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La Izquierda Diario
15 de août de 2019 Twitter Faceboock

Crise écologique et impérialisme
Une crise de malaria sans précédent au Burundi
Tatiana Lima

La montée de la malaria a pris des proportions épidémiques et a déjà fait plus 1800 morts. Pourtant, les autorités burundaises ont refusé de déclarer une situation d’urgence nationale en vue des prochaines élections. En toile de fond, l’impérialisme français reprend discrètement ses relations militaires bilatérales avec le pays.

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La malaria, aussi appelée paludisme, est la première cause de mortalité au Burundi. La maladie est une pathologie parasitaire causée par le plasmodium et qui terrasse les pays les plus pauvres. Selon un rapport du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU, un Burundais sur deux souffrirait de paludisme, dont on dénombre depuis le début de l’année près de 6 millions de cas (sur un peu moins de 11 millions d’habitants) et 1801 décès signalés. Pays au relief vallonné et montagneux, le Burundi est normalement peu sensible aux épidémies de Malaria, les moustiques ne survivant pas à l’altitude. Seulement, cette année, de fortes pluies se sont abattus sur le pays, ce qui, en lien avec l’accroissement de la riziculture (dans un élan de modernisation de l’agriculture promu par le gouvernement au début du millénaire) et de l’irrigation plus abondante de certaines cultures a permis aux moustiques de proliférer. De même qu’une certaine augmentation des températures, désormais bien plus clémentes pour les moustiques. Le Burundi figure déjà parmi les pays les plus pauvres au monde (le Burundi fait partie des 43 pays dans le monde qui n’ont pas accès à la mer, créant une situation d’enclave commerciale et économique) et, son économie reposant particulièrement sur l’agriculture (vivrière et destinée à l’export), est particulièrement exposée aux aléas climatiques qui se font plus réguliers et plus brutaux avec le changement climatique. Le développement de maladies comme le paludisme sont aussi une des conséquences du changement climatique qui touchent en premier lieu, et le plus durement les pays semi-coloniaux.

L’état de sous-développement maintenu par l’impérialisme occidental vient encore aggraver les réponses qui peuvent être apportées face à l’épidémie. Les mesures préventives manquent, les ressources humaines, logistiques, financières également : les moustiquaires traitées ne sont pas distribuées en quantité suffisante, les places manquent cruellement dans les hôpitaux. Mais la volonté politique du Président de la République du Burundi, Pierre Nkurunziza, condamne aussi à la mort des centaines de personnes. En 2017, le gouvernement avait déjà déclaré une épidémie de paludisme alors que les statistiques explosaient, touchant 1,8 million de personnes et faisant 700 décès en à peine trois mois. Pourtant, il se garde de le faire maintenant alors que la maladie est en recrudescence depuis quelques années. Une décision lourde de conséquence puisqu’elle prive les populations du remboursement des soins qui est prévu dans le cas d’une reconnaissance officielle.

Nkurunziza, président depuis 2005, a plongé le pays dans une crise politique profonde depuis 2015 quand il s’est présenté à un troisième mandat, enterrant les accords d’Arusha, signés en 2000, qui avaient pour but de mettre un terme aux années de guerre civile ayant lieu en 1993 et 2008, en restaurant un système de partage de pouvoir et de quotas entre les ethnies Hutu et Tutsi. L’accord était clair sur le fait qu’aucun président ne pourrait rester au pouvoir pour plus de 10 années, pourtant Nkurukziza exerce aujourd’hui son troisième mandat, au terme d’élections frauduleuses et d’une réforme transformant le mandat présidentiel en septennat (ce qui lui permettrait éventuellement d’en briguer à nouveaux deux, bien qu’il ait pour l’instant exclu de se représenter à la tête du pays l’année prochaine). Reconnaître l’épidémie aujourd’hui, que le gouvernement tend à minimiser, serait un aveu de faiblesse qui pourrait réchauffer les braises de la contestation, alors que les élections devraient avoir lieu dans un peu moins d’un an.

Selon la Ligue Burundaise des Droits de l’Homme Iteka, il y a eu un total de « 1 710 meurtres, 486 cas de disparitions forcées, 558 victimes de torture et 8 561 arrestations arbitraires » entre avril 2015 et le 6 mai 2018. La montée de la violence depuis sa réélection continue de faire sombrer le pays, qui est dans une crise économique aggravée en raison du blocage politique et des sanctions économiques des Etats-Unis et de l’Union Européenne, alors que cette ancienne colonie belge a été rendue particulièrement dépendante des investissements et des crédits accordés par les puissances impérialistes : une charité bien intéressée puisqu’elle permet par divers mécanismes, dont l’arme de la dette extérieure, de mettre ce pays à genoux et de lui dicter sa conduite. Face aux pressions internationales et internes du pays, ce sont bien les travailleurs et paysans Burundais qui souffrent, asphyxiés par l’inflation, l’autoritarisme grandissant du pouvoir et la misère croissante qui affecte la santé, comme c’est le cas avec la catastrophe que représente le paludisme.

Malgré les sanctions de l’UE qui perdurent depuis presque 4 ans, la France a repris début 2019 sa coopération bilatérale militaire avec le Burundi (qu’elle avait pour le coup tardé à suspendre lors des protestations contre le pouvoir de Nkurunziza), ce qui pourrait aggraver la répression au Burundi (les puissances impérialistes se souciant toujours plus de la stabilité politique des régions qu’ils pillent plutôt que des droits humains) ainsi que servir de porte d’entrée à la France dans la région, après qu’elle ait été déclarée persona non grata pour son rôle dans le génocide Rwandais. Loin d’une aide aux Burundais, il s’agit d’un enjeu important pour l’impérialisme français qui cherche à consolider ses positions en Afrique face à la concurrence des Etats-Unis ou de la Chine. La Françafrique continue d’étouffer la population locale aux profits de ses intérêts diplomatiques et économiques.

Crédits photo : M. Hallahan/Sumitomo Chemical - Olyset Net

 
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