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La Izquierda Diario
10 de février de 2020 Twitter Faceboock

Pourquoi et comment la Régie licencie ses employés
RATP : viré pour avoir fait grève
Jane Mitchell

Si vous travaillez à la RATP depuis onze mois et votre “manière de servir et votre comportement ne donnent pas satisfaction” à la Régie, “conformément aux dispositions de l’article 47f du code du personnel” vous allez être licencié. C’est aussi simple (et aussi injuste) que cela. Et encore plus expéditif si vous avez fait grève.

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Licencié parce qu’on ne « sert » pas la Régie conformément à ses attentes. C’est précisément ce qui est arrivé à Loïc, agent de maintenance embauché depuis le 18 février 2019 au dépôt de bus de la rue Belliard, dans le XVIIIème arrondissement de Paris. Dans la lettre de licenciement que Loïc a reçue le 7 février dernier, on ne trouve pas de motivations détaillées qui puissent justifier le licenciement d’un jeune employé à la fin de son année de stage. Dans les faits on apprend simplement que neuf mois après sa prise de service « il a été fait état d’une attitude et d’un comportement non tolérable [le singulier est bien dans le texte] et qui montre un faible engagement vis-à-vis de l’entreprise ».

Pourtant au cours de l’entretien préalable avec le DRH du dépôt, aucune faute professionnelle n’avait été reprochée à Loïc, qui par ailleurs n’a jamais fait l’objet d’aucune sanction disciplinaire. Uniquement des rapports signalant le fait qu’il avait laissé des « bus indisponibles », ce qui veut simplement dire refuser de prolonger l’horaire de travail, faire des heures supp’ soi-disant payées plus tard et entamer une nouvelle réparation à 15h30 alors que la journée se termine à 15h45. « Mais pour eux, explique Loïc, il faut toujours que les bus sortent sinon on perd du kilomètre ». Le Km est l’unité de mesure de la productivité du réseau RATP. « Faire du chiffre » signifie « faire du km ». Les bus doivent donc rouler au maximum et, pour cela, il faut les réparer coûte que coûte. Néanmoins, il ne faut pas que cela coûte trop cher, parce que la Régie veut faire des économies sur la main-d’œuvre Matériels Roulants Bus, les hommes de l’ombre des dépôts RATP. Et c’est ainsi « qu’on finit par réparer la carrosserie avec du scotch », affirme Riadh Benmessaoud, délégué CGT à la Commission Santé Sécurité et Conditions de Travail (CSSCT) et membre actif de la Coordination RATP-SNCF.

Benmessaoud explique que sur dix ans l’effectif des mainteneurs dans les dépôts de bus a été réduit de moitié alors que le parc bus, avec l’augmentation des véhicules électriques et des articulés, est de plus en plus diversifié. A Belliard en particulier, sur les 120 agents de maintenance que comptait le dépôt il y a une douzaines d’années, il n’en reste que cinquante aujourd’hui qui travaillent sur un parc de 230 bus.

Les contrôles effectués par la Commission ont souvent montré que l’état des bus en circulation n’est pas en adéquation aux standards de sécurité. Mais la faute n’est pas aux agents de maintenance qui font de leur mieux et qui dénoncent souvent des conditions de travail difficiles. On sent la privatisation qui approche – privatisation que Valérie Pécresse voudrait avancer de trois ans, à savoir 2022 au lieu de 2025– avec les pressions à la concurrence et au rendement que cela implique. Ce sont notamment les pressions de l’encadrement qui « empêchent les mainteneurs de faire leur boulot proprement », soulignent les délégués. « Au début, quand je suis arrivé, je travaillais en binôme avec un collègue. Mais au bout d’un mois on m’a laissé tout seul. Dans l’espace d’un an ici à Belliard il y eu deux démissions en plus d’un collègue en CDD qui avait été viré, mais qui a été rembauché grâce à l’intervention des syndicats », raconte Loïc.

Dans son cas, pour l’instant, la solidarité des collègues de l’équipe qui l’ont accompagné à l’entretien préalable et qui hier matin ont débrayé pour protester contre son licenciement injuste, n’a pas permis sa réintégration. « Loïc est de ceux qui ne veulent pas être traités comme des robots », rajoute Olivier Terriot délégué syndical de la CGT RATP Bus, « mais la RATP a adopté les mots d’ordre de Macron : "produit, consomme et ferme ta gueule". Donc elle n’aime pas les gens qui ne se laissent pas faire ». Et en effet, dans cette page blanche remplie de mots vides qu’est la lettre de licenciement adressée à Loïc par la direction du dépôt, on en revient à une question « d’attitude », de « comportement », « d’engagement vis à vis de l’entreprise » et de « manière de servir ».

Pour reprendre ses propos et ceux de ses collègues, ce que l’on reproche en réalité à Loïc, c’est d’avoir trainé avec les fortes têtes de l’atelier et d’avoir cultivé de mauvaises fréquentations, comme les grévistes qui ont animé pendant près de deux mois le piquet de grève de Belliard. Loïc lui-même admet avoir fait trois jours de grève lors des grosses journées de mobilisation contre la réforme des retraites alors qu’il était encore en stage. « Et puis j’allais dire bonjour aux grévistes, ou parfois pendant les pauses je venais manger à leur barbecue. La direction, poursuit-il, a les yeux partout, et ça ne leur a pas échappé ».

Voilà pourquoi et comment la RATP licencie ses employés.

 
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