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La Izquierda Diario
14 de novembre de 2019 Twitter Faceboock

Affronter le coup d’État
Bolivie. Entre gouvernement putschiste et résistance populaire, Evo Morales veut “négocier”
Philippe Alcoy

L’offensive raciste, proto-fasciste, de la droite a réveillé la résistance des populations indigènes, paysannes et ouvrières. Evo Morales et son parti tentent de concilier et freinent la lutte contre le coup d’État.

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Les mobilisations de paysans, d’ouvriers et des populations indigènes se poursuivent en Bolivie contre le coup d’État de la droite, de la police et de l’armée bolivienne. Depuis mardi les manifestations sont massives dans la capitale, La Paz, mais aussi dans plusieurs régions du pays. La répression est énorme aussi. On parle déjà de dix morts officiels, dont huit par balle. Les images des attaques de la police envahissent les réseaux sociaux mais celles de la résistance aussi. Une situation dont le dénouement reste incertain, pouvant basculer vers une plus forte répression mais aussi vers une radicalisation des actions des masses.

Au-delà du fait que beaucoup de travailleurs et de paysans voient Evo Morales comme leur légitime président, ils ont une raison supplémentaire et sans doute plus profonde pour s’opposer à cette droite putschiste : la fierté indigène blessée. En effet, l’un des premiers actes des forces réactionnaires a été de brûler le drapeau Wiphala ; le drapeau qui représente les populations indigènes, devenu un symbole national, aussi important que le drapeau national, durant les années de gouvernement d’Evo Morales. Dans un pays où la majorité de la population est indigène ou d’origine indigène, ces actes racistes n’ont fait qu’éveiller une profonde indignation ; cela a été interprété comme « un appel à la guerre ». Ce n’est pas un hasard si dans plusieurs manifestations l’un des slogans les plus scandés ce soit « maintenant oui, guerre civile ! ».

El Alto, dans le département de La Paz, a été le principal foyer de résistance mais d’autres régions se sont jointes à la résistance comme Potosí, important centre minier, ou encore Cochabamba, deuxième ville du pays où l’armée a bloqué les manifestants pour les empêcher de pénétrer dans la ville pour y manifester. Ce jeudi, ce sont les paysans de Viacha qui ont rempli les rues de La Paz avec une manifestation impressionnante.

Nouveau gouvernement putschiste et revanchard

C’est en effet au milieu de ce scénario politiquement et socialement explosif que la présidente autoproclamée, Jeanine Áñez, a nommé un nouveau gouvernement. Ce gouvernement putschiste, dont la fonction serait d’organiser « le plus rapidement possible » de nouvelles élections, inclut plusieurs figures de la droite réactionnaire et raciste. C’est le cas notamment du ministre de l’intérieur, Arturo Murillo, homme d’affaires du secteur hôtelier et ex-sénateur. Aussitôt nommé ministre, celui-ci a déclaré menaçant : « je dis à tous ceux qui sont en sédition qu’ils vont aller en prison ».

Ces déclarations s’inscrivent dans la droite ligne du gouvernement putschiste. En effet, bien que la présidente autoproclamée Áñez ait déclaré respecter les populations indigènes et ait posé avec la Wiphala pour tenter calmer la situation et légitimer une « issue institutionnelle » au coup d’État, elle représente une aile ultra-réactionnaire du régime. Elle-même avait déclaré en 2013 qu’elle « rêvait d’une Bolivie débarrassée des rites sataniques indigènes ».

Ainsi, son gouvernement est marqué par un clair revanchisme et une offensive réactionnaire. Pour blinder l’alliance entre la droite blanche, catholique fondamentaliste et raciste et les forces répressives, l’une des premières décisions de la présidente a été de renouveler le haut commandement de l’armée (et cela malgré le fait que l’ancien commandement de l’armée avait « invité » Morales à démissionner) et d’octroyer quelques avantages à la police, pilier central du coup d’État.

