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La Izquierda Diario
30 de janvier de 2020 Twitter Faceboock

Instrumentalisation islamophobe
Affaire Mila : prendre position contre les récupérations islamophobes
Max Demian
Inès Rossi

Mila, 16 ans, exprime sa haine de l’islam sur instagram. Elle est en retour victime d’une vague de harcèlement alliant menaces de morts et insultes lesbophobes. Et l’extrême-droite de s’empresser d’en faire la martyre de la liberté d’expression en France.

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L’affaire est montée jusqu’aux hautes sphères de l’État, au point que Christophe Castaner en personne a dû s’exprimer dessus lors des questions d’actualité au gouvernement du Sénat : “Il n’existera jamais sous l’autorité de ce gouvernement de délit de blasphème. La liberté même d’expression dans notre pays permet à chacune et chacun de pouvoir critiquer une religion.”

Résumons les faits. L’affaire tourne autour de… l’islam (ça faisait longtemps). Une lycéenne de 16 ans a tenu des propos réactionnaires contre l’islam dans une vidéo live, la qualifiant de "religion de violence." "Je déteste la religion, le Coran, il n’y a que de la haine là-dedans […] Votre religion c’est de la merde, votre Dieu, je lui mets un doigt dans le trou du cul." dit-elle dans un extrait de la vidéo mise en ligne. Elle est depuis menacée de mort et subit une vague de harcèlement telle qu’elle ne va plus au lycée. Les hashtags #JeSuisMila et les contre-hashtags #JeSuisPasMila fleurissent sur les réseaux sociaux.

Autre détail important : Mila est lesbienne, ou du moins affiche une préférence pour les femmes. Bon nombre d’insultes à son égard sont ainsi d’une lesbophobie abjecte. Et l’extrême-droite, que l’on sait pourtant peu encline à défendre les personnes LGBT, se découvre brusquement une fibre gay-friendly quand il s’agit de défendre le droit inaliénable à insulter l’islam. Non pas n’importe quelle religion, soyons clairs : l’islam. Marine Le Pen, dont on connaît les engagements anti-mariage pour tous et anti-PMA pour les couples de femmes, s’est même fendue d’un tweet de soutien à la jeune fille.

L’histoire de Mila est d’abord relayée par l’extrême-droite, sur les réseaux sociaux, avant d’être reprise par tout le front républicain, du gouvernement aux plus gros réacs de LR et du RN en passant par Aurore Bergé et Marianne. Quelques jours après sa vidéo, elle donne une interview à Bellica, qui se réclame du féminisme, mais pas de n’importe quel féminisme : un féminisme identitaire, un féminisme de droite, qui pointe l’immigration ou l’islam comme étant les principaux vecteurs du patriarcat aujourd’hui ; bref, un féminisme à l’idéologie raciste. Mila s’est délimitée de l’extrême-droite le lendemain dans une interview à Check News. Simple confusion… ? Peut-être. Mais quand même.

La critique de la religion est-elle un droit ? Oui. L’insulte l’est aussi, selon le droit français, si elle concerne la religion en général et non pas les croyants. Pour autant, les propos de cette fille sont-ils réactionnaires ? Oui. Elle ne parle pas des religions en général, mais bien de l’islam, Il ne s’agit pas juste de « connerie » ; ou du moins, la « connerie » a une logique, et s’inscrit dans un contexte politique particulier, où une population bien définie est stigmatisée pour en faire des barbares rétrogrades par essence. Le fait est que Mila, consciemment ou non, du haut de ses 16 ans, véhicule un discours haineux.

Évidemment, ça ne légitime en rien le harcèlement, ni les menaces de mort, ni les insultes lesbophobes et misogynes qu’elle a reçu. Ces actes sont intolérables, il n’y a pas de doute la dessus. Mais là n’est pas la question.

Le problème, c’est que les réacs de tous bords s’empressent de s’emparer de l’affaire pour justifier leur islamophobie et défendre "les valeurs françaises" face aux “barbares”. Les Voltaire en carton sont de sortie. En réalité, on sait quelle religion est ciblée, et, par extension, quelle catégorie de population. Nul doute qu’un jeune maghrébin ayant tenu des propos du même genre sur le catholicisme n’aurait pas bénéficié du même soutien de la part de l’extrême-droite, ou même de la droite, au nom de la liberté d’expression.

Bref, encore une fois, on voit à quel point la "laïcité" et la "liberté de conscience" sont instrumentalisées pour cibler une certaine population (les musulmans, et par extension les Arabes, tous assimilés aux musulmans), en instrumentalisant la stupidité et la vulgarité de cette lycéenne. Tous ces réacs qui jouent les défenseurs de la liberté de conscience ne font que légitimer leurs propres pulsions islamophobes.

Bref, de quoi l’affaire Mila est-elle le nom ? D’une obsession française, sans doute. De la récupération d’une affaire de cyberharcèlement comme il y en a des centaines, par un bord politique qui, sous couverts de valeurs progressistes (féminisme, lutte contre l’homophobie, liberté d’expression), fait avancer un agenda politique réactionnaire. Bord politique qui en profite également pour pointer du doigt la soi-disant hypocrisie de la gauche, qui serait complaisante avec ses harceleurs (comprenez : avec les islamistes). Bord politique qui ratisse large aussi, allant de l’extrême-droite au gouvernement, qui, une fois n’est pas coutume, se retrouve du même côté de la barricade.

Je m’étonne du silence d’un certain nombre de responsables politiques sur le sujet. Où est la gauche sur le sujet ? Pourquoi personne n’a défendu Mila ?" a déclaré Aurore Bergé, porte-parole de LREM. Elle est là, la gauche. Elle refuse de rentrer dans le jeu de la récupération islamophobe des propos de cette lycéenne. Elle réfute et les injures homophobes envers une adolescente, et des propos réactionnaires sur une religion qui est l’objet de toutes les stigmatisations. En somme, elle n’a de leçons à recevoir de personne en matière de défense des femmes et des personnes LGBT, et sûrement pas de la droite.

 
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