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La Izquierda Diario
12 de février de 2020 Twitter Faceboock

#MeToo dans le sport
Violences sexuelles en milieu sportif : un sexisme codifié et institutionnalisé
Anna Ky

De nombreux témoignages viennent révéler le sexisme et les violences sexuelles qui ont court dans toutes les disciplines sportives. Un miroir déformant qui nous renvoie à la violence d’un système social fondé sur la division et l’oppression.

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Crédit photo : Aris Messinis

C’est l’affaire Sarah Abitbol qui a mis le feu aux poudres. Cette championne de patinage artistique, en dénonçant les viols commis par son entraîneur Gilles Beyer et dont elle a été victime, a déclenché une sorte de deuxième vague #MeToo en milieu sportif. Un scandale qui a entraîné la démission de Didier Gailhaguet, président de la Fédération française des sports sur glace.

Ce témoignage a eu un effet boule de neige. Une ancienne pilote a récemment porté plainte contre la fédération française de motocyclisme pour avoir couvert les agissements de Michel Méret, entraîneur de motocross inculpé en 2018 de viols répétés et agressions sexuelles sur mineures. Un ancien recruteur du FC Nantes vient d’être incarcéré pour viols et agressions sur des joueurs mineurs. Dans le milieu de l’équitation, la cavalière professionnelle Amélie Quéginer accuse trois moniteurs de l’avoir violée et d’avoir couvert des agressions sexuelles dans les années 1980.

Ces quelques exemples et la fin de l’omerta révèlent l’ampleur des violences sexistes et sexuelles qui sont monnaie courante en milieu sportif, et dont aucune discipline ne semble être épargnée. Mais il ne s’agit pas d’une exception qui se cantonnerait au domaine du sport. Ce milieu particulièrement codifié, normé et hiérarchisé ne fait que mettre en lumière une société patriarcale, où les violences faites aux femmes sont invisibilisées, normalisées et légitimées par les institutions. En quelque sorte, ce #MeToo dans le sport agit comme un miroir grossissant du sexisme structurel à l’œuvre dans toutes les couches de la société.

Le sport : un milieu codifié et masculin

De l’activité de loisir à la compétition de haut niveau, le sport est une arène masculine, où les femmes subissent de nombreuses violences, sur tous les plans. À la racine d’un sexisme particulièrement développé en milieu sportif, fondée sur la compétition et la mise en concurrence : la nécessaire neutralisation des différences physiques pour pouvoir évaluer les performances. Et ce qui sert d’étalon au corps sportif, à la base de la catégorisation d’âge, de poids, de genre dans les différentes disciplines, c’est les records établis par les athlètes hommes de la catégorie senior. C’est à partir de cette unité de mesure qu’il s’agit de faire la différence, de se démarquer avec son corps. Implicitement, les performances sportives des femmes ou des plus jeunes seront systématiquement dévaluées, et c’est cet implicite qui entraîne des inégalités beaucoup plus explicites dans le sport.

Des inégalités particulièrement visibles en ce qui concerne les salaires, par exemple. Les footballeuses professionnelles gagnent en moyenne 12 fois moins que les hommes. En rugby, seules 24 femmes du groupe France bénéficient d’un contrat, mais à mi-temps, ce qui les oblige à travailler parfois jusqu’à 20 heures par semaine à côté de leurs entraînements, aussi intensifs que ceux des hommes. Dans la plupart des autres disciplines sportives, les femmes touchent un salaire 2 à 4 fois inférieur à celui des hommes. En règle générale, les activités physiques et sportives comme profession à part entière sont réservées aux hommes. Mais les inégalités salariales ne sont que la partie visible de l’iceberg.

En effet, en milieu sportif, le terrain ou le gymnase sont rendus particulièrement difficiles d’accès aux femmes, ne serait-ce que par le calendrier. Les traditionnels matchs du samedi ou du dimanche entrent par exemple en contradiction avec des activités qui incombent en premier lieu aux femmes : l’entretien de la maison, la garde des enfants… Autre moyen d’écarter les femmes du terrain de sport, l’interdiction du port du voile par de nombreuses fédérations, qui empêchent les musulmanes de pratiquer le sport de leur choix. En d’autres termes, les règles implicites dans le sport exacerbent des inégalités structurelles et déjà existantes dans l’ensemble de la société. Mais alors que certaines de ces règles pourraient être modifiées, subverties, pour tenter de résorber ces inégalités, la chape de plomb maintenue par les institutions sportives ne fait que les renforcer.

Des institutions complices, voire coupables

Concernant le scandale qui a éclaté dans le patinage artistique, le président de la fédération des sports sur glace Gailhaguet déclarait à l’envi qu’il n’était au courant de rien. « Je ne savais rien, se défendait-il. Il m’est demandé de démissionner à propos de faits qui remontent à trente ans, et que je connais depuis une semaine et demie » Pourtant, en 2000, ce dernier avait commandé un rapport à l’inspection générale du ministère des Sports, qui avait été particulièrement défavorable à Gilles Beyer. Mais celui qui est aujourd’hui accusé de viol par plusieurs sportives avait été maintenu à son poste.

Gailhaguet, qui a fini par démissionner, met en cause le ministère des sports et notamment la ministre de l’époque, Marie-Georges Buffet : « Les premiers responsables sont ceux qui ont laissé commettre ces exactions. Je veux bien sûr citer le ministère, et la ministre des Sports de l’époque, qui, de par leur lâcheté, leur incompétence et leurs nombreuses volte-face ont permis de laisser des personnes sur la glace dans des sports à maturité précoce, donc plus exposés, alors qu’elles auraient dû être soignées et mises hors d’état de nuire. »

Contactée par Slate, l’ancienne ministre des sports renvoie la balle à l’institution judiciaire, expliquant qu’elle avait suspendu Beyer mais que « le parquet n’a pas suivi » et se demandant « pour quelles raisons la justice n’a pas suivi à l’époque ».

À l’échelle des sports sur glace, ce renvoi de balle constant illustre l’incapacité totale des institutions, qu’il s’agisse des fédérations, du ministère ou de la justice, à prendre en charge la question des violences sexistes et sexuelles en milieu sportif, mais également au-delà. Elles sont même au cœur de l’omerta qui règne autour de ce type de violences, elles les légitiment et les reproduisent.

 
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