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La Izquierda Diario
27 de septembre de 2019 Twitter Faceboock

L’ancien président est mort, à 86 ans
Chirac : du financement occulte du RPR aux négociations secrètes avec Krasucki en mai 68
Julian Vadis

Ce jeudi 26 septembre, Jacques Chirac est mort à l’âge de 86 ans. Tandis que les hommages se multiplient, retour sur « l’envers de Chirac » : de Malik Ousekine au « bruit et l’odeur », du financement occulte du RPR aux négociations secrètes avec la CGT et Henri Krasucki en mai 68.

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Crédits photos : Archives AFP

Président de 1995 à 2007, Jacques Chirac est décédé, ce jeudi 26 septembre 2019, à l’âge de 86 ans. Véritable figure incarnant la V° République, Chirac cultivait une image ambiguë : jouissant d’une forme de popularité, d’une image d’un homme politique sympathique, voire proche du peuple, tout en étant décrit comme un véritable « tueur » politique, adepte des magouilles en coulisse pour discréditer ses adversaires et d’une propension certaine aux petits arrangements concernant le financement de son parti, le RPR, puisant ostensiblement dans les fonds publics, ou bien encore dans la fameuse affaire des HLM de Paris.

Dès l’annonce de son décès, c’est l’ensemble des médias et des personnalités politiques qui se sont confondus en hommage. Minute de silence à l’Assemblée Nationale, émission spéciale à la télévision, ou bien encore annulation du déplacement d’Emmanuel Macron dans l’Aveyron sur le sujet des retraites. L’actuel résidant de l’Elysée tiendra une allocution spéciale dès ce soir, à 20h. Et si les ondes et rédactions sont absolument dithyrambique envers Jacques Chirac, c’est l’ensemble de « l’envers du décor » qui est occulté.

En 1968 déjà, le rôle central de Chirac dans les négociations de l’accord de Grenelle

Dès sa naissance, Jacques Chirac aura été en lien avec les hautes sphères dirigeantes. C’est ainsi que le petit Jacques côtoie un certain Marcel Dassault, fondateur de la dynastie de l’aviation militaire, et qui sera le premier à appuyer la carrière politique de Chirac. Après avoir construit son entourage qui le suivra toute sa carrière, Chirac rentrera dans la sphère de Georges Pompidou, alors Premier Ministre du général De Gaule, jusqu’à sa nomination au poste de Secrétaire d’État aux Problèmes de l’Emploi le 6 avril 1967, à l’âge de 35 ans.

C’est donc de l’intérieur du pouvoir que Jacques Chirac connaîtra le tumulte de mai 68. C’est aussi dans cette situation critique pour les classes dominantes que le jeune Chirac va réaliser, dans les coulisses, son premier grand coup. Dans une scène digne d’un film, une rencontre est organisée avec Henri Krasucki, alors n°2 de la CGT, en dehors de Paris. Selon Chirac lui-même, la rencontre aurait eu lieu dans une chambre de bonne, à laquelle celui qui deviendra plus tard président de la République serait venu armé d’un pistolet.

Au centre des discussions, les grandes lignes de ce qui sera connu plus tard comme les accords de Grenelle. Selon Krasucki lui-même, « cela faisait plusieurs jours qu’on essayait d’entrer en contact. Au CNPF [Ancêtre du MEDEF, NDLR], c’était la panique. Ils voyaient le Grand Soir arriver. Ils pensaient qu’on allait les manger tout crus. On s’est dit que Pompidou devait être un peu moins con. Quand il a envoyé cet agité, j’étais inquiet... Dix millions de grévistes et l’envoyé du gouvernement qui s’agite sur sa chaise à chaque proposition. Il n’avait rien préparé. Pas une idée ! Nous avions un document précis, c’était clair. Il avait l’air de croire que je voulais le piéger. Il se figurait que la proclamation des Soviets était imminente, alors je lui ai dit qu’à notre avis, la prise du Palais d’hiver, ce n’était pas pour tout de suite ! » Un témoignage éclairant sur le rôle des directions syndicales en 1968 comme premier garant du système en place.

Un animal politique avide de pouvoir

Si la carrière politique de Chirac est marquée par de nombreux zigzags et retournement de veste selon le sens du vent, la constante est ailleurs : celle d’avoir toujours mené une politique en bon serviteur de la bourgeoisie et d’avoir la conquête du pouvoir comme boussole. Selon les mots de Philippe Seguin lui-même, grand ténor de la droite, Chirac était « un don Juan de la politique, plus préoccupé par la conquête du pouvoir que par son exercice ».

Plus encore, Chirac aura été avant tout un adepte des coups bas et des magouilles en coulisses. De Chaban-Delmas à Balladur en passant par Giscard d’Estaing ou Sarkozy, nombreuses sont les victimes de celui qui est présenté comme un véritable « animal politique ». Habile dans les manœuvres politiques, Chirac aura construit ses victoires sur des coups, mais aussi sur une véritable propension au détournement d’argent public.

La construction du RPR, largement financé par l’Hôtel de ville de Paris dont Chirac fut le premier locataire en 1975, est en ce sens un cas d’école. Nombre de « bénévoles », n’ayant jamais ne serait-ce qu’exercé une fonction dans la capitale, étaient employés par la mairie de Paris. Emplois fictifs, marchés publics des lycées d’île-de-France, la Sempap, les faux électeurs de Paris, les « frais de bouches », les voyages... Au final, Jacques Chirac ne sera reconnu coupable que dans l’affaire des HLM de Paris, en 2011, à deux mois de prison avec sursis. Le plus souvent, les affaires ont été minutieusement étouffées, ou dans certains cas ont conduit à la condamnation de proches de Jacques Chirac.

Malik Oussekine, massacre de la grotte d’Ouvéa : la face cachée du Chirac « progressiste »

Si Chirac a su cultiver une image « progressiste » en s’opposant à l’intervention française en Irak, ou bien encore sur la question palestinienne, le revers de la médaille est bien moins glorieux, et tâché de sang. C’est ainsi qu’en 1986, Jacques Chirac était Premier Ministre lors de la mort du jeune Malik Oussekine lors d’une manifestation, jouant de tout son poids pour minimiser l’affaire. Le massacre de la grotte d’Ouvéa, en 1988, est aussi le fruit d’une manœuvre politique, lui qui briguait la succession de Mitterrand à la présidence et entendait faire de la question Calédonienne un marqueur de différence par rapport au président socialiste. Fondamentalement, Chirac aura toujours été dans cette ambiguïté, en cultivant soigneusement son image d’un soit-disant chef d’Etat proche du peuple tout en maintenant une politique au besoin sanguinaire pour satisfaire les exigences de la bourgeoisie. Un numéro d’équilibriste entre le discours d’une part, et l’application de l’autre.

Le bilan de Jacques Chirac, passé l’écran de fumée soit-disant progressiste, aura donc été une succession d’attaques incessantes sur les droits des travailleurs, au prix si besoin de retournements de veste conséquents comme en 1995, passant en quelques mois de la « réduction de la fracture sociale » à l’augmentation des impôts et la réforme des retraites, contre la jeunesse et, fondamentalement, une offensive permanente dans l’esprit d’un libéralisme à la sauce gaulliste. Avide d’argent et de pouvoir, sa carrière aura été dictée par ses intérêts personnels. A ce titre, effectivement, il symbolise à merveille la V° République et le modèle de démocratie bourgeoise.

 
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