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La Izquierda Diario
26 de août de 2019 Twitter Faceboock

Quels sont les intérêts de Macron, Merkel et le G7 en Amazonie ?
André Augusto

La crise provoquée par la dévastation de l’Amazonie en raison de la soif prédatrice de Bolsonaro et des capitalistes de l’agrobusiness a atteint de nouvelles proportions. La question a désormais des répercussions mondiales, entraînant un affrontement plus direct entre le gouvernement d’extrême droite brésilien, et certaines puissances impérialistes, notamment la France.

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Traduit de La Izquierda Diario

Emmanuel Macron, président de l’une des plus anciennes nations colonialistes de la planète, cherche depuis quelques jours à tirer profit de la colère mondiale déclenchée par la destruction de la plus grande forêt tropicale du monde par l’agro-business brésilien. Lors de la récente réunion du G7, qui réunit les principales puissances de spoliation du monde, Macron a suggéré de prendre des « mesures » à l’égard de la catastrophe actuelle. 

Accusations croisées

Ainsi, Emmanuel Macron a accusé son homologue brésilien de mentir sur la tenue des engagements environnementaux pris lors du sommet du G20 de juin dernier. Il a affirmé que cela rendait impossible la ratification de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur. Dans la foulée, l’Irlande s’est prononcée dans le même sens. Cet accord commercial entre les deux blocs, réel pacte de soumission de l’Amérique Latine aux intérêts du capitalisme européen, prévoit l’élimination des droits d’importation sur près de 90% des échanges bilatéraux d’ici 15 ans. Ce dernier aurait comme conséquence logique l’approfondissement du modèle agro-exportateur du Brésil et l’augmentation de l’importation de produits manufacturés et de haute technologie. 

Depuis le sommet du G20, Macron – soutenu par Merkel – et Bolsonaro se sont engagés dans une confrontation rhétorique, déployant un véritable tissu d’hypocrisies. Le gouvernement français se présente comme « le plus grand défenseur de la biodiversité et de la nature », se cachant derrière l’Accord de Paris de 2015, tandis que Bolsonaro va jusqu’à se présenter comme « un combattant de la souveraineté nationale contre la mentalité coloniale des Européens ».

Soumission à l’impérialisme

Il est impossible de défendre la biodiversité et les ressources naturelles de l’Amazonie sans attaquer profondément les intérêts des capitalistes, nationaux et étrangers, qui font brûler l’Amazonie (fondamentale, entre autres, pour la régulation de la température de la Terre).

En premier lieu, il est nécessaire de clarifier, en cas de doute, que Bolsonaro, ainsi que la direction des Forces armées, structurellement liées aux Etats-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale, n’ont pas pour objectif la défense souveraine des ressources naturelles. Au contraire, c’est un serviteur docile de Trump et des Etats-Unis, qui n’a pas hésité à leur livrer la base d’Alcántara dans la province du Maranhão, ni à privatiser d’innombrables entreprises publiques dans le but de les offrir sur un plateau d’argent aux Etats-Unis, ou encore de donner l’autorisation à une société privée américaine de surveiller l’Amazonie à la place de l’Institut national pour la Recherche spatiale (INPE).

Les mesures réactionnaires de Bolsonaro sont des attaques directes contre les peuples indigènes et les descendants des quilombos (populations rebelles noires à l’époque de l’esclavage), et contre les moyens de subsistance de toute la population au profit de l’agrobusiness, des banques et des grandes entreprises.

La preuve de sa subordination flagrante à l’impérialisme est ce même accord signé avec l’Union Européenne. Comme dit plus haut, ce dernier n’est ni plus ni moins qu’un pacte d’esclavage des travailleurs brésiliens selon les intérêts des grands conglomérats commerciaux d’Allemagne, des Pays-Bas, de Belgique et de France, dont Bolsonaro prétend combattre la mentalité colonialiste.

Quelles sont les causes profondes de cette catastrophe environnementale ?

