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13 de novembre de 2019 Twitter Faceboock

Tous ensemble !
Santé. Hospitaliers et étudiants en médecine manifestent à Paris aujourd’hui
Flo Balletti

La « grande journée de mobilisation » et de grève de ce jeudi 14 novembre à Paris et en région va mobiliser non seulement les soignants des urgences en grève depuis 8 mois, mais aussi médecins, infirmiers, personnels des hôpitaux auxquels s’ajoutent les étudiants en médecine. Après la création du « Collectif inter-hôpitaux » en septembre, et alors que « l’hôpital public s’écroule », la mobilisation s’étend pour des ouvertures de lit, des augmentations de salaires, des embauches et la fin de la tarification à l’acte.

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« L’hôpital public s’écroule ». Dans une tribune parue dans Le Monde ce mercredi, 70 directeurs médicaux de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) alertent sur des conditions de travail et d’accueil de plus en plus insoutenables. "Nous ne sommes plus en mesure d’assurer nos missions dans de bonnes conditions de qualité et de sécurité des soins", préviennent-ils. Cette situation déjà dénoncée par le personnel d’urgences depuis huit mois touche tout le service public hospitalier. Elle est la conséquence de réductions de coûts et d’effectifs depuis des années liées à des budgets amincis, qui participent petit à petit à une destruction du service public hospitalier.

Pour prendre un exemple parmi tant d’autres, à Toulouse, depuis plus d’un an, différents services du CHU de Purpan se mobilisent à tour de rôle, preuve que les travailleurs de l’hôpital public ont décidé de relever la tête face à ces politiques austéritaires à répétition. Dernière actualité en date : à l’hôpital des enfants, 2 chefs de pôle ont démissionné la semaine dernière, et 13 chefs de service viennent également de démissionner de leurs fonctions administratives. Dans un reportage de France 3 Occitanie, le docteur Agnès Suc pédiatre au centre des douleurs et soins palliatifs psychiatriques « dénonce une logique comptable qui ne lui permet plus d’assurer son rôle de soignant convenablement. Même le bâtiment construit en 1998 ne serait plus adapté aux besoins. […] le risque c’est l’erreur de diagnostic, sur une population extrêmement vulnérable. » "C’est l’histoire d’une catastrophe annoncée" dit-elle, avant de lancer : « Nous ne sommes pas sûrs de pouvoir assurer la sécurité des enfants. » Pour conclure, « aujourd’hui, on a vraiment peur, on veut alerter ».

Les services d’urgences ont été le fer de lance d’une contestation pour l’amélioration des conditions de travail des personnels soignants et de facto, assurer un service public de meilleure qualité pour les usagers. Depuis huit mois, la mobilisation dans ces services n’a fait que s’étendre. D’après le site du collectif inter-urgences, 268 services sur 680 étaient encore en grève le 11 novembre. Le 15 octobre dernier, les personnels des urgences et personnels de santé ont par exemple manifesté ensemble avec les pompiers dans un silence médiatique absolu, subissant au passage une terrible répression policière.

Pour l’ouverture massive de lits, des augmentations de salaires, des embauches et la fin de la tarification à l’acte

Les revendications des personnels des urgences et des autres services des hôpitaux se rejoignent et pour cause : c’est l’hôpital public dans son ensemble qui est « démantelé » par les réductions de coûts répétitives sur le dos des soignants et usagers. Une situation d’ailleurs similaire dans les autres services publics à l’image de la SNCF ou de La Poste et qui visent in fine une privatisation où seuls les plus aisés pourraient avoir accès aux soins comme c’est déjà le cas aux Etats-Unis. Si l’hôpital public fonctionne encore relativement convenablement, c’est uniquement grâce au travail héroïque des médecins et personnels soignants qui ne comptent plus leurs heures pour soigner au mieux les usagers.

Les revendications sont des plus compréhensibles : des ouvertures de lits, des recrutements, des augmentations de salaire ainsi que l’arrêt de la facturation à l’acte. La journée de mobilisation de ce jeudi pour « sauver l’hôpital public » aura également pour but de revendiquer une augmentation du budget alloué à la santé afin d’éviter le "point de rupture irréversible" que craignent les directeurs médicaux dans leur tribune. Le projet de loi de finances de la Sécurité sociale attise également la colère. S’il est voté, il devrait forcer l’hôpital public à se serrer une nouvelle fois la ceinture.

L’évolution du nombre d’emplois dans les ministères entre 2018 et 2019 illustre par ailleurs les tendances de plus en plus bonapartistes du régime au détriment de la santé, de l’éducation ou de l’écologie. Quand le ministère de l’intérieur (+3600) et celui des armées (+1000) voient leurs effectifs grossir, ceux de l’éducation (-1800), de l’écologie (-1600), de la santé (-500) ou du travail (-500) se réduisent comme peau de chagrin.

