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La Izquierda Diario
18 de novembre de 2019 Twitter Faceboock

Jeunesse précaire : il est temps de commencer la bataille pour le futur !

Aujourd’hui, il n’y a pas de perspective pour ceux d’entre nous qui ont moins de 35 ans. Ce n’est pas seulement la routine ou la précarité qui nous écrase et nous aliène, c’est le travail "temporaire" qui devient - si nous ne sommes pas licenciés - permanent. Nous ne pouvons pas évoluer dans nos emplois, boucler nos fins de mois, nous loger, travailler ou étudier où bon nous semble. Ils veulent que nous soyons la première génération à perdre massivement nos droits, mais ne pourrions-nous pas être celle qui vivra mieux que ses parents ?

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Crédits photos : Mohamad Omra

La jeunesse : nouvelle armée de réserve ?

« Quand on est jeune, travailler 35H ça n’est pas assez » déclare Macron. Derrière une citation méprisante, une vision de la jeunesse comme marchandise malléable. Quel rôle pour la jeunesse dans le marché du travail ? A quoi peut-on aujourd’hui aspirer en finissant nos études ? Quels jobs les jeunes occupent-ils ? Il y a en France 2 780 milliers de jeunes de 15 à 24 ans qui font partie de la population active, c’est à dire de ce qui cherchent ou occupent un emploi. Parmi cette jeunesse, pour ceux qui travaillent, ce sont les emplois de courte durée qui dominent, avec 35 % des 15-29 ans en contrat précaire (CDI, intérim apprentissage) contre 9 % pour les 30-49 ans. Enchaîner des tafs de merde, ça connaît la jeunesse, considérée par les employeurs comme une marchandise bon marché. Il y a donc 596 000 jeunes, de 15 à 24 ans qui cherchent du travail sans en trouver, soit plus d’un millions de jeunes qui ne peuvent contribuer à « sortir le pays de la crise en travaillant ».

« Mais avec un vélo et ton téléphone tu peux être ton propre chef, et travailler quand tu veux »

Pourtant, l’émergence de nouvelles formes de travail -avec l’auto-entreprenariat et la multiplication des plateformes comme Deliveroo- ne signifie absolument pas pour les travailleurs de bonnes conditions de travail. Les livreurs, parce qu’ils sont employés au statut d’auto-entrepreneurs, ne gagnent pas un salaire mais un chiffre d’affaire, auquel il faut retirer les cotisations de 25 %, l’entretien du scooter/vélo, le forfait du téléphone, etc. ; et ils n’ont pas le droit aux cotisations chômage, retraites, aux congés payés ect. De plus, les travailleurs de ces secteurs font face à une répression forte vis à vis du droit de grève, et tout est fait pour les empêcher de se mobiliser.

"Les conditions de travail ne sont pas les meilleures, mais pour être quelqu’un dans la vie, il faut étudier »

Face à cette injonction, il est nécessaire de rappeler la réalité de l’université aujourd’hui, tant du point de vue des modalités d’accès aux études, que de celui du quotidien d’un étudiant. L’immolation d’Anas, vendredi 8 novembre, a mis sur le devant de la scène la précarité meurtrière que subit la jeunesse au quotidien. La précarité est une réalité amère pour les étudiants, avec 23% des étudiants qui vivent sous le seuil de pauvreté, soit avec moins de 600 euros par mois 2018. Et les conditions d’études sont loin d’être optimales pour tout le monde. D’autant moins dans un moment où le gouvernement prend la décision d’augmenter les frais d’inscriptions pour les étudiants étrangers, discriminant ainsi une partie de la jeunesse. Il faut ajouter à cela, la sélection qui s’accentue à l’entrée de l’université avec l’instauration de Parcours Sup, et les centaines de personnes qui se retrouvent sans-fac à la rentrée de septembre. Le fait de « faire carrière » devient alors tout à fait relatif, d’autant plus qu’une grande majorité des étudiants doit travailler pour financer leurs études. Ceux qui travaillent doivent surmonter les obstacles dus aux éventuelles absences en cours, certaines formations empêchent même les étudiants de travailler. Et cerise sur le gâteau, personne n’est sûr d’avoir un emploi à la sortie de l’université. En effet, les perspectives ne sont pas meilleures non plus une fois que les étudiants sont diplômés parce qu’ils sont forcés de passer sur le marché du travail et soit d’enseigner dans un système éducatif de plus en plus abandonné ou de se diriger vers des emplois précaires chez Deliveroo ou MacDo. La promesse d’une promotion sociale par le biais de la formation professionnelle ne semble que générer davantage de surqualification, et de travailleurs qui ne trouveront pas de place sur le marché du travail.

Reconquérir notre identité.