Macron, Merkel et le Britannique Boris Johnson, entre autres gouvernements impérialistes, ont tenu une série de discours démagogiques, cyniques et mensongers sur la "défense de l’Amazonie", aucun d’entre eux n’ayant pourtant intérêt à préserver l’environnement.

Les mensonges de ces prédateurs à grande échelle sur la défense de l’Amazonie doivent nous mettre en garde. Que pourrait-on attendre en matière environnementale des plus grands oppresseurs du monde, qui dirigent le système capitaliste basé sur l’exploitation de l’homme et de la nature ?

Alors que Macron cherche à se faire passer pour le grand sauveur de la planète, il y a trois grands axes de conflit dans la crise actuelle qui nous montrent que la brutalité de Bolsonaro ne doit pas nous conduire à tomber dans le piège des intérêts voraces de l’impérialisme et de ses monopoles, qui pillent et ravagent des richesses naturelles du monde entier :

1. La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine

L’un des principaux facteurs matériels à l’origine de la crise environnementale est la position du Brésil au beau milieu de la guerre commerciale de Trump et Xi Jinping.

L’agro-industrie brésilienne veut profiter de l’opportunité qui s’est ouverte pour l’exportation de céréales vers la Chine. Ce pays a appliqué des tarifs douaniers au soja en provenance des États-Unis en représailles aux attaques commerciales de Trump à leur égard. Cela a rendu le soja américain énormément plus cher, ce qui explique pourquoi les achats chinois de soja brésilien ont augmenté. Le Brésil est alors devenu le plus grand exportateur de soja en Chine et dans le monde. 

En 2018, première année de la guerre commerciale, les exportations brésiliennes vers la Chine ont augmenté de 35 % par rapport à 2017, générant pour le pays une balance commerciale positive de 30 milliards de dollars. Le soja a été la filière la plus bénéficiaire avec une croissance de 7 milliards d’euros.

Les incendies criminels provoqués par l’agro-business - partenaire de Bolsonaro – ont pour but d’étendre les cultures de soja, en particulier dans le Mato Grosso et le Mato Grosso do Sul, dont l’augmentation est exponentielle. Cette croissance, basée sur la destruction environnementale, cherche à satisfaire la soif de profit des capitalistes agro-industriels qui exportent davantage en Chine.

Depuis 1850, les Etats Unis ont depuis lors des intérêts matériels directs dans la forêt amazonienne et qui n’ont rien à voir avec sa sauvegarde. À cette date, le directeur de l’Observatoire naval américain, Matthew Fontaine Maury, a suggéré à son pays d’éviter la guerre civile tout en poursuivant l’expansion de la production de coton par le travail forcé, en déplaçant toute sa structure, y compris les esclaves africains, dans la région amazonienne du Brésil (comme Gerald Home le dit dans le livre The Most Distant South). Il existe des dizaines de monopoles et de fonds d’investissement américains dont la chaîne de production est liée à l’exploitation de la région, dont BlackRock, le plus grand gestionnaire d’actifs au monde et le Capital Group, des producteurs de céréales comme Cargill et ADM, ainsi que des sociétés pharmaceutiques (Johnson&Johnson et Pfizer), du génie génétique et des cosmétiques qui exploitent la richesse de l’environnement régional. Tous profitent de la destruction de l’Amazonie, chapeautée de près par le Pentagone et l’armée yankee.

Il n’est donc pas surprenant que des institutions comme la NASA diffusent des informations "inquiétantes" sur l’avancée de la destruction de la jungle. Ils ne se soucient pas de l’Amazonie ou de l’environnement, mais des intérêts américains dans la plus grande forêt tropicale du monde et de comment profiter de la guerre commerciale de Trump.

