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La Izquierda Diario
27 de novembre de 2019 Twitter Faceboock

Accumulation des colères contre Macron : nouvelle journée de mobilisation des agriculteurs.
Tristane Chalaise

Alors que le gouvernement va devoir se confronter à un mouvement social qui s’annonce de plus en plus massif à partir du 5 décembre, les agriculteurs et agricultrices ont organisé ce mercredi leur 4e journée de mobilisation depuis la rentrée. La FNSEA, syndicat majoritaire dans la profession agricole, et les Jeunes Agriculteurs ont en effet appelé à organiser différentes actions à travers la France. Ils dénoncent la grande précarité dont est victime une part de plus en plus large de la profession et l’absence de mesures concrètes du gouvernement, en dépit de ses promesses.

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Crédit photo : Le Télégramme / Claude Prigent

Alors que vont commencer en décembre les négociations commerciales fixant les prix agricoles pour l’année 2020, les agriculteurs et agricultrices ont souhaité ce mercredi « interpeller » une nouvelle fois le gouvernement. En cause, la précarité et le mal être de plus en plus grand du monde agricole, ou, comme l’annonce le communiqué publié par la FNSEA, syndicat majoritaire dans la profession agricole, et les Jeunes Agriculteurs (JA) « 20 % des agriculteurs ne peuvent pas vivre de leur métier ». C’est en effet le chiffre annoncé par le dernier rapport publié par l’INSEE, qui montre que dans les domaines de la grande culture et de l’élevage (hors bovins), le chiffre d’exploitant.e.s agricoles avec un revenu nul ou négatif peut même atteindre les 30 %. On peut souligner que ces difficultés financières, cumulées à un isolement et un sentiment de marginalisation de plus en plus grand de la profession, ont un impact brutal sur les individus : les agriculteurs et agricultrices connaissent un taux de suicide supérieur à la moyenne de 12 %, avec environ un suicide par jour.

Le 23 septembre dernier, les premiers « feux de la colère » ont ainsi été allumés autour de plusieurs grandes villes françaises à l’appel des principaux syndicats agricoles. En l’absence de réaction du gouvernement, une action de blocage des grands axes routiers français a été appelée le 8 octobre, réunissant d’après la FNSEA 10 000 agriculteurs avec 6 000 tracteurs sur 100 points de blocage ; puis le 22 octobre dernier, les exploitant.e.s et leurs tracteurs se sont retrouvé.e.s devant toutes les préfectures et sur plusieurs ronds-points stratégiques autour du mot d’ordre « Macron, réponds-nous ! ». Ce mercredi 27 novembre, la mobilisation est montée d’un cran. Plus de 1 000 de tracteurs, venus des régions Hauts-de-France, Normandie, Ile-de-France, Grand-Est, Centre-Val-de-Loire et Bourgogne-Franche-Comté ont roulé sur Paris dans le but de se rendre devant le palais de l’Elysée, bloquant le périphérique pendant plusieurs heures. Finalement bloqués par les CRS, 200 d’entre eux sont tout de même parvenus à atteindre les Champs-Elysées et ont symboliquement déversé de la paille devant le Fouquet’s, haut-lieu de la bourgeoisie parisienne.

Dans le reste de la France, d’autres actions ont été menées par les agriculteurs et agricultrices. Ainsi, en Rhône-Alpes, la préfecture a annoncé que les agriculteurs avaient bloqué partiellement trois autoroutes (A466, A6 et A47) autour de Lyon, avec des tracteurs arrêtés et des pneus brûlés sur les voies. A Toulouse, les manifestant.e.s se sont rendu.e.s au MIN (Marché d’Intérêt National, où les produits alimentaires sont vendus à des grossistes) et dans plusieurs grandes enseignes pour effectuer des relevés des prix. En Auvergne, des agriculteurs de la région, mais aussi de la Loire et de la Creuse, se sont rejoints pour une action dans la matinée sur l’A71, près de Clermont-Ferrand. 