Aussi, concernant les nouvelles élections, Áñez a déclaré qu’elle souhaitait que le Mouvement au Socialisme (MAS) d’Evo Morales se présente mais que ni ce dernier ni son vice-président, Alvaro García Linera, ne pourront se présenter. Sur un ton arrogant et revanchard elle a dit : « je veux dire aux membres du MAS qu’ils ont le droit de se présenter [aux élections] et [aussi] qu’ils se mettent à chercher un nouveau candidat ».

Le nouveau gouvernement putschiste cherche à proscrire ainsi Evo Morales et les membres de son parti plus ou moins influents, allant peut-être même jusqu’à les emprisonner sous des prétextes fallacieux. Une version un peu plus grotesque de la manœuvre mise en place au Brésil qui a abouti au coup d’État institutionnel contre Dilma Rousseff et à l’emprisonnement de Lula Da Silva qui a permis que Bolsonaro arrive au pouvoir. Ce n’est pas un hasard que le président ultra-réactionnaire brésilien soutienne le coup d’État en Bolivie.

Evo en appelle à la « négociation »

Dans ce contexte on pourrait croire que le président destitué pourrait appeler à une quelconque forme de résistance. Mais rien de tout cela. Evo Morales et son parti, le MAS, se sont au contraire montrés ouverts au dialogue et à la négociation avec les putschistes. Les députés du MAS ont appelé à « pacifier » la situation. Le sénateur Omar Aguilar a même déclaré : « notre objectif est de pacifier le pays, ce n’est pas de bloquer la gestion de transition de Jeanine Áñez ».

Evo Morales, depuis son exile mexicain, s’est déclaré prêt à rentrer en Bolivie pour « pacifier la situation ». Et dans un autre tweet, a fait appel à l’ONU, aux « pays amis » d’Europe, à l’Église catholique et au Pape, afin qu’ils interviennent dans la situation pour mettre fin à la violence. Insolite vraiment. Alors que la droite revancharde ne jure que de mettre en prison les membres du MAS, d’empêcher Morales de se présenter à d’éventuelles élections, alors qu’elle humilie les populations indigènes et réprime les manifestants, Evo Morales espère dialoguer avec elle.

C’est exactement la même politique de recherche d’alliances avec des secteurs de la droite qui a permis le renforcement des forces réactionnaires, certaines proto-fascistes, au sein de la société bolivienne tout au long des années de gouvernement du MAS.

Mobilisation ouvrière et paysanne et auto-organisation pour écraser la réaction

C’est pourtant tout le contraire qu’il faudrait faire en ce moment, comme des milliers d’ouvriers, de paysans, d’indigènes et de femmes mobilisés contre le coup d’État dans tout le pays sont en train de le démontrer. Face à la réaction raciste, à la répression de la police, de l’armée et des groupes proto-fascistes, les travailleurs et les paysans doivent s’organiser ; mettre en place des cadres d’auto-organisation dans les lieux de travail, dans les quartiers populaires, dans les lieux d’étude. Ce n’est qu’un tel rapport de forces qui pourrait garantir la résistance et la victoire face à la réaction.

Aux côtés de nos camarades de la Ligue Ouvrière Révolutionnaire (LOR-CI) de Bolivie nous dénonçons le coup d’État de la droite contre Evo Morales ainsi que la persécution contre les élus et militants du MAS et d’autres organisations sociales et ouvrières. Cependant, cela ne nous engage nullement dans un quelconque soutien politique au MAS et à sa politique qui a permis le renforcement de la droite et qu’aujourd’hui est en train de semer la confusion parmi tous ceux et toutes celles qui se battent contre la réaction et de trahir la mobilisation populaire.

En ce sens l’auto-organisation des travailleurs, des paysans, des indigènes, des étudiants, des femmes doit servir à décider de la direction de leur mouvement mais aussi à lutter dans la perspective d’une Assemblée Constituante Libre qui permette aux travailleurs, aux paysans et aux classes populaires de décider de toutes les questions de la vie politiques, économiques et sociales du pays.

 
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