En 2011, Guy Standing, économiste, professeur et chercheur britannique, a publié le livre La précarité : Une classe nouvelle et dangereuse. Là, il avance une hypothèse selon laquelle une nouvelle classe sociale, le précariat, émergerait comme un nouveau secteur capable, selon les mots de Daenarys Targaryen, de "casser un cycle". L’auteur distingue les travailleurs précaires des "travailleurs classiques", c’est-à-dire ceux qui n’ont pas d’horaires de travail fixes, et qui sont victimes de l’instabilité et de l’insécurité de l’emploi, qui empêchent de pouvoir se projeter et penser à son avenir tant ils le rendent incertain.

Que la classe ouvrière soit fragmentée n’est pas une nouveauté, mais, Standing, dans son analyse des conditions des nouvelles générations de travailleurs et des nouvelles formes que prend le travail, finit par nous enlever même notre condition de travailleurs ! Au contraire, les précaires, au même titre que la classe ouvrière sont ceux qui peuvent gagner leur vie seulement en vendant leur force de travail en échange d’un salaire. Si le salariat s’est généralisé à l’échelle mondiale, l’interrogation que propose Standing sur la subjectivité d’une nouvelle génération de travailleurs (travail précaire, non déclaré, et intérimaires) mérite d’être étudiée.

Standing explique que le précariat a une relation instrumentale, opportuniste et précaire avec le travail. Instrumentale parce que c’est un moyen de survivre, opportuniste du fait de ce qu’il obtient, et précaire parce que le travail est précaire. Il appuie également le fait que ce secteur ne perçoit pas la majorité de son salaire sous sa forme monétaire, c’est-à-dire sans les avantages salariaux du secteur privé et les réglementations de l’Etat. Une grande partie de ce secteur avec un emploi sans salaire ou avantages salariaux, un travail non rémunéré : la recherche d’emploi comme travail précaire. Il faut voir que les nouvelles formes de travail sont des retours en arrière a des formes de salariat qui rappelle le début du 20eme siècle, le travailleur deliveroo n’a pas de contrat de travail, n’est pas assuré en cas d’accident, il n’a aucune protection.

En résumé, on peut affirmer qu’il y a une nouvelle génération de jeunes sans emploi stable qui occupent des emplois précaires qui n’offrent aucune possibilité de mobilité sociale et sans espoir d’avoir un logement, un salaire décent, en résumé : sans aucune perspective d’avenir. Cette nouvelle génération se retrouve interdite de toute forme d’ascension sociale, par le biais d’un diplôme, une nouvelle génération sans possibilités de construire une carrière ou d’obtenir un emploi qui permette un développement personnel, professionnel ou social. En bref, un présent d’efforts et d’angoisse qui ne dessine pas le chemin d’un avenir plus clair, mais qui au contraire, s’empire et s’obscurcit.

Les prémisses de l’expression d’une colère. Une colère visible ?

Comment cette colère s’exprime-t-elle dans l’arène politique ? Il y a une situation de lassitude et d’incrédulité des partis politiques traditionnels et de l’establishment, mais les processus électoraux peuvent encore absorber, pour la plupart, les actions de rue. Cela se traduit d’un côté par une polarisation à droite avec l’émergence de Ciudadanos en Espagne, ou Trump et Bolsonaro. Mais aussi par l’explosion des phénomènes sociaux et politiques de la jeunesse tels que l’occupation de Wall Street, les indignés, , #YoSoy132, et le grand nombre de voix que les travailleurs de moins de 35 ans ont donné à Bernie Sanders aux États-Unis, à Corbyn au Royaume-Uni, à Podemos dans l’État espagnol ou LFI qui représentait en 2017 une certaine rupture des instances politiques et économiques traditionnels. Cependant cette issue électorale qui avait pu séduire une partie de la jeunesse étudiante et précaire s’effondre au moment de l’irruption au niveau international de la jeunesse sur le terrain de la lutte des classes (Chili, Equateur, Irak, Catalogne).

La stagnation et l’aggravation des conditions de vie des jeunes (le nid dans lequel cette colère éclot) peuvent encore être représentées et canalisées dans une large mesure par des processus électoraux, qui permettent également la montée des partis d’extrême droite. Cet éventail de possibilités rend plus urgente la discussion sur le programme et la stratégie que l’on veut porter, et vers quelle direction on voudrait aller. On peut distinguer trois issues qui s’offrent à nous :

La sortie à droite : augmentation du chômage, perte du pouvoir d’achat, ajustement du budget de la santé et de l’éducation, plus d’implantations, plus de précarité, "semi-esclavage", répression, réforme du travail, la servante écarlate, 1984, dystopie, échec. C’est la sortie que Trump, Bolsonaro, et d’autres gouvernements de la droite qui n’arrivent pas à appliquer ce programme du fait de la réponse de la classe ouvrière, que ce soient les gilets jaunes, les équatoriens qui ont fait reculer le FMI, ou la jeunesse Honkongaise.

