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La Izquierda Diario
1er de janvier de 2020 Twitter Faceboock

Edito
Bataille des retraites : pas de compromis possible, c’est maintenant qu’il faut généraliser la grève !
Mahdi Adi

Mis à l’épreuve par la période des fêtes de fin d’années, le mouvement de grève contre la réforme des retraites s’apprête à connaître un nouveau moment charnière avec la rentrée scolaire. Alors qu’à la RATP et à la SNCF les grévistes en sont à leur 28ème jour de mobilisation pour le retrait pur et simple de la réforme sans négociation, le retour des profs, de la jeunesse, et la nécessité de l’élargissement au secteur privé avec la généralisation de l’arrêt des raffineries peut permettre d’opérer un tournant dans la grève.

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Crédit photo : O’Phil des Contrastes

« Finalement il n’y a pas eu de trêve »

Le mouvement de grève contre la réforme des retraites arrive à son 28ème jour, et se hisse ainsi au rang de la plus longue grève reconductible et interprofessionnelle depuis mai 68. C’est dans ce contexte qu’Emmanuel Macron a appelé dans son allocution le soir du 31 décembre à « trouver la voie d’un compromis rapide » « avec les syndicats qui le veulent ». Après avoir joué la carte du pourrissement pendant la période des fêtes de fin d’année, en appelant à une « trêve de Noël  » respectée sans complexe par la direction de l’UNSA qu’a refusé des syndicats régionaux, mais à l’issue de laquelle les grévistes ont continué à paralyser les transports en commun et à entretenir la mobilisation contre Macron et sa réforme, il semble que la rentrée des classe et le retour de vacances des profs, des lycéens et des étudiants pousse le gouvernement à accélérer la cadence pour se sortir d’une situation très peu confortable, en maintenant sa réforme sur le fond, tout en essayant de gagner l’appui des syndicats réformistes sur la forme.
Car la mobilisation a déjà coûté un ministre au gouvernement, et les manœuvres pour isoler les grévistes de la RATP et de la SNCF en accordant des concessions aux secteurs susceptibles de les rejoindre, tels que les pilotes d’avion, se retournent contre lui puisqu’elles font tomber les masques de la prétendue « universalité des régimes de retraite » vendue par les porte-voix de la macronie pour défendre la réforme. Par ailleurs, la CFDT elle-même, qui défend pourtant la mise en place du système par points, s’est retrouvée à se devoir appeler à manifester le 17 décembre, refusant le recul de l’âge pivot, finalement intégré dans le projet de réforme par un Edouard Philippe qui cherchait à amadouer l’électorat de droite en jouant la posture de la fermeté. C’est toutefois un signal que leur a envoyé le président dans son discours, quelques jours avant la nouvelle journée de négociations à Matignon le 7 janvier.
Du côté de la CGT, Philippe Martinez a annoncé ce 1er janvier au micro de Jean-Jacques Bourdin sur RMC qu’il se rendrait aux négociations, tout en réaffirmant la revendication du retrait de la réforme et en appelant à la grève dans le public comme dans le privé pour la journée du 9 janvier, et à tenir des Assemblées Générales dès le 6. Pressé par les grévistes à la base qui pour beaucoup ont été déçus le 19 décembre dernier par l’appel du secrétaire général de la confédération à une grande journée de grève nationale interprofessionnelle... vingt jours plus tard, après les fêtes de fin d’année, sans autre point d’appui entre temps pour élargir le mouvement ! Même dans l’éducation nationale où la mobilisation a de fait été ajournée par les vacances de Noël, une partie des enseignants gréviste ne se satisfait pas de l’appel à une journée d’action isolée et agite le mot d’ordre « pas de retrait, pas de rentrée  ».