2. Le conflit entre les intérêts de l’impérialisme européen et ceux de l’agro-business brésilien

Macron, comme Trump, n’a pas plus d’intérêts en Amazonie que de protéger les affaires de ses monopoles. Certaines des entreprises qui déforestent le plus la forêt amazonienne sont françaises : le Crédit Agricole (la plus grande banque de détail française) et BNP Paribas, l’institution financière la plus riche de France, sont liées à la déforestation, selon un rapport d’Amazon Watch. Selon le même rapport, des entreprises comme Guillemette & Cie et le Groupe Rougier reçoivent régulièrement des tonnes de bois de la société brésilienne Benevides Madeiras. Les sociétés américaines Monsanto (qui a fusionné avec le géant pharmaceutique allemand Bayer) et Dreyfuss ont également de grandes entreprises en Amazonie. Ils y voient leur arrière-cour de l’exploitation capitaliste.

Comme les États-Unis, la France et l’Allemagne ne veulent pas que leurs terres agricoles soient affectées par l’agro-business local.

Ancienne puissance coloniale qui soumettait les pays opprimés à l’exploitation sauvage, la France s’est historiquement rendue responsable du pillage des ressources naturelles et environnementales aux quatre coins du monde. Il suffit de se rappeler de la sanglante colonisation française de l’Afrique aux XIXe et XXe siècles. Les processus de décolonisation entre 1950 et 1970 ont marqué une nouvelle étape dans l’extraction prédatrice des richesses nationales africaines, ainsi que l’extermination brutale de la population de différents pays comme le Congo, la Guinée, le Togo, le Mali, le Niger, le Tchad, la Mauritanie et surtout l’Algérie, qui a connu, entre 1954 et 1962, des massacres successifs de sa population.

La démagogie de Macron ne peut cacher le fait que la France n’a pas vocation à "respecter la biodiversité" : c’est un des pays qui détruit le plus l’Amazonie.

3. Le différend entre la France et l’Allemagne dans l’accord avec le Mercosur

Un autre conflit inscrit dans la crise amazonienne se produit entre la France et l’Allemagne autour de l’accord Mercosur-Union européenne. Berlin et Paris partagent l’objectif d’accroître l’exploitation des travailleurs latino-américains. Cependant, cet accord de soumission du Cône Sud de l’Amérique Latine aux puissances européennes ne les favorise pas à une égale mesure. Les principaux gagnants seraient les exportateurs allemands de véhicules, qui n’auraient aucun impôt à payer pour la distribution de la production automobile. Dans le même temps, la France verrait son secteur agricole considérablement endommagé par l’entrée en franchise des produits brésiliens sur les marchés européens qu’elle domine aujourd’hui.

La politique agricole est l’un des piliers de l’intégration européenne et est fondamentale pour la France. Ce sont les français qui gèrent l’agriculture pour le reste du continent. Outre la France, l’Irlande a également insisté au cours de la dernière période pour que l’Union Européenne ne soit pas aussi "généreuse" dans le secteur agricole, notamment dans celui de la viande. L’accord va à l’encontre de ces exigences : il inclut un quota annuel de 99 000 tonnes de viande avec des taxes réduites.

C’est pourquoi le Président français menace d’annuler l’accord, utilisant comme alibi la crise amazonienne provoquée par la soif de profit capitaliste de Bolsonaro. Macron cherche à servir les intérêts de l’agro-industrie française, sans pour autant diminuer les accords d’exploitation du Cône Sud. Le Premier ministre irlandais, Leo Varadkar, a également annoncé qu’il bloquerait la mise en œuvre de l’accord "face aux événements".

L’Allemagne, pour sa part, défend le maintien de l’accord commercial, compte tenu de ses difficultés économiques, qui présente de forts signes récessifs dus au retrait du commerce mondial (effet des frictions entre les Etats-Unis et la Chine), qui affecte sa production industrielle, fortement tributaire des exportations. Le capital allemand a besoin de nouveaux marchés pour sa production, qui doit gagner en indépendance vis-à-vis de la Chine et de l’Union européenne en crise.

Ce conflit est toujours en cours et l’issue reste incertaine

Ces trois éléments se combinent dans la crise environnementale catastrophique du Brésil. Ce qui est certain, c’est que la volonté des exploitants brésiliens du soja d’accroître leurs affaires avec la Chine se heurte au besoin de différents impérialismes de préserver leurs propres affaires en Amazonie. Cela pourrait conduire à une crise hors de contrôle, dans le contexte des signes dangereux d’une nouvelle récession mondiale.

