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9 de octobre de 2015 Twitter Faceboock

A Oslo
Prix Nobel de la paix… à ceux qui ont confisqué la révolution tunisienne

Le Comité Nobel a fait preuve, une fois de plus, de cynisme. Cette fois-ci c’est le Quartet du Dialogue National Tunisien qui vient d’être récompensé « en raison de sa contribution décisive à la création d’une démocratie plurielle ». En réalité, avec les vieux politiciens de l’ère Ben Ali…

Juan Chingo

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Le Quartet du Dialogue National Tunisien est formé par l’Union Général des Travailleurs Tunisiens (UGTT), le principal syndicat du pays, symbole de l’indépendance, la Confédération de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat, à savoir le syndicat patronal, la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme et l’Ordre des Avocats. Le Quartet a joué un rôle clef pour dévier le processus révolutionnaire tunisien sur le terrain d’une « contre-révolution démocratique », à savoir un régime qui maintient une façade démocratique mais qui assure la continuité avec l’ancien régime dictatorial, à l’instar de son personnel politique et son actuel président, un temps ministre de ben Ali, de même que les intérêts économiques et sa soumission à l’impérialisme.

Une révolution confisquée


La Tunisie a été le berceau du Printemps arabe. Avec l’Egypte, il s’agit du pays dans lequel la classe ouvrière plus ou moins organisée a agi comme une véritable force. Après le renversement de Ben Ali, en janvier 2011, une grande période d’instabilité politique, de démonstrations et de grèves, s’est ouverte et a finalement mis fin au gouvernement de transition composé de figures de l’ancien régime. En octobre 2011, les élections pour l’Assemblée constituante ont eu lieu, révélant une carte politique très fragmentée, avec un relatif avantage pour le parti islamiste Ennahda qui a formé un gouvernement provisoire avec trois partis laïcs majoritaires. Mais la situation est devenue de plus en plus instable, caractérisée par une polarisation croissante entre les partis laïcs et les partis islamistes et la poursuite de la détérioration des conditions de vie des classes populaires. En février 2013, Chokri Belaid, syndicaliste de gauche radicale, a été assassiné. Ce crime politique a provoqué une vague de protestions, y compris une grève générale, et a accéléré l’affrontement entre les secteurs laïcs et islamistes.

En juillet de cette même année, un autre assassinat secoue le pays et polarise un peu plus l’affrontement : celui du leader de l’ancien parti d’opposition Mouvement du Peuple, Mohamed Brahmi. Ce dernier avait été élu député pour la circonscription de Sidi-Bouzid, le berceau de la révolution du 14 janvier 2011. Immédiatement, ce sont des dizaines de milliers de personnes qui descendent dans la rue, à Tunis et dans les autres grandes villes du pays, en reprenant le slogan « dégage », « le peuple veut la chute du régime » et « Ennahda doit tomber ». Parallèlement, une contre-manifestation d’appui au gouvernement, escortée par les forces de sécurité, parcourait l’avenue Bourguiba dans le centre de la capitale, alors que la grève générale paralysait le pays.

C’est dans ce cadre bien particulier et dans un contexte régional très tendu, avec le coup d’État de juillet 2013 enÉgypte, que les propositions de dialogue national lancées par l’UGTT en février 2012 prennent corps. Avec sa légitimité, le syndicat avance l’idée d’un front dont sortira le Quartet du Dialogue National. Face au risque de subir le même sort que les Frères musulmans égyptiens, condamnés à mort et emprisonnés par le maréchal Al-Sissi, nouvel homme fort au Caire, les islamistes tunisiens finissent par faire un pas de côté, de façon à faciliter une issue politique dans la crise.

La nouvelle Constitution est ainsi approuvée en 2014. À l’issue des élections d’octobre, l’an dernier, le parti bourgeois libéral et laïc Nidda Tounés l’a emporté sur Ennahda. Finalement, début 2015, un gouvernement de coalition entre les laïcs et les islamistes modérés s’est formé, avec pour tête de file un ancien fonctionnaire de Ben Ali.

