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La Izquierda Diario
19 de novembre de 2019 Twitter Faceboock

L’école de la bienveillance ?
Le rapport Toubon relève les violences subies par les enfants à l’école
Marion Dujardin, enseignante dans le 93

Si le rapporteur des droits finit lui aussi par s’inquiéter de la violence dans les institutions publiques, en particulier dans l’éducation nationale, et sort un rapport c’est que le mal-être devenait difficile à cacher.

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Les élèves du lycée Angela Davis à Saint-Denis se sont mobilisés mardi 19 novembre devant le lycée, afin de lutter contre les violences qu’ils subissent au quotidien

À « l’une des meilleures rentrées » de Blanquer s’est rapidement opposée l’une des pires pour les profs et les élèves qui, dans un climat tendu par l’application des réformes, ressentent la casse accélérée de l’éducation publique. Quand la violence se traduit à l’école par des agressions, du harcèlement, du jeune Kewi poignardé à mort il y a un mois aux coups de couteaux reçus par des élèves du lycée Angela Davis à Saint-Denis vendredi dernier, quand les violences sociales et scolaires finissent par se confondre, où donc est-elle l’école de la bienveillance ?

Violence et souffrance pour les enfants dans l’éducation nationale

Le rapport de Jaques Toubon présenté lundi a le mérite de pointer le fait que le désinvestissement de l’État dans les institutions publiques à un effet sur les corps, les esprits et se traduit en définitive par de la violence et de la souffrance. Si le drame de la rentrée dans l’Éducation nationale c’est le suicide de Christine Renon qui met en lumière une souffrance généralisée dans l’éducation nationale, les élèves eux ne sont pas en reste et ressentent évidemment les effets de la casse organisée du service public. Ainsi, mardi matin le défenseur des droits de l’homme sur France Info, Jacques Toubon, faisait le constat suivant ; « Ce que je dis là s’adresse à l’État, mais aussi aux collectivités locales, aux communes. Incontestablement, il y a eu dans ce domaine aussi, malheureusement, un recul du service public. Et les droits de l’enfant ne peuvent pas être respectés si les institutions n’ont pas les moyens de le faire ».

De l’école maternelle, avec le suicide d’une directrice remettant en cause ses conditions de travail et le rôle de l’institution, aux collèges surpeuplés et sans moyens, avec un taux d’encadrement restreint, en passant par les lycées, avec leur parcours individualisé sans cadre, sans suivi des élèves, auquel s’ajoute une dégradation de l’école publique accélérée par les réformes Blanquer, une violence sociale, et une précarité grandissante, le cocktail est parfait pour des explosions systémiques d’élèves en souffrance que l’on dit « décrocheurs » mais qui n’ont tout simplement pas l’espace d’étudier dans des conditions normales. Le climat s’est tendu depuis la rentrée et le rapporteur des droits de l’Homme de souligner que 6% des collégiens ont manqué des cours par peur de la violence et 22% estiment qu’il y a de la violence dans leur établissement et qu’un enfant sur dix est victime de harcèlement scolaire sans nous expliquer pourquoi cette violence et comment la résorber.

De la violence sociale entremêlée à une casse organisée de l’Éducation publique

Oui, les enfants sont parfois violents, à l’image de la société qui leur est proposée. Il n’y a en effet pas de scolarité « normale » pour ceux qui se lèvent le ventre vide, qui ne peuvent pas prendre une douche chaude, qui ne dorment pas, dont les parents n’ont pas d’emploi ou cumulent les emplois précaires mal payés et épuisants.

Comment alors prétendre à une égalité des chances devant l’éducation ? Si le rapport de Jaques Toubon cherche à pointer un état de faits et met en cause la responsabilité de l’État face à son désinvestissement dans le secteur public, il ne dénonce pas en revanche la perméabilité entre les conditions de vie des élèves et leurs conditions de scolarité qui fait que la violence, en définitive, fait système dans une société basée sur le profit où de larges couches de la population sont précarisées et où leur conditions d’accès à une scolarité dégradée ne se fait pas sans difficulté.

C’est ce qu’est par ailleurs venu nous rappeler cruellement le jeune Anas, il y a quelques jours, en s’immolant devant le CROUS de Lyon. Les conditions de vie des jeunes élèves viennent se heurter à une scolarité durant laquelle on leur demande de marcher au pas, de se concentrer, d’être constamment évalués, en somme d’être rentable, ce qui n’a d’autre visée que de les préparer à charbonner.Ce rapport à la scolarité et à la société a de quoi être peu enthousiasmant. C’est donc le déchaînement de rage face à ces injustices qui conduit parfois ces enfants au pire de la violence, des raccourcis qui se terminent mal lorsqu’ils finissent par s’en prendre à d’autres enfants ou aux profs.

Après le décès de Kewi, qu’est-ce qui a changé ?

Il y a quelques semaines, le jeune Kewi, lycéen à Aubervilliers se faisait poignarder par d’autres jeunes en s’interposant dans une bagarre.

Le décès de l’adolescent a ému largement mais pourtant, vendredi dernier devant le lycée Angela Davis à Saint Denis, c’est un nouveau règlement de comptes entre jeunes qui explose au cours duquel l’un d’entre eux finit grièvement blessé par des coups de couteau à la cuisse. Les institutions dans les deux situations ont géré de la même façon : cellule d’écoute, discussion, temporiser et surtout temporiser ! À aucun moment des moyens n’ont été alloués que ce soit du côté de la scolarité, en matière d’encadrements supplémentaire, ou du côté des possibilités des activités extra-scolaires, laissant les élèves laissés à eux-mêmes et à la rue. Blanquer avait voulu faire de la mort de Kewi un fait divers, un acte isolé.

Face à la mort du jeune homme, il répondait unilatéralement par la sanction, pas étonnant pour celui qui envisageait l’an passé la présence de policiers dans les établissements. Au lycée Angela Davis, le recteur de l’Académie de Créteil est venu annoncer qu’il allait "réfléchir". Face à ce mépris, l’équipe éducative a donc décidé de faire jouer son droit de retrait. Pendant qu’il réfléchit et que Blanquer n’a comme réponse que l’ordre et la rigueur, se défaussant du malaise qu’il a orchestré, les travailleurs de l’éducation n’ont pas besoin eux de beaucoup réfléchir. Ils savent que l’urgence se situe du côté des moyens alloués et notamment des besoins urgents en personnel éducatif CPE, AED, AP, AESH et professeurs mais également du côté du retrait des reformes Blanquer qui ont détricoté l’organisation des lycées, laissant les élèves dans l’incompréhension de ce nouveau format de scolarité. La rhétorique de la bienveillance ou celle de l’ordre comme seul moyen alloué face à la violence commence à poser ses limites. La limite c’est surtout celle d’un projet de société qui, excluant une partie de la société en la condamnant à la précarité, a créé le terreau d’une violence devenue quotidienne pour une jeunesse qui a besoin de retrouver confiance en un projet d’avenir, en une autre société qui lui promettrait autre chose que la violence, la misère, le mépris et les emplois précaires.

 
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