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La Izquierda Diario
18 de septembre de 2015 Twitter Faceboock

Tartuffe est de retour
Les « confessions » de Thierry Lepaon. Tout ça pour ça ?

Ce n’était pas annoncé comme « la » sortie littéraire de la rentrée, mais quand même. On se souvient de Thierry Lepaon, ex-secrétaire général de la CGT, démissionnaire en raison des révélations au sujet de ses « frais ». Ceux engagés sur son logement de fonction et son bureau ; ainsi que son indemnité de départ lorsqu’il est passé de la direction du comité régional CGT de Normandie au poste de secrétaire général, à Montreuil. Dans son « autobiographie » qui vient de sortir, La vie continue, Lepaon promet quasiment d’être à la hauteur de Valérie Trierweiller dans « Merci pour ce moment ». Il allait dire « toute la vérité ». « Sa » vérité, en tout cas.

Jean-Patrick Clech

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Le pauvre Lepaon a vécu de « longues séquences de somnambule » lorsque la presse a révélé, à l’automne 2014, les quelques casseroles qu’il traînait. Coût de la réfection de son appart’ de fonction ? 130.000 euros, selon la presse. 105.000, rectifie-t-il, quelques semaines plus tard. Pour la rénovation à grand renfort de « design japonais » de son bureau du huitième étage du siège de la CGT, à Montreuil ? 62.000 euros. Le montant de sa prime, négociée, pour passer de la direction du comité régional de la CGT de Normandie au poste de secrétaire général ? 100.000 euros. Voilà qui fait beaucoup, pour un « camarade ». A force de révélations, Lepaon dit avoir été presque tenté, tel un Bérégovoy du syndicalisme, par « un acte fatal, qui balaierait tout ça en montrant par un geste absurde [s]on innocence à [s]es proches ». Qu’on se rassure. Lepaon est « un homme blessé, mais debout » !

Mais tout au long des 192 pages de l’ouvrage, on cherchera en vain une ébauche d’explication à toutes ces affaires. Niet. Alors, certes, Lepaon se débat et pleurniche. Il se dit avoir été « sali, trahi, jeté en pâture ». Comme au bon vieux temps, il dénonce « une tentative de déstabilisation interne [née d’une] alliance contre-nature entre la presse patronale et de prétendus syndicalistes dans une volonté de nuire non à [sa] personne, mais à la CGT et à son action ». Lorsque l’on sait les bons et loyaux services rendu au patronat par ce partisan du syndicalisme des dialogues et des compromissions, on comprend mal tant de haine de la part des Echos, du Monde et de L’Obs. Bizarrement, d’ailleurs, Lepaon épargne, Le Canard enchaîné, l’hebdomadaire à l’origine des premières révélations.

Pas un mot non plus sur les accusations politiques lancées en interne par ses ennemis (et il en avait, en effet), lui ayant reproché d’avoir rencontré en secret (sans l’assentiment de la direction de Montreuil…) Laurent Berger, de la CFDT, et François Hollande, à l’Elysée. Rien non plus sur les factures, sur l’affaire de son logement de fonction en tant que tel, ni même sur la politique qu’il a menée pendant vingt-deux mois passés à la tête de la centrale, et notamment sa participation à tout le processus de consultation sur l’Accord National Interprofessionnel avant de s’y opposer à la dernière heure, suite à la pression des équipes combatives de la centrale. Tout juste saura-t-on que ce bourreau de travail a mis « huit mois pour construire un organigramme finalement incomplet » de la CGT.

Le comble, comme l’ont noté plusieurs commentateurs, c’est que l’ouvrage est truffé d’imprécisions et de contre-vérités, à commencer par des erreurs de calendrier. Mauvais bureaucrate, Lepaon a mauvaise mémoire, semble-t-il. Ce qui est fâcheux pour quelqu’un qui veut rétablir la vérité. C’est un mauvais plumitif également. On aurait difficilement imaginé le contraire. Mais ce n’est pas pour ses talents littéraires, qu’il a occupé pendant plus de vingt-cinq ans des fonctions au sein de la CGT, mais parce qu’il était censé défendre les intérêts du monde du travail. On comprend que ce n’a jamais été son objectif.

« La vie continue », et sa carrière aussi. Comme Nicole Notat ou François Chérèque, Lepaon fait partie de ces lieutenants du patronat au sein du mouvement ouvrier qui visent une pantoufle quelque part. Comme l’Etat n’est jamais ingrat à l’égard de ses serviteurs, c’est la présidence de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme que souhaite occuper Lepaon. En espérant que le torchon qu’il vient de pondre ne serve pas de manuel d’apprentissage à la lecture. Il y aurait de quoi en dégoûter plus d’un.

Erratum : La première version de l’article contenait une formulation imprécise qui pouvait laisser entendre que la CGT avait signé l’ANI, et qui a été corrigée.

 
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