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La Izquierda Diario
13 de octobre de 2015 Twitter Faceboock

Silencieusement, le chômage assassine…
En France le chômage tue 14 000 personnes par an

Leo Serge

Alors qu’une part croissante de la population mondiale et française souffre d’un chômage de masse dont on connaît toutes les vertus pour le patronat, une étude scientifique montre qu’en France, tuer un emploi c’est tuer tout court.

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L’existence du chômage, et de ces chômeurs que Marx appelait « l’armée industrielle de réserve », n’est pas un hasard ni un simple dommage collatéral du capitalisme : c’en est un ressort structurel, qui permet à la bourgeoisie d’exercer une pression sur les salariés qui ont un emploi et de tirer les salaires et les conditions de travail vers le bas. Les capitalistes le savent bien, les travailleurs sont pour eux une marchandise et une variable d’ajustement qu’il faut mater et maitriser. Mais pendant que ceux qui ont un emploi se font exploiter et se tuent à la tache – figurativement et littéralement comme le rappelle les suicides au travail et les accidents du travail – les chômeurs souffrent également dans leur chair, comme le prouve un rapport d’épidémiologie – l’étude des facteurs influant sur la santé – récemment paru.

Cette étude, comme par hasard, est passée presque inaperçue. Sortie peu de temps avant les attentats à Charlie Hebdo et l’hypermarché casher, ses résultats en réalité ne constituent pas une surprise : toute personne qui a vécu le chômage, directement ou par ses proches, le sait. Quand on est privé d’emploi on dort mal, on mange mal, on boit plus, on angoisse, les rythmes de vie sont déréglés, etc. Ce rapport publié dans la grande revue d’épidémiologie International Archives of Occupational and Environmental Health apporte un chiffre scientifiqueà l’appui de ce large vécu : le chômage tue chaque année en France 14 000 personnes ! Soit deux fois plus que les accidents de la route – dont, au demeurant, une grande partie sont liés à des déplacements domicile-travail puisque la route est la première cause de décès au travail.

Le constat est identique chez les femmes ou les hommes, chez les cadres comme chez les ouvriers. Les chômeurs ont un risque d’Accident Vasculaire-Cérébrale et d’infarctus augmenté de 80 % par rapport aux actifs. Ils sont aussi plus nombreux à mourir de cancer. Ces chiffres ont été obtenus par les chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) en suivant pendant 12 ans, 6 000 Français âgés de 35 à 64 ans, dans huit régions. Après avoir écarté tous les facteurs de risque et autres biais possibles, la conclusion est claire : perdre son emploi fait chuter l’espérance de vie ! La mortalité des chômeurs est en effet trois fois supérieure à celle des travailleurs. En résumé, non seulement les scientifiques ont découvert sans surprise que les chômeurs affichaient un taux de mortalité par suicide plus élevé que les actifs, mais aussi que la perte de travail favorisait l’apparition de pathologies cardiovasculaires.

De la condition de chômeur découlent des conduites à risque et on voit donc apparaître hypertension, diabète et obésité. La surmortalité est aussi liée à la dépression et au manque de sommeil. Il ne s’agit pas de « choix » ou de problèmes « individuelsmais bien d’une conséquence du chômage. Tout cela est d’autant plus scandaleux que ce chômage est un choix du patronat. Ainsi plutôt que d’embaucher ils préfèrent augmenter le temps de travail et les cadences dans les usines et les lieux de travail. C’est vrai sur les chaînes, comme dans les écoles ou les bureaux. La seule raison à ça c’est qu’ainsi ils réalisent plus de profit sur le dos des travailleurs. Voilà pourquoi le slogan du patronat est : augmenter la compétitivité, augmenter les heures supplémentaires, travailler plus, etc.

Une élément de cette étude mérite cependant d’être mis en perspective. Il semble en ressortir que l’origine socio-économique ne change rien à ce rôle du chômage du point de vue ceux qui le subissent. Mais ce serait une grave erreur de prendre cela à la lettre : il ne faut pas oublier que la grande majorité de celles et ceux qui subissent ce chômage, à une échelle de masse, ce sont avant tout les fractions de la classe ouvrière qui subissent déjà le plus brutalement l’exploitation, redoublée à large échelle de sexisme et de racisme. De même et encore plus largement, même si nous savons que la précarité s’élargit chaque jour à des catégories sociales – celles constituant ce mille-feuille nommé « classes moyennes » – qui auparavant étaient restaient préservées, ceux qu’elle frappait déjà avant le sont,eux, encore plus.

Que retenir de ces bourreaux qui suppriment des emplois pour maximiser les profits ? Qu’ils sont véritablement des assassins ? Nous le savions déjà. Partout sur la planète, dès que les travailleurs commencent à se défendre ils doivent affronter la mort, l’intimidation, la torture infligée, directement ou à petit feu, par les hommes de main du patronat. On voudrait nous faire croire qu’en France cela n’existe pas parce que l’armée ne tire plus sur les grévistes depuis le début du XXe siècle. Il est vrai que l’armée a été remplacée par des gendarmes mobiles – qui appartiennent toujours à l’armée, cela dit - ou des CRS. Mais la vérité c’est que le patronat trouve toujours d’autres moyens de s’enrichir aux dépends de nos vies. Quand les travailleurs du Rana Plaza au Bangladesh meurent écrasés dans leurs ateliers où ils étaient enfermés, quand un intérimaire tombe dans du métal en fusion en France, quand des travailleurs d’Air France sont carrément arrêtés parce qu’ils luttent pour leur survie et leur dignité, quand des caissières épuisent leur santé, c’est toujours la même règle qui est enjeu : le profit du capitalisme contre les intérêts du prolétariat et des travailleurs.

 
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