Nous ne pouvons pas perdre de vue l’antipathie prégnante entre Trump et les gouvernements français et allemand. S’en prendre à Bolsonaro suggère indirectement une attaque contre Trump, dont il est l’allié central en Amérique latine. En réaction, Trump a annoncé qu’il s’était entretenu au téléphone avec Bolsonaro ce vendredi, indiquant que les relations entre les Etats-Unis et le Brésil « n’ont jamais été aussi bonnes ».

Bolsonaro, l’agro-industrie et le G7 : bas les pattes de l’Amazonie !

S’il est évident que l’expansion du soja et les intérêts de l’agrobusiness brésilien - intimement liés au capital financier et aux banques - constituent une menace directe pour l’environnement, la voracité des gouvernements impérialistes et colonialistes étrangers ne constitue pas pour autant un danger mineur. Ils parlent de l’Amazonie parce qu’ils la veulent entièrement pour leurs intérêts monopolistiques. La lutte contre Bolsonaro doit aller de paire avec l’exigence que les grandes puissances capitalistes se retirent des ressources naturelles d’Amérique Latine.

Dans différentes parties du monde, les jeunes organisent d’innombrables manifestations contre les changements climatiques causés par la dévastation de l’environnement, comme les « vendredis pour l’avenir » en Europe. Au Brésil, ce sont aussi les jeunes qui sont en première ligne pour remettre en question les politiques dévastatrices de Bolsonaro. Un programme et une stratégie anticapitalistes sont nécessaires pour que, avec les travailleurs, cette jeune génération puisse se battre pour son avenir.

Il est nécessaire d’imposer la suspension immédiate de tous les transferts financiers de plusieurs millions de dollars du « plan Safra » aux grands propriétaires fonciers, afin qu’ils soient immédiatement mobilisés dans un plan pour lutter contre les incendies, reboiser et gérer la forêt. Face aux milliards de dollars exportés chaque année en soja, maïs et viande au prix de la dévastation environnementale et humaine, le Mouvement Révolutionnaire des Travailleurs brésilien [qui fait partie de la même organisation internationale que le Courant Communiste Révolutionnaire, qui anime RévolutionPermanente.fr défend la nationalisation sans compensation des grandes entreprises agroalimentaires et leurs ressources financières, logistiques et technologiques. Cela implique le monopole de l’Etat sur le commerce du soja et d’autres produits, ce qui permettrait à ces richesses de ne pas servir seulement une poignée d’impérialistes et de propriétaires terriens. Une entreprise d’Etat, contrôlée par les travailleurs, permettrait l’utilisation des dernières technologies, aujourd’hui utilisées pour le profit et la dévastation, pour le développement humain et établierait une autre relation avec la nature et tous les peuples autochtones.

Une réforme agraire radicale, abolissant les latifundia prédateurs [exploitations agricoles pratiquant l’agriculture extensive, NDT], est une tâche démocratique qui, au Brésil, est indissolublement liée à la perspective d’un gouvernement ouvrier qui rompt avec le capitalisme. Les gouvernements du PT, en conciliation avec la droite et l’agro-industrie, n’ont fait qu’augmenter que les millions d’hectares de grands domaines, qui représentaient près de 25% du PIB en 2015. 

Un tel programme, ouvrier et anticapitaliste, serait un puissant levier dans la lutte des travailleurs de tout le pays pour prendre en main la lutte avec les paysans, les quilombolas et les peuples indigènes pour abolir cet héritage colonial et esclavagiste des latifundia, et pour livrer la terre, le crédit et la technologie à ceux qui veulent la travailler.

Il est nécessaire d’impulser avec forces des actions au niveau national et international contre la destruction de l’environnement par les capitalistes, y compris ceux qui veulent se déguiser en sauveteurs de la Terre afin de mieux exploiter les ressources du monde.

 
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