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La Izquierda Diario
30 de septembre de 2015 Twitter Faceboock

Blairisme et parti travailliste, la rupture consommée ?
Stiglitz et Piketty, les stars de l’économie dans la nouvelle clique de Jeremy Corbyn

Yano Lesage

Nouvellement élu à la tête du parti travailliste, Jeremy Corbyn vient d’engager les deux économistes « stars » du moment à la refondation du programme du Labour. Le pourfendeur des inégalités et auteur du célèbre best-seller « le Capital au XXIème siècle », Thomas Piketty, et le prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz, connu pour ses diatribes anti-austérité. Voilà de quoi sortir définitivement le parti du mauvais tournant blairiste engagé il y a quelques années... Et pourtant, cet entourage pourrait bien servir à révéler le grain de sable sous le capot du candidat Corbyn et toutes les limites qu’il y a à croire un possible dépassement de la crise capitaliste dans l’option proposée actuellement par le candidat du Labour.

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Stiglitz et Piketty, un profil impertinent, vraiment ?

Chacun à sa manière, ils incarnent le rôle de trublions de l’ordre de la pensée économique mondiale. Pour avoir claqué la porte de la Banque Mondiale en 2000, après y être entré en 1996, pour ensuite critiquer les politiques d’austérité imposé par le FMI, ses programmes de privatisations, le monolithisme orthodoxe de la pensée économique de ceux qui dirigent ces institutions, les mensonges entourant les politiques de développement, le prix Nobel Joseph Stiglitz passe pour un insider révolté. Après avoir été formé et enseigné dans les grandes institutions de dispense de la pensée économique mondiale de l’après-guerre, notamment au Massachusset Institute of Technology (MIT), il a été une des figures de proue d’un retour de certaines idées keynésiennes au cours des années 1980, opposant à la doxa monétariste de l’Ecole de Chicago incarné par Milton Friedman et le « consensus de Washington », la pensée néo-keynésienne.

Du côté de Thomas Piketty, la sortie de son ouvrage « le Capital au XXIème siècle » en 2013, a fait l’effet d’une bombe en librairie. Du jamais vu pour un ouvrage d’économie. Avec un titre sulfureux, remettant au goût du jour celui si célèbre de l’infréquentable Karl Marx, le « Capital au XXIème siècle » a arraché la place des meilleures ventes de l’année. L’extase de la nouveauté certainement. Quoi de plus irrévérencieux que de s’en prendre au Capital, à l’heure où il saute aux yeux ce qu’aucun économiste orthodoxe n’ose pointer du doigt : le déroulement, sous nos yeux, de la plus grande crise capitaliste depuis 1929 et ses fondements. Dommage que la réflexion s’arrête au titre, pour ne s’attacher qu’à la structure et l’évolution de l’inégale partage des richesses entre les tenants du capital et les travailleurs.

La lignée keynésienne et le sauvetage du capitalisme

Impertinents donc, ces deux économistes ? Pas si sûrs. Car s’ils incarnent une figure de radicalité dans un paysage de la pensée économique, très fortement ancré à droite, dans un libéralisme acharné, à la botte des puissants intérêts économiques qui structurent l’économie mondial, ils n’en sont pas moins défenseurs, en dernière instance, du capitalisme et de l’économie de marché, tout comme Keynes avant eux. C’est dans ces moments de crise aiguë que le capitalisme cherche des voix de sortie lui permettant de survivre, y compris de manière altérée. John Magnard Keynes, à son époque des années 1930, a incarné cette voix de sortie : en prônant des politiques de relance, de retour au plein emploi, en réduisant les inégalités, en rendant le capitalisme « plus supportable », Keynes a été le meilleur atout des puissants dans leur lutte contre les idées marxistes et les velléités de renversement de l’ordre économique.

De l’inclassable Piketty au néo-keynésien affirmé comme Stiglitz, la filiation keynésienne est ce qui les relie : l’un parce qu’obsédé par la question des inégalités, n’envisage pas la remise en cause du rapport capital-travail et de l’exploitation qui le constitue – le travailleur reçoit le juste salaire de sa productivité, et toute remise en cause de cela empêcherait la loi du marché concurrentiel de s’appliquer- mais déplace le curseur sur la question de la redistribution qui doit rendre cette exploitation supportable. L’autre parce que, cernant l’absurdité de la conception orthodoxe d’une concurrence pure et parfaite – qui n’existe que dans la tête des économistes- inatteignable et inefficace du point de vue du capital, s’en remet à l’Etat pour impulser la croissance et le taux de profit. Tous deux sont favorables à l’économie de marché, ou plutôt pour un retour à son format « Trente Glorieuses », du bon vieux temps où l’exploitation subsistait sans se faire trop sentir, du moins pour les populations des pays centraux qui en profitaient. Rien de très nouveau sous le chapeau finalement, ni de bien radical, pour ce qui constitue la nouvelle clique de conseiller de la tête du Labour, Jeremy Corbyn.

Corbyn et l’anti-austérité

De même, Corbyn au sein du Labour adopte ce profil anti-establishment, d’inclassable, et a suscité une véritable sympathie pour ses idées de gauche au sein du paysage britannique, pour sa lutte sur le terrain également, loin de la politique politicienne qui sévit au sein de Labour. Et pourtant, le choix de ses conseillers est aussi révélateur de sa politique à venir. Un programme anti-austérité qui ne fait que plus de peur que de mal aux grands patrons qui le comparent déjà au prochain Syriza.

Effectivement, dans un contexte d’effondrement du capitalisme, les possibilités de l’amender s’amenuisent. Tsipras en a effectivement fait les frais. Et ce n’est pas le choix des conseillers de Corbyn qu’on imagine aussi prompt à faire appliquer les mesures d’austérité, si elle venait à éviter un effondrement du système économique capitaliste, qui viendrait inverser cela, quel que soit leur popularité. Un grain sous un capot bien rutilant donc, dont la pâtine de gauche risque bien de s’effriter au contact des institutions.

 
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