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La Izquierda Diario
14 de octobre de 2019 Twitter Faceboock

Fake news généralisée
#InventeTaFakeNews Ligonnès : l’unanimité embarrassante de la presse dominante
Jaque Mate
Lucas Darin

InventeTaFakeNews a été la top tendance sur twetter. La nouvelle de l’arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès, célèbre tueur en cavale depuis 8 ans, a été très largement reprise par les médias français vendredi 11 et samedi 12. Cependant, cette information s’est révélée être fausse, et tous les médias dominants se confondent aujourd’hui en excuses. Une erreur commune qui permet de montrer une fois de plus le rôle politique central des médias dominants.

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Erreurs, Fake news et désinformation

Tout a commencé le vendredi 11 octobre en milieu de soirée. C’est Le Parisien qui publie le premier l’information selon laquelle « Xavier Dupont de Ligonnès a été arrêté ce vendredi en Ecosse », en s’appuyant sur des informations venues de différentes sources.

Moins d’une heure plus tard, l’Agence France-Presse (AFP), qui a pour rôle d’envoyer des informations plusieurs fois vérifiées, envoie une alerte similaire : « Xavier Dupont de Ligonnès a été arrêté à l’aéroport de Glasgow ». Le Monde reprend l’information sur son site et son application mobile : « Xavier Dupont de Ligonnès a été arrêté en Ecosse ». Dès le lendemain matin, l’ensemble des médias nationaux et les chaînes d’information en continu mettent à la Une cette arrestation.

Toutefois, c’est dans la même matinée que la véracité de l’information est mise en doute. Certaines sources policières se rétractent : la perquisition au domicile du tueur n’a rien donné, l’ADN ne semble pas correspondre et un peu plus tard dans la matinée, on apprend que les empreintes ne correspondent finalement pas (les critères de correspondance de la Police Ecossaise étant moins stricts), contrairement à ce qu’avaient affirmé les services de police selon les médias.
Les médias qui s’étaient jetés sur l’information et avaient divulgué l’identité et l’adresse de la personne interpellée, sont alors confrontés aux conséquences de leur précipitation.

Alors que de plus en plus de médias surfent sur la tendance "check news" pour tenter de renforcer leur crédibilité, ils sont désormais forcés de présenter des excuses, et essaient également à tout prix de se déresponsabiliser par rapport à la propagation de cette Fakenews. Stéphane Albouy, directeur des rédactions de Le Parisien, expliquait qu’ils s’étaient fiés à des « sources d’ordinaire très fiables et très prudentes » au sein de la Direction Centrale de la Police Judiciaire, « cinq au total, de niveaux hiérarchiques différents, dont certaines au cœur de l’enquête ». Il est intéressant de souligner que la parole de quelques membres de forces de l’ordre suffit pour établir la vérité aux yeux du Parisien.

Le directeur de France-info expliquait dans une interview qu’ils avaient pourtant « un service justice/police très performant ». Cette dernière déclaration rentre en contradiction avec le témoignage de Fabrice Cotelle, Chef d’état-major du Service central de la Police technique et scientifique qui affirmait : « je ne sais pas pourquoi une information est sortie si vite, elle arrivée très tôt dans le processus d’identification ». Un service justice/police très performant ne devrait-il pas savoir que quelques heures ne suffisent pas à confirmer l’identité d’un suspect ?

La presse s’est répandue en excuses et pointe le caractère exceptionnel de l’événement pour expliquer l’emballement médiatique de ce week-end. Pourtant, les quotidiens et les chaînes d’information n’en sont pas à leurs premières "fake news" car si, dans ce cas, elle se base sur un manque de vérifications, les fausses nouvelles proviennent généralement d’une déformation de la réalité. La dernière en date était celle d’affirmer qu’Ibrahima, jeune homme tué par la police dimanche dernier, avait volé le scooter qu’il conduisait, mais dans cette affaire les médias n’avaient pas jugé bon de présenter des excuses.

Réelle incompétence ou traitement politique de l’information ?

Alors qu’en décembre dernier a été votée une loi européenne pour lutter contre les fake news, les principaux médias français s’illustrent depuis plusieurs mois par un traitement de l’actualité d’un amateurisme sans nom, ou par la diffusion massive d’informations complètement fausses.
En tête du journalisme « ridicule » trône le traitement médiatique de l’incendie de Lubrizol, et le « nuage de fumée un peu toxique mais pas trop » de 20 minutes qui n’avait pas manqué de faire réagir les réseaux sociaux.

Dans une dimension plus grave, la fake news raciste concernant la victoire de l’Algérie à la Coupe d’Afrique des Nations avait dévoilé des journalistes et une presse prête à s’emparer et diffuser des informations fausses, tant qu’elles permettent de séduire la France raciste et réactionnaire dans un contexte de répression des célébrations des supporters algériens.

Enfin, impossible d’oublier la fausse nouvelle qui a eu le plus d’ampleur ces derniers mois, dans le cadre du mouvement des Gilets Jaunes : l’« attaque » de la Pitié-Salpétrière. Alors même que les médias taisaient une répression sanglante jamais vue en France, et ne perdaient pas une occasion de blâmer les Gilets Jaunes pour tout et n’importe quoi, cette fake news provenant du gouvernement et largement reprise par toute la presse a achevé de décrédibiliser la plupart des journaux ou chaînes d’information aux yeux de beaucoup de Français.