Si face à la contestation des urgences, Agnès Buzin avait débloqué une enveloppe de 70 millions d’euros, celle-ci n’est qu’une goutte d’eau et s’apparente à du mépris vis à vis des travailleurs en lutte. Le « pacte de refondation des urgences » à hauteur de 750 millions d’euros sur 3 ans se fait quant à lui, toujours attendre.

Auto-organisation et extension du mouvement : la recette gagnante

Pour définitivement obtenir une victoire sur les revendications, les grévistes ont en tête la nécessaire extension du mouvement. Celle-ci s’est opérée tout d’abord au sein des services d’urgences avec un mouvement de grève qui a fait tâche d’huile et qui touche aujourd’hui quelques 268 services. La question de l’organisation et de la coordination s’est très vite posée. En ce sens, le « collectif inter-urgences » à l’image du « collectif inter-gare » qui avait pu émerger (à moindre échelle) dans la bataille du rail ou des « stylos rouge » chez les profs, est un véritable acquis de cette lutte. Il permet, par-delà des étiquettes syndicales, de faire remonter les situations des différentes luttes locales, et surtout de coordonner à échelle nationale la mobilisation afin d’y donner de la force, de l’étendre aux maximum de services et de collègues, de l’organiser et lui donner une direction « par en bas » en proposant des dates de mobilisation et autres actions, et de décider des revendications.

L’extension de la mobilisation dans l’hôpital public a depuis dépassé les services d’urgence pour toucher tous les services et tous les postes hospitaliers. Dans cette dynamique, en septembre 2019 a été créé le « collectif inter-hôpitaux » pour soutenir le mouvement des personnels des urgences et l’étendre à l’ensemble des professionnels des hôpitaux publics ainsi que les usagers. Le 15 octobre dernier, une première assemblée générale regroupait 500 personnels de santé à l’appel du collectif. Dans toutes les bouches, la priorité était d’étendre la mobilisation à tous les établissements, notamment par l’organisation d’assemblées générales dans chaque hôpital, qui permettent de mettre en place des actions comme par exemple, la suspension des réunions administratives, l’arrêt du codage T2A (tarification à l’acte instaurée par Sarkozy), etc. La « grande manifestation » de ce 14 novembre a également été décidée lors de cette AG.

Fait rare, cette mobilisation est également rejointe par les étudiants en médecine. Ainsi le syndicat ANEMF (Association nationale des étudiants en médecine de France) a déposé un préavis et appelle à la grève. Le 6 novembre, une AG a par exemple eu lieu dans la faculté de médecine de Clermont-Ferrand pour évoquer la mobilisation de ce jeudi. Le syndicat de l’Union française pour une Médecine Libre, syndicat indépendant de médecins a également appelé les médecins de ville à « arrêter leur activité ». Cette jonction avec les étudiants et autres corps de métier de la santé au au delà de l’hôpital est une très bonne chose pour amplifier le rapport de force.

Se pose enfin la nécessité d’une unité dans l’action avec la population et les usagers. La création de comités d’usagers est importante pour apporter toute la solidarité nécessaire aux travailleurs en lutte et permettre de grossir leurs caisses de grève pour tenir. La lettre ouverte à Macron publiée dans Le Parisien début octobre par 108 personnalités comprenant Vincent Lindon, Lomepal ou encore Richard Bohringer demandant d’assurer l’ouverture de lits, d’embaucher le personnel nécessaire et une revalorisation des salaires, est un point important. Par ailleurs, une donnée centrale, l’opinion publique est largement du côté des grévistes : un sondage paru fin septembre montre que 89% de la population est favorable au mouvement.

Il faut enfin remettre la mobilisation de ce jeudi dans un contexte social des plus explosifs pour Macron et son gouvernement. Alors que les gilets jaunes qui se sont soulevés en revendiquant notamment des services publics de qualité fêteront leur 1 an ce samedi, la perspective d’une grève générale à partir du 5 décembre contre la réforme des retraites pourrait permettre plus généralement de mettre un coup d’arrêt aux politiques austéritaires et autres coupes budgétaires d’un gouvernement pour qui les vies valent moins que les profits. Il faudra pour cela une convergence des différents secteurs en lutte à l’image des hospitaliers avec tous les secteurs de travailleurs mais aussi les gilets jaunes et la jeunesse. C’est ce « tous ensemble » qui pourrait poser les bases de la chute définitive de Macron.

Crédit photo : Aurore MESENGE. AFP

 
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