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La Izquierda Diario
7 de août de 2019 Twitter Faceboock

« Une femme qui est l’amie de ton esprit »
Toni Morrison, figure de la littérature américaine et militante anti-raciste, est décédée
Christa Wolfe

Toni Morrison est décédée le 6 août. Figure incontournable de la littérature contemporaine américaine, elle a radicalement interrogé le racisme aux États-Unis.

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Une femme majestueuse et une plume vive, Toni Morrison est décédée ce 6 août. Première femme africaine-américaine à recevoir le prix Nobel de Littérature en 1993, figure incontournable de la littérature contemporaine américaine, elle est aussi celle qui a le plus radicalement interrogé le racisme aux États-Unis et l’imaginaire raciste sur lequel les Américains ont construit leur société.

Toni Morrison a inlassablement raconté le crime originel de la société américaine, l’esclavagisme, et inlassablement dénoncé comment, en profondeur, la mentalité américaine en est restée imprégnée jusque dans sa perception et son imaginaire. Dans Beloved (1987), le roman par lequel elle commence à être connue en France, elle fait le portrait d’une famille brisée par l’esclavage et l’impossibilité d’en sortir vivant. Dans ses portraits de mère, de fille, de femmes – dans Paradis (1994) – ou dans le récit d’un passé de violences qui dure et s’impose au présent, comme dans Jazz (1992), Toni Morrison n’a jamais cessé de dénoncer la fausse bonne-conscience américaine que l’inconscient raciste continue de hanter. Une question qu’à peine ouverte, les Américains ont rapidement refermée, niant aux descendants des esclaves et aux Africains-Américains toute possibilité de témoigner et de se réapproprier leur propre histoire.

Elle a donc joué ce rôle de passeuse de mémoire, construisant le récit des Africains-Américains depuis l’esclavage jusqu’aujourd’hui, montrant que les structures de domination, d’oppression, l’appareil administratif – avec la catégorie de « race » – sont les figures continuées de cette déshumanisation des Noirs sur laquelle la société américaine a fondé sa propre origine.

À ses propres thèmes, elle a tissé les thèmes contemporains et les figures nouvelles du racisme : l’exil notamment, avec une série de conférences données au Louvre en 2006, intitulée L’étranger chez soi. En construisant ainsi l’humanité des opprimé.e.s, des exilé.e.s et des racisé.e.s, elle ajoute à la connaissance des structures de domination, l’analyse de l’imaginaire qui les habite et la possibilité de s’y confronter et de s’y opposer. Délivrances, sorti en 2015, indique bien l’horizon que Toni Morrison a donné à son œuvre : l’émancipation par la connaissance, par le souvenir, la construction d’un Sujet collectif conscient de son propre passé et armé dans cette lutte pour l’avenir.

En 2018, elle exprimait le souhait de survivre au mandat de Trump. Malheureusement, ce souhait n’a pas été exaucé. Les États-Unis gardent leur grotesque bouffon réactionnaire, tandis qu’ils perdent une majestueuse écrivaine africaine-américaine. C’est que laissée à elle-même, l’histoire n’est ni juste ni raisonnable, elle est tout au contraire violente et cynique : il va donc falloir l’aider un peu. Toni Morrison a ouvert cette voie.

 
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