Visant le gouvernement et la grande distribution, ces actions rendent compte des craintes des exploitant.e.s agricoles, qui se sentent victimes d’un « agribashing » au sein de la société française. Tout en dénonçant une « réglementation qui ne permet pas la compétitivité et une répartition de valeur qui ne garantit pas une juste rémunération », ils en appellent paradoxalement à une application plus stricte de la loi en ce qui concerne les prix garantis aux agriculteurs et agricultrices. Ils s’opposent ainsi, d’après le communiqué de la FNSEA, aux « accords commerciaux internationaux » notamment dans le cadre du Mercosur et de la CETA, qu’ils considèrent comme la mise en place d’une concurrence déloyale provoquant un appauvrissement de la profession. Si les différents accords internationaux comme le CETA viennent effectivement appauvrir les petits agriculteurs pour permettre à de grandes multinationales d’accéder aux marchés publics, et ce au détriment de toute considération environnementales, sanitaires et sociales ; pour autant la solution ne se situe pas dans plus de « compétitivité française » ou par plus de libéralisme comme le prône la FNSEA mais dans la lutte contre ceux qui orchestrent ces mesures. Il est nécessaire de pointer la responsabilité du gouvernement français mais aussi des grands patrons français dans la mise en place de ces mesures et se battre pour en finir avec une agriculture capitaliste fondée sur la mise en concurrence des marchés internationaux et l’exploitation des sols et des travailleurs agricoles - qui voue à la ruine les plus petits producteurs et condamne ceux qui s’en sortent encore à la survie.

Car, la FNSEA est liée à certains secteurs agro-industriels bien que depuis la succession de Xavier Beulin, l’image de marque ait été retravaillée. Or, une agriculture capitaliste « made in France » ne sauvera pas les agriculteurs. Un système qui, après avoir épuisé les sols, ne peut plus survivre avec des rendements suffisants sans recourir aux intrants phytosanitaires qui arrangent et engraissent des vendeurs de mort, face aux poisons desquels les agriculteurs se trouvent en première ligne. Stopper urgemment l’utilisation des produits phytosanitaires les plus dangereux est une mesure d’urgence de santé publique (tant pour les usagers que pour les producteurs) et de protection de l’environnement et de la biodiversité nécessaire. Les exploitants agricoles se retrouvent dans cette situation entre le marteau et l’enclume et peuvent être présentés par l’Etat comme des « pollueurs », parce qu’il ne met aucunement les moyens d’améliorer quoique ce soit à la situation. Les agriculteurs n’ont rien à gagner à suivre la politique anti-sociale de la FNSEA qui joue pour les plus gros exploitants agricoles et les grosses boîtes d’agro-chimie en s’appuyant sur la colère de ceux qui ont le couteau sous la gorge que ce soit pour exploiter plus durement les saisonniers et les salariés agricoles ou empêcher la limitation de l’usage de pesticides. Défendre aujourd’hui une rupture avec ce modèle agricole qui conduit à la ruine et crée des problèmes sanitaire chez les consommateurs permettrait de tisser des alliances avec ces mêmes consommateurs, avec les travailleurs. contre les marchands de mort et la grande distribution qui se gavent en créant la misère et contre le gouvernement qui ne permet pas aux agriculteurs de s’émanciper du cercle vicieux de l’endettement.

Il ne s’agit en dernière instance ni d’une question de « patriotisme économique », ni de « production de chez nous » : défendre une agriculture paysanne de qualité, la seule alternative à la disparition progressive à laquelle sont condamnés les petits exploitants, impliquerait de renverser la donne. La seule solution à la crise structurelle que traversent les campagnes françaises et le monde agricole passerait par une refonte complète des filières sous contrôle d’une agriculture paysanne, des travailleurs de l’agro-industrie et des consommateurs. Les petits éleveurs n’en ont pas moins raison de se battre pour un revenu décent et des conditions de vie dignes. Mais leurs ennemis, ce ne sont pas les agriculteurs d’autres pays, qui sont y compris exploités voire parfois privés de terre qui sont accaparées par de grands propriétaires terriens, mais les banques qui les condamnent à l’endettement, une grande distribution qui les écrase et un gouvernement qui se situe du côté de ces deux dernières.

 
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