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22 de octobre de 2019 Twitter Faceboock

Modèle allemand ?
Les Allemands nés en 2001, à la retraite à 69 ans ? Un avant-goût de la réforme en France
Joachim Bertin

Le dernier rapport de la Bundesbank affirme que l’âge de la retraite devra être haussé à 69 ans pour faire face à l’évolution démographique... Un discours que l’on entend aussi depuis bien longtemps sur les plateaux télé en France !

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Crédits photo : AFP/Barbara SAX

La Bundesbank (banque centrale allemande) a publié un rapport dans lequel, pour faire face à l’augmentation du nombre de retraités, elle appelle à augmenter l’âge de la retraite à 69 pour la génération née en 2001 ! Une stratégie qui permet d’étaler les augmentations pour éviter tout tournant brutal qui pourrait révolter une partie des travailleurs et travailleuses, particulièrement encadrés par de puissantes bureaucraties syndicales mais capables de démonstration de force lorsque l’étau se desserre quelque peu, à l’heure où l’ère Merkel déclinante emporte avec elle la légendaire stabilité sociale allemande. Cette proposition de la Bundesbank a été fortement saluée par le patronat allemand et le FDP, le parti libéral.

L’Allemagne est un pays dont la population vieillit. Si le seuil de renouvellement générationnel est fixé autour d’un peu plus de 2 enfants par femme, la moyenne en France est légèrement en dessous (1,95), là où la moyenne allemande se situe à 1,5. Une situation qui peut s’expliquer par différents facteurs sociaux, notamment le coût que représente l’éducation et la garde d’un enfant pour un couple qui travaille, et qui oblige souvent un des parents (sans surprise dans l’écrasante majorité des cas, les femmes) à choisir entre travailler ou avoir des enfants. Une population vieillissante, c’est de plus en plus de gens qui ne sont plus en âge de travailler dont il faut s’occuper, et de moins en moins qui cotisent.

En Allemagne comme en France, la bourgeoisie essaie de nous faire avaler une explication classique : mais si, vous comprenez, avant il y avait deux travailleurs (cotisants) pour un retraité, et aujourd’hui c’est l’inverse, ça ne tient pas ! Plusieurs mesures sont alors plébiscitées par la bourgeoisie pour y répondre : augmenter l’âge de la retraite, augmenter le nombre d’années de cotisation nécessaire pour obtenir le droit à la retraite, limiter les pensions ou encore augmenter les cotisations salariales. En Allemagne, l’âge légal de départ à la retraite a déjà été augmenté ces dernières années : actuellement en Allemagne, on peut partir à la retraite à 63 ans, à condition d’avoir validé 35 annuités (autrement, une décote de 7 % est appliquée) mais l’âge va être progressivement reculé jusqu’en 2029 où il atteindra 67 ans ! De plus en plus de spécialistes bourgeois réfléchissent dans de nombreux pays à indexer l’âge de départ à la retraite sur l’espérance de vie : l’idée a été lancée en France aussi, dans le cadre de la réforme à venir. Mais sur l’espérance de vie de qui ? La moyenne, à la naissance, en Allemagne est de 83 ans pour les femmes et de 78,5 pour les hommes. Pourtant, selon les statistiques du DESTATIS (équivalent allemand de l’INSEE), dans le Baden Würtemberg (un des Länder les plus dynamiques économiquement avec la Bavière), l’espérance de vie atteint 79,5 ans, là où elle n’est que de 76,5 ans en Mecklenbourg-Pomméranie-Occidentale (un « nouveau » Land, c’est-à-dire d’ex-RDA, là où le taux de chômage est le plus élevé en Allemagne) : cette statistique ne dit rien non plus des différences entre les classes au sein de ces zones géographiques. En effet, l’espérance de vie d’un ouvrier ou d’un chômeur de longue durée est toujours plus faible que celle d’un cadre ou d’un patron.

Par ailleurs, différentes politiques d’incitation fiscale sont déployées par le gouvernement allemand en faveur du marché particulièrement lucratif des fonds de pension, auquel de nombreux travailleurs allemands ont recours. Même s’ils rapportent peu, ils permettent de mettre du beurre dans les épinards là où les pensions de retraite suffisent à peine.

Cependant, malgré cette apparente diminution du nombre des travailleurs, ni l’Allemagne, ni la France ne connaissent de période de disette... Car, si les salaires et les pensions de retraite sont attaqués et baissés par les capitalistes, la production de son côté tend à augmenter par l’automatisation croissante des procès de production et par l’intensification du travail - qui pousse certaines personnes à travailler plus de 40h par semaine, quand d’autres bénéficient au mieux d’un temps partiel quand ce n’est pas le chômage. Si la croissance stagne en raison de la conjoncture internationale qui en est aujourd’hui aux tensions commerciales, le niveau de productivité d’un travailleur allemand d’aujourd’hui n’a pas grand-chose à voir avec celle d’un travailleur allemand d’il y quarante ans. L’augmentation des années de travail est donc une attaque des capitalistes pour soutirer tout ce qui est possible de l’être : pas de gâchis avec la main-d’œuvre ! Alors, pourquoi serait-il impossible de financer les retraites ?

On explique à ceux qui font tourner la société au quotidien, et en particulier aux jeunes qui la feront tourner dès demain, qu’ils coûtent trop cher : c’est presque s’ils ne devraient pas s’en excuser. Comme il est écrit dans le rapport de la Bundesbank, « à l’avenir, l’évolution démographique va mettre le système de financement des retraites sous pression ». Pourtant, dès aujourd’hui, ce sont les profits des capitalistes qui mettent toute la société sous pression ! Pour les jeunes nés à la fin des années 90, nous n’avons connu que des sociétés « en crise ». Cela justifie depuis 2008 la mise au rabais de toutes les conditions de travail : en Allemagne, c’est cette petite musique qui a permis le passage des lois Hartz dès le début des années 2000. On serait trop à travailler et en plus pas assez longtemps ! La société dans laquelle nous avons grandi est une société qui licencie pour sauver des emplois... Cette même société nous affirme qu’il n’y a pas d’argent pour les retraites, alors que depuis 2008 les dividendes et les écarts salariaux ont explosé.

La situation en Allemagne permet aussi d’éclairer les attaques que préparent le gouvernement Macron et la bourgeoisie française. Ce n’est pas pour rien qu’on nous rabâche les miracles du modèle allemand : la bourgeoisie française a, de son point de vue, du retard sur un certain nombre de ses voisins et partenaires ou concurrents directs. Ce modèle, c’est celui que les différents gouvernements ont voulu appliquer dans les mêmes rythmes, mais qui ont été sévèrement bloqués par des luttes de la classe ouvrière et de la jeunesse, qui les ont obligé à remiser leurs plans au fond du tiroir. Aujourd’hui, Macron les ressort, avec prudence. Par crainte d’un décembre noir, le gouvernement commence à laisser entendre qu’il pourrait ne faire payer la note qu’aux jeunes, à ceux qui entreraient sur le marché du travail en 2025. C’est aussi l’échappatoire du modèle allemand (et de bien d’autres pays au « dialogue social » apaisé). Mis en difficulté, Macron lance un défi à la jeunesse. Chiche !

 
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