Cette dernière fausse nouvelle fait émerger plus visiblement la dimension politique du traitement de l’information.

Plus qu’une simple question d’incompétence, il est clair qu’il existe des choix conscients des rédactions dans le traitement de l’information, d’une part du fait d’une logique de rentabilité et d’audimat, et d’autre part du fait d’un parti pris politique de la presse. Loin d’être neutres et de ne relayer que des informations dénuées de contenu politique, les médias sont justement des organes politiques pour ceux qui les détiennent leur permettant de propager des informations qui vont dans le sens de leurs intérêts.

Dans le cas de la Pitié-Salpétrière, cet élément était flagrant : les médias diabolisaient les manifestants en les accusant d’assiéger l’hôpital, tout en fermant les yeux sur un niveau de répression sans précédent dans le pays et un nombre de victimes de violences policières qui ne cessait d’augmenter.

Les informations données par la presse sont choisies par les lignes éditoriales et les comités de rédaction. Ainsi, la presse n’est pas neutre d’abord dans le choix de l’information transmise. Nous l’avons particulièrement bien vu ces derniers temps avec la couverture médiatique de la mort de Jacques Chirac et celle de la catastrophe de Lubrizol. Alors même que le pays connaissait une catastrophe industrielle et environnementale d’une ampleur énorme, et que le gouvernement menait une communication et une gestion désastreuses, les principaux médias semblaient plus intéressés par produire de grands articles larmoyants sur Jacques Chirac que développer une réflexion de fond sur le danger que représente l’industrie chimique privatisée.

C’est aussi le cas de l’affaire Xavier Dupont de Ligonnès : la presse a été beaucoup plus prompte à publier cette information à caractère sensationnel mais très peu politique, qu’à publier des articles sur la situation au Rojava, l’offensive militaire turque ou la position de la France par rapport à cet événement.

Puis, dans un second temps, quand l’importance d’un sujet d’actualité force la presse à le relayer sous peine de perdre toute crédibilité, les médias ne sont pas neutres dans l’analyse des faits qu’ils proposent. C’est le cas par exemple de la catastrophe de Lubrizol, pour laquelle les médias reprenaient les positions du gouvernement et ne proposaient en aucun cas une analyse de la responsabilité des autorités et des actionnaires dans l’incendie, ou encore comme dit précédemment dans le traitement de l’événement à la Pitié-Salpétrière, pour lequel la presse a fait passer les Gilets Jaunes victimes de violences policières pour des casseurs incontrôlables et violents venus attaquer l’hôpital.

Le mythe de la neutralité

L’information ne peut être traitée de façon neutre. La presse est détenue et organisée par des bourgeois, qui s’en servent naturellement pour défendre leurs intérêts. Loin d’une vision complotiste qui verrait l’ensemble des médias comme un groupe homogène manipulateur, il existe différents groupes dans la bourgeoisie, qui ont chacun des intérêts propres et se servent de leurs organes de presse pour les défendre. C’est pourquoi, si la quasi-totalité des médias de masse sont détenus par des bourgeois, ils n’ont pas la même ligne éditoriale. Les Echos, Marianne, Le Figaro sont par exemple des journaux qui ne correspondent pas aux mêmes opinions politiques parce qu’ils correspondent à des propriétaires qui n’ont pas forcément les mêmes intérêts.

On s’aperçoit que la grande majorité des médias est détenue par des capitalistes – ou par l’Etat –, et ces derniers ont tout intérêt à contrôler la diffusion de l’information de manière à défendre leurs intérêts. De ce fait, ils relaient également l’idéologie dominante : ils n’ont aucun intérêt à remettre en question un système qu’ils dominent. On imagine difficilement Le Figaro, propriété du groupe Dassault, remettre en question la privatisation des secteurs de l’aéronautique alors même que le groupe Dassault a pour principale activité la construction d’avions.

Cette fausse neutralité de la presse, qui est en réalité une presse des classes dominantes, explique un traitement médiatique qui n’est jamais du côté des exploités, des travailleurs et de ceux qui se mobilisent pour lutter pour des conditions de vie meilleures.

Dans une période de lutte des classes qui s’accentue, ce parti pris de la presse est de plus en plus visible et les médias ne cessent de perdre en crédibilité aux yeux des masses. Cette perte de crédibilité s’exprime notamment par des réactions de plus en plus virales sur les réseaux sociaux à chaque nouvelle mascarade de la presse. La couverture de Lubrizol et le nuage « toxique mais pas trop » avaient déjà provoqué beaucoup de bruit, et depuis dimanche le hashtag #InventeTaFakeNews, en réponse à l’affaire Xavier Dupont de Ligonnès, déchaîne les internautes.

Le caractère bourgeois et futile de la presse apparaît de plus en plus clairement. Il nous faut prendre conscience de la nécessité pour la classe dominée de développer ses propres organes de presse afin de défendre ses intérêts, de partager ses informations et de s’organiser. Il est clair que nous ne pouvons pas compter sur les médias dominants pour apporter des informations justes sur le monde qui nous entoure, de l’état de l’environnement à l’existence de luttes et de mobilisations populaires partout sur la planète. Aussi il est indispensable de se doter d’organes de presse qui permettent de transmettre nos informations, des informations utiles, des informations qui motivent, des informations qui nous permettre de ne pas rester isolés, mais de partager nos expériences.

 
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