C’est ainsi que la « réconciliation nationale », validée par l’UGTT, représente un consensus qui - pour reprendre les mots de Héla Yousfi, universitaire spécialiste du syndicalisme tunisien - « a permis à l’ancienne élite issue du RCD [le parti de Ben Ali – ndlr] et la nouvelle élite islamiste issue des urnes de réaliser un compromis politique. La suite de ce processus, c’est aussi le partage de pouvoir actuel entre Ennahda et l’ancien régime, qui s’est fait au détriment des questions sociales et économiques qui étaient pourtant à l’origine de la révolution ». Une confiscation du processus révolutionnaire, en résumé.

Les nouveaux despotes liberticides.


Mais cette déviation est seulement le début du virage de plus en plus autoritaire ou bonapartiste du régime qui, profitant de la grande vague d’attentats terroristes qui se sont produits sur son territoire, les utilise comme excuse pour pratiquer des coupes dans le minimum de droits démocratiques qu’il s’est vu obligé de concéder, comme conséquence de la chute de Ben Ali et surtout pour affronter de manière répressive le retour de l’agitation sociale qui, de temps en temps et avec des pics marqués, secoue le pays.

C’est ainsi qu’en juillet le parlement tunisien a approuvé la nouvelle loi antiterroriste, dont l’une des mesures est la peine de mort pour les délits en relation avec le terrorisme et des peines de prison pour ceux qui expriment leur soutien au terrorisme. A la fois, elle permet aux forces de sécurité de retenir les suspects jusqu’à 15 jours, sans accés à un avocat et sans comparaître devant le juge, en plus d’autoriser la confiscation sans contrôle des personnes placées en garde à vue. Différentes organisations qui défendent les droits de l’homme ont qualifié de “draconiennes” certaines de ces mesures et ont critiqué la définition “vague” du terrorisme parce qu’elle pourrait aboutir à une perte de droits démocratiques. Récemment, ils ont travaillé à une nouvelle loi sur la réconciliation économique qui abandonne les actions en justice contre les anciens hauts dignitaires de la dictature, engagées pendant la période transitoire et offre l’amnistie à tous les fonctionnaires d’état et patrons spéculateurs et corrompus du régime de Ben Ali, utilisant comme prétexte que cela allait permettre le retour des investissements économiques. Pour sa part, le président de la république s’est permis de désavouer à la télévision son ministre de la justice qui plaidait pour la dépénalisation de l’homosexualité. Il fut applaudi par Rached Guannouchi, fondateur d’Ennahda. Tout un symbole !

Ce processus de “contre-révolution démocratique” met en danger les acquis démocratiques minimes conquis et surtout aboutit à rétablir le cadre économique de soumission à l’impérialisme qui a caractérisé la Tunisie pendant les dernières décades de la dictature de Ben Ali. Ce même cadre qui a constitué les causes structurelles pour lesquelles les masses se sont insurgées en 2011. La relance des accords de libre échange avec l’union européenne pour transformer de nouveau la Tunisie en une semi-colonie aux doubles chaînes, en liquidant toute trace de sa souveraineté nationale, en constitue la touche finale.

Ce sont toutes ces reculades que le Comité Nobel, vient de récompenser, et particulièrement le rôle énorme de collaboration de classe de la direction de l’UGTT. Ca ne surprendra personne de la part de cette institution qui suit sa trajectoire réactionnaire, la même que dans le passé lorsqu’elle a attribué le Prix à Nelson Mandela et Frederik Willem de Klerk pour avoir contribué à sauver le régime d’apartheid sous une forme nouvelle, et à confisquer la révolution noire des années 80 en Afrique du Sud et, l’année suivante, en 1994, à Yasir Arafat et aux dirigeants sionistes Isaac Rabin et Shimon Peres, aprés les entretiens de Madrid qui ont été à l’origine de la reconnaissance par le leader palestinien de l’état terroriste d’Israel et de la formule utopique de deux états pour résoudre le conflit palestino-israélien.

 
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