La solution " progressiste " proposée par Guy Standing : le revenu de base universel. Un revenu universel et sans restriction, pour ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas, mais qui ne transformerait pas la relation d’exploitation entre les classes, et encore moins l’inégalité. Dans le cadre de cette politique, nous pourrions également inclure des variantes (comme le kirchnerisme en Argentine ou LFI) qui prétendent qu’il peut y avoir un capitalisme sérieux, plus responsable, ou du moins un capitalisme qui cesse de se dégrader. A l’heure où les Etats détruisent les acquis sociaux ou promeuvent des contre-réformes. A l’heure où l’économie internationale ne se redresse pas et court vers la crise, n’est-il pas utopique de croire que les hommes d’affaires vont renoncer à une partie de leurs "profits" ? Standing ne dit pas que les gouvernements et les hommes d’affaires céderont parce qu’ils sont de bonnes personnes, mais plutôt que le précariat se doit de chercher de nouvelles et meilleures façons de négocier avec l’Etat et le secteur privé, et il rejet par cela tout type d’intervention dans les "vieux" syndicats de la classe ouvrière. En bref : soit nous faisons confiance aux anciens politiciens du régime pour nous jeter un bout de pain. Soit nous recommençons à zéro la tâche d’organiser les nouvelles générations de travailleurs, mais séparément de l’ancien prolétariat, de ses organisations et de sa tradition. Tout cela pour conquérir suffisamment de force et ainsi obtenir, par la négociation, que les gouvernements et les entreprises arrêtent de faire peser la crise aux dépens des travailleurs (de toutes les générations). Ugh, on peut encore attendre longtemps.

Pourquoi ne pas réfléchir à la manière de résoudre structurellement les contradictions d’un système capitaliste en déclin et qui n’a plus rien à nous offrir ? Le développement actuel des moyens de production permet non seulement d’éradiquer la faim dans le monde, mais aussi de réduire le temps d’une journée de travail ainsi que de le répartir différemment. Dans cette perspective, le revenu universel pourrait non seulement être une réalité, mais il pourrait même être dépassé par une nouvelle organisation sociale qui discute démocratiquement et de façon planifiée de l’économie, qui laisserait du temps pour les loisirs créatifs, les sciences, les arts, les sports, les voyages et, en bref, le développement individuel et social. Si on aspire à tout cela, pour le rendre possible, il faut non seulement attaquer les intérêts des capitalistes, mais aussi y mettre fin. Comme le dit Nicolás Del Caño, auteur du livre « « Rebelle ou précarisée, vie et avenir de la jeunesse au temps du FMI. » :

« ... que le travail existant est réparti également entre tous les travailleurs permet de résoudre à la fois le chômage et le sous-emploi dans un pôle, ainsi que la réduction de la journée de travail et de mettre un terme aux jours prolongés dans l’autre. En même temps, établir un salaire en fonction des besoins sociaux et qui suit automatiquement le mouvement de l’inflation. »

Les défis qui s’imposent alors à nous, sont nombreux. Il s’agit de construire une gauche anticapitaliste qui discute du monde que nous pouvons construire, qui entreprend la tâche d’organiser la classe ouvrière, de réaliser la plus large unité des rangs de la classe ouvrière qui sont atomisés aujourd’hui, qui lui donne une stratégie pour organiser la victoire des différents mouvements que nous voyons dans le monde, et qui luttent aussi pour les aspirations de la classe ouvrière. Il s’agit de construire un grand parti révolutionnaire à la hauteur des événements qui se préparent. Face à l’accélération de la lutte des classes au niveau mondial, et le nouveau cycle qu’on ouvert les gilets jaunes, il s’agit de se préparer aux crises potentiellement pré-révolutionnaires et révolutionnaires qui vont arriver. La jeunesse étudiante et travailleuse a un rôle à jouer dans les luttes qui se dessinent. Au Chili, en Irak, en Catalogne, les jeunes sont en première ligne des luttes, et font preuve d’une détermination et d’un courage qui met en branle les gouvernements. La jeunesse précaire, étudiants et travailleurs peuvent jouer un rôle dans les luttes à venir.

Face à une précarité et une souffrance individuelle qui devient insupportable, comme l’a montré Anas, il est temps de s’organiser pour une révolte collective. Comme le disent les gilets jaunes : « Nous ne voulons pas la baguette, nous voulons la boulangerie ! », exigeons le droit à la vie, aspirons à une société sans oppression et exploitation, organisons-nous pour faire payer la crise aux capitalistes !

 
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