Alors qu’au demeurant la détermination des salariés mobilisés n’a pas faibli à la SNCF et à la RATP, avec la semaine noire organisée par la Coordination des grévistes d’Île-de-France et les actions coup de poing à la Gare de Lyon le 23 décembre ou la manifestation auto-organisée du 26, ainsi que la persistance des piquets de grève malgré la répression devant les dépôt de bus RATP, Philippe Martinez s’est retrouvé poussé par sa base à appeler à manifester deux samedi de suite, le 28 décembre et le 4 janvier. De même, il appelle "tous les Français à se mettre en grève", de même dans la Chimie, la CGT appelle à faire grève dans les raffineries et dépôts de carburants du 7 au 10 janvier avec l’objectif qu’aucun produit ne sorte des installations pétrolières. Si par le chantage à l’emploi exercé par les patrons dans ce secteur, comme dans bon nombre d’entreprises privées en période de crise, la direction et le gouvernement tentent de contenir le mouvement, le durcissement de la grève dans les raffineries, à l’ensemble de celle-ci, comme en 2016, pourrait permettre de rompre avec l’isolement des grévistes de la RATP et de la SNCF, et donner la perspective d’un nouveau saut.

Cependant cette volonté affirmée par la direction de la CGT d’élargir et de durcir la grève entre en contradiction avec la promesse de Philippe Martinez de continuer de participer aux négociations avec le gouvernement. Une position justifiée par le souci d’apparaître comme un interlocuteur responsable aux yeux du gouvernement, des médias, et de l’opinion publique. Pourtant, après les 18 mois de concertations qui ont mené à la présentation du projet de réforme des retraites par Jean-Pierre Delevoye, et maintenant un mois de grève depuis le 5 décembre, continuer à s’asseoir autour de la table des négociations entretient l’illusion de la possibilité du dialogue avec un gouvernement qui s’assume pourtant ouvertement prêt à aller au combat. C’est bien vite oublier qu’il n’y a rien à négocier, que cela soit sur l’âge pivot, les critères de pénibilité, ou le système par point, comme l’ont affirmé les grévistes lors de la contre-conférence de presse donnée par la Coordination des grévistes RATP-SNCF d’Ile-de-France le 31 au soir.

Par conséquent, il semble peu judicieux de remettre le couvert et de participer à nouveau aux négociations à Matignon, au moment où le gouvernement est en position de faiblesse face au risque de durcissement et d’élargissement de la grève à la rentrée, avec le retour en force des profs et de la jeunesse, ainsi que le potentiel ralliement à la grève des raffineries qui avait créé un mouvement de panique en 2016 lors du mouvement contre la loi Travail. Dernier épisode en date exprimant la fébrilité des classes dominantes face à ce mouvement de grève inédit depuis mai 68, l’affaire de la conductrice huée par ses collègues grévistes sur un quai de la ligne 6 du métro parisien. Les images tournent en boucle sur les chaines d’info en continue, et le secrétaire général de l’UNSA RATP en personne est monté au créneau, affirmant que « dès qu’il y a contrainte, la grève devient illégitime ». Pendant ce temps, aucune mention n’est faite dans les médias de la répression policière sur les piquets de grève depuis le début du mouvement. Ce mardi encore, un conducteur de bus en grève était victime aux Pavillons-sous-Bois d’un coup de matraque le blessant au crâne, tandis qu’à Ivry une charge de CRS défonçait la grille d’entrée du dépôt de bus et qu’un gréviste était lui aussi blessé à l’œil par un coup de tonfa.

Alors que la rentrée scolaire s’annonce comme le second round du combat contre la réforme des retraites, pour faire définitivement céder Macron les grévistes de la RATP et de la SNCF sont donc face à la nécessité d’élargir le mouvement. Si les profs et la jeunesse, dont certains secteurs d’avant-garde ont continué à entourer les grévistes face à la répression sur les piquets pendant les vacances, apparaissent comme des alliés spontanés, l’extension de la grève au secteur privé signifie également l’extension des mots d’ordre et revendication du mouvement, contre les contrats et statuts précaires, les licenciements, les bas-salaires, qui sont autant d’éléments en faveur du patronat pour empêcher la grève dans le privé. De même qu’elle signifie l’ouverture du droit à la retraite à 60 ans pour tous et 55 ans pour les métiers pénibles, peu importe la durée de cotisation et la nationalité. Pour imposer un tel programme, il va falloir faire passer un nouveau cap au rapport de force, par la généralisation de la grève au privé. Comme le disent les grévistes de la coordination RATP-SNCF, « c’est maintenant que la brèche est ouverte pour généraliser la grève » !

 
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