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13 de août de 2019 Twitter Faceboock

International
Crise politique en Italie : vers des élections anticipées ?
Jules Fevre

Cherchant à profiter de sa popularité pour convoquer des élections anticipées, Salvini a annoncé la semaine dernière la fin du soutien de la Ligue au gouvernement. Pourtant, les élections désirées ne sont pas encore assurées au ministre de l’intérieur, et des forces politiques entendent lui opposer un "front républicain".

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Vers des élections anticipées ?

Jeudi 8 août, le Ministre de l’intérieur, secrétaire du parti d’extrême droite La Ligue, faisait voler en éclats la coalition populiste avec le Mouvement 5 étoiles, dirigé par Luigi Di Maio, vice-président du Conseil des ministres avec Matteo Salvini : « Allons tout de suite au Parlement pour prendre acte qu’il n’y a plus de majorité [...] Il est inutile de continuer avec des ’non’ et des disputes, comme ces dernières semaines ».

Cette décision intervient alors que le ministre de l’Intérieur italien est porté par des sondages favorables, avoisinant la barre des 40%, un seuil pouvant lui permettre de gouverner seul. Ainsi, dès le 9 août, il déposait une motion de censure pour faire tomber le gouvernement et provoquer de nouvelles élections anticipées. Très prochainement, le Sénat tranchera la date de vote de la motion, entre la possibilité d’un examen immédiat et celle du 20 août, date susceptible de permettre à l’opposition de s’organiser : « En coulisse, des élus du M5S et de l’opposition s’activeraient pour éviter un retour aux urnes dès l’automne » relève une journaliste de La Croix.

Si la motion est votée, le Président de la République Sergio Mattarella devra demander aux forces politiques de former un nouveau gouvernement. En l’absence de proposition politique capable d’obtenir une majorité, le Président se verrait contraint à dissoudre le Parlement et à convoquer de nouvelles élections générales.

Une issue résiderait cependant dans la mise en place d’un « Front Républicain » avec un nouveau gouvernement Conte soutenu par le M5S et le PD de Matteo Renzi visant à empêcher Salvini de se renforcer par les élections. Matteo Renzi en a fait la proposition la semaine dernière en appelant à « un gouvernement institutionnel qui permettra aux Italiens (via le parlement) de voter la réduction (déjà prévue) du nombre de parlementaires, qui évitera la hausse de la TVA (automatique début 2020, si des mesures budgétaires ne sont pas adoptées avant, ndlr) et qui puisse gérer la tenue d’élections sans manipulations. » Une perspective qui reste cependant incertaine du côté du M5S.

L’échec de la stratégie du M5S

Ce coup de poker du ministre Italien met en exergue l’échec du mouvement populiste fondé par l’humoriste Beppe Grillo en 2009. Après avoir réalisé une percée électorale importante, le M5S arrivait, aux élections générales de 2018 - en deuxième position avec 32, 7% des voix, derrière la coalition de centre-droit menée par Matteo Salvini – le mouvement est aujourd’hui crédité de 17% des voix dans les sondages, sanction d’un bilan politique désastreux.

Devant une crise politique latente, Luigi Di Maio, qui se définissait volontier « anti-système », pourrait donc être contraint à envisager la possibilité d’une alliance avec l’ex-Président du Conseil des ministres et ex-secrétaire du Parti démocrate, Matteo Renzi. S’il avait initialement refusé cette main tendue, le dirigeant du M5S semble néanmoins laisser la porte entre-ouverte, comme le souligne Le Monde : « au cours du week-end, Beppe Grillo, fondateur du mouvement, a appelé à « sauver l’Italie des nouveaux barbares ». En conséquence, Di Maio s’est montré plus ambigu ». Salvini, quant à lui, travaille sur la formulation d’un « pacte électoral » avec Berlusconi, aujourd’hui député européen et Giorgia Meloni, cheffe du parti de droite dure « Frères d’Italie ».

Derrière le coup de poker, une volonté de dissimuler des contradictions économiques ?

Mais, par-delà les batailles électorales et leur lot d’intrigues, le coup de force de Matteo Salvini est à relier aux contradictions économiques de sa politique. En effet, l’Italie est tenue de présenter son budget à Bruxelles avant le 15 octobre. Or, si des élections anticipées étaient organisées, le délai minimum à respecter, entre 45 et 70 jours, impliquerait de les organiser au plus tôt en octobre. Par conséquent, un budget prévisionnel devrait probablement être adopté entre-temps, permettant ainsi à Salvini d’ « éluder la responsabilité de mesures budgétaires sévères, comme une hausse de la TVA de 23 milliards d’euros (26 milliards de dollars) qui entrera automatiquement en vigueur l’année prochaine si les trous dans le budget ne sont pas comblés » remarque Ryan Bridges de Geopolitical Futures.

Une manière pour Salvini de ne pas assumer directement les contradictions entre son discours et la nécessité de se plier aux pressions de Bruxelles et des marchés financiers, pressions qui ont été particulièrement fortes ces derniers mois. Pays le plus endetté de la zone euros après la Grèce, l’Italie compte à ce jour 5 millions de pauvres, un chômage de 9,7%, qui touche 28,1% des jeunes et des services publics en décrépitude : « depuis des années, les finances publiques italiennes affichent un solde primaire positif. Le montant des dépenses publiques – hors intérêts de la dette publique – est presque toujours inférieur aux impôts et taxes encaissés par l’Etat. Le but affiché de cette austérité permanente depuis le début des années 1990 est de contenir l’explosion de la dette publique italienne » dénonçait Christophe Bouillaud dans Atlantico.

En conclusion, si Salvini s’est lancé dans un coup de poker pour tenter de profiter d’une situation favorable et de sa popularité, la possibilité que le scénario qui lui serait favorable se réalise reste incertaine. Surtout, si Salvini parvenait au pouvoir, les ruses visant à dissimuler les concessions faites à Bruxelles ne sauraient durer longtemps. Assumant l’entière responsabilité du pouvoir, la popularité du « Capitaine » aux discours xénophobes et populistes pourrait vite s’éroder.

 
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