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La Izquierda Diario
12 de août de 2019 Twitter Faceboock

L’IVG toujours à défendre
Argentine : des médecins menacés de prison pour avoir opéré Lucia, 11 ans, victime de viol et enceinte
Claude Manor

Lucia, enceinte à 11 ans à la suite de viols de l’ami de sa grand-mère a voulu recourir à l’IVG, autorisée dans des cas très rares en Argentine. Après s’être heurtée à tous les obstacles posés par les pouvoirs réactionnaires administratifs, médicaux et religieux, elle a eu recours à deux médecins qui, devant sa détresse, ont accepté de l’opérer. Ils sont accusés aujourd’hui d’homicide aggravé et risquent la prison.

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Les réactionnaires manipulent le pouvoir de vie et de mort

Lucia est originaire d’un village reculé d’Argentine. Après avoir été plusieurs fois violée par l’ami de sa grand-mère, elle découvre tardivement qu’elle est enceinte. Elle s’en ouvre à sa mère et dépose plainte pour viol auprès de la police le 11 février. Tout ce qu’elle demande, comme le rapporte le monde, c’est qu’on lui « enlève ce que le vieux lui a mis dedans ».

La fillette est perturbée au point de s’infliger des blessures à elle-même et de penser au suicide. Constatant son état, le psychologue de l’hôpital Eva Peron à San Miguel de Tucuman ordonne son hospitalisation.

Mais la région de Tucuman se caractérise par une forte emprise de la religion catholique qui demeure très puissante et trouve sa place dans un réseau étroit de notables. Face à la dramatique et légitime demande de Lucia, les forces de la réaction n’ont pas manqué de s’interposer.

C’est alors un parcours terrible que cette fillette doit accomplir. Tout d’abord, convaincre sa mère qui, d’abord hésitante, finit par accepter. Mais, alors qu’au moment de son hospitalisation, la grossesse est déjà avancée, quatre semaines s’écoulent durant lesquelles elle subit les pressions du curé de l’hôpital et du secrétaire médical du système provincial de santé. Ils tentent de la persuader de « tenir pendant 7 mois. » La pression est d’ailleurs renforcée par la procureure chargée des homicides qui envoie un recours à l’hôpital lui intimant l’ordre de préserver « l’enfant ».

Une manœuvre dilatoire insupportable pour la mère dont on cherche à ébranler la décision en lui racontant que sa fille risque d’avoir l’utérus arraché lors de l’intervention. Quatre semaines de risques supplémentaires et d’attente insupportable pour Lucia qui pleure sans arrêt et ne parle que de se jeter par la fenêtre.

C’est donc de torture et d’homicide par intention que se rendent coupables le curé, le secrétaire de santé, la procureure et tous ceux qui les soutiennent ouvertement ou en silence. Et pourtant, aujourd’hui, ceux qui sont accusés d’homicide aggravé et encourent la prison, ce sont les médecins qui ont pris le risque de l’opérer.

Un réflexe de défense salvateur : « Contactez les foulards verts »

Tandis qu’elle touchait le fond, après plusieurs semaines de cette attente atroce face à un mur, Lucia a eu le réflexe de souffler à sa tante « contactez les foulards verts, suggérant ainsi d’aller chercher du secours auprès des associations féministes qui se battent depuis des années pour le droit à l’avortement et dont le foulard vert est devenu emblématique.

La tante de Lucia se saisit de cette planche de salut. Elle contacte par l’intermédiaire de facebook l’organisation Ni una menos (pas une de moins) qui lutte contre les violences faites aux femmes. La juge aux affaires familiales est saisie et donne 72 heures à l’établissement pour réaliser l’avortement. Mais c’est la panique car aucun des médecins de l’hôpital ne veut prendre le risque. Finalement c’est une gynécologue catholique, mais pro-avortement, qui l’opère avec l’accompagnement d’un anesthésiste bienveillant. Le médecin psychologue est à ses côtés, le curé de l’hôpital est repoussé.

L’intervention a duré moins de 20 minutes. Lucia est saine et sauve, le bébé est vivant. Les médecins sont attendus à la sortie du bloc par deux agents du parquet. Ils sont interrogés. Mais comme le bébé est vivant, ils ne sont pas inquiétés immédiatement. Il meurt 10 jours après et les médecins sont inculpés le samedi 10 août, d’homicide aggravé.

Dans le contexte politique que viennent d’ouvrir les élections en Argentine, et en regardant les programmes portés par les divers courants politiques, on peut d’ores et déjà savoir que la bataille menée pour le cas de Lucia sera à poursuivre. Car la seule force politique présente au Parlement actuel qui défende le droit à l’avortement durant la campagne électorale a été celle de Nicolas Del Cano, le Front de gauche et des travailleurs - Unidad, (FIT-U, regroupement d’extrême-gauche), tandis que le camp de Kirchner, pour satisfaire certains des secteurs les plus réactionnaires du Péronisme avait honteusement refusé d’intégrer cette revendication légitime et portée par des millions de femmes en Argentine à son programme.

C’est avec force que les militants du FIT-U ont scandé face au parlement, « Avortement légal à l’hôpital ». C’est avec conviction que Celeste Fierro du MST (une des composantes du FIT - Unidad) a déclaré : « il y a un an, nous étions là dans le froid à nous battre contre les dinosaures et les secteurs réactionnaires qui continuent à nous refuser le droit à l’IVG. Mais cela nous a renforcés et nous ne mélangeons pas nos foulards verts à ceux qui luttent contre notre droit le plus élémentaire à l’avortement. Nous sommes féministes et socialistes, et nous allons continuer à nous battre contre le capitalisme et le patriarcat ».

Une lutte qui concerne des millions de femmes dans le monde

Quel que soit l’état d’avancement des législations concernant l’avortement dans les différents pays du monde, et quelles qu’aient pu être les conquêtes légales des femmes dans certains pays, c’est un droit qui est sans cesse à conquérir ou à préserver car les forces réactionnaires, notamment religieuses, n’ont de cesse de le reprendre ou de l’empêcher.

Les combats sont constants et de haute lutte, comme on a pu le voir récemment en Irlande, en Pologne, ou même aux Etats Unis où ce droit est menacé. Même en France, le nombre de centres d’IVG ne cesse de décroître. Aujourd’hui, cet acte est toujours totalement illégal dans dix-huit pays : le Salvador, le Nicaragua, le Surinam, Haïti, la République dominicaine, les Philippines, les îles Palaos, le Sénégal, la Guinée-Bissau, le Gabon, le Congo, Madagascar, Djibouti, la Mauritanie, Malte, Andorre, le Vatican et Saint-Marin. Il existe des millions de Lucia dans le monde, il leur faut des millions de foulards verts pour arracher ce droit élémentaire.

 
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