissement. Si le bâtiment extérieur, classé, est conservé, l’intérieur, lui, est dédié aux marchands du temple et aux profits. On ne compte plus les exemples où l’ancienne gare a été louée à une chaîne de supermarché quelconque pendant qu’un nouveau bâtiment était construit pour SNCF Mobilités. On peut facilement estimer sans se tromper que le bénéfice annuel de tous ces espaces commerciaux en gare dépassera rapidement le milliard d’euros annuel, et même plus…

Mais ces bénéfices iront-ils rembourser la dette du ferroviaire, ou seront-ils au moins investis dans le transport ferroviaire, renouvellement de matériel ou maintien des petites lignes ??? Peu de chances puisqu’à l’occasion des SEM, la plus grande partie sera captée par le privé et que G&C jouit de « l’indépendance organisationnelle et financière »… Non, ne comptons pas sur cet argent pour rembourser la dette du ferroviaire qui sera prise en charge, avait annoncé ce gouvernement responsable en juin 2018, par la vente d’ADP et de la FDJ…

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Crédits photos : SNCF Gares & Connexion/Ceetrus/Valode et Pistre

 
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