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19 de mars de 2020 Twitter Faceboock

Montpellier
Interview : « Plus de 20 postiers ont déposé un droit de retrait. On a tous subi des pressions de la direction »
Correspondant-e Montpellier

Nous avons interviewé plusieurs postiers du centre Rondelet à Montpellier. Ils sont plus d’une vingtaine à avoir utilisé leur droit de retrait pour exiger des conditions de travail qui les protègent davantage des risques de contagion du virus.

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Photo : La Poste, Centre courrier Rondelet à Montpellier 

Révolution Permanente : Pourriez-vous revenir sur la situation à la Poste de Montpellier ? Quelles sont vos conditions de travail face au Coronavirus ?

Postiers de Rondelet : Mardi 17 mars au matin, à la prise de service de 7h15, s’est tenue une Assemblée générale (AG) du personnel avec une intervention du Responsable des ressources humaines. Cette AG avait pour but d’alerter la direction sur les conditions illégales dans lesquelles elle souhaitait faire travailler son personnel.

Aucune dotation en protection individuelle (gel hydroalcoolique, gant, lingette nettoyante, masque...) n’a été donnée à son personnel, sachant qu’on travaille à plus de 100 agents dans un milieu confiné et où tout le monde touche tout (lettres, petits paquets) et tout support (carton, papier, plastique). Il n’y a aucun nettoyage ni désinfection des positions de travail ou des outils de travail individuels.

Le mardi, il n’y avait aucun cadre supérieur à la première prise de service de 5h30 qui rassemble près d’une trentaine d’agents. C’était le flou le plus total pour ces agents, notamment pour décrypter le discours présidentiel de la veille. L’interprétation faite par les agents était qu’on ne devait ni rester dans le centre ni sortir en tournée. Mais pas pour la direction, qui nous a donné l’ordre de travailler, et ce à grand coup d’intimidations.

Jusqu’à la fin de vacation mardi, nos consignes étaient les mêmes que les préconisations du ministère de la santé ; les gestes barrières. Mais sans équipement de protection individuel, sans gel hydroalcoolique. Les facteurs sont fortement exposés, surtout pendant les travaux extérieurs (le moment ou l’on distribue). Lundi, une nouvelle modalité a vu le jour pour la distribution des recommandés : les facteurs doivent trouver tant bien que mal un moyen d’avoir le numéro de téléphone du client, lui envoyer un MMS avec la photo du recommandé et demander par SMS l’accord pour le remettre en boite aux lettres.

Révolution Permanente : Au centre de Rondelet, quelle a été la réaction des travailleurs face à ces conditions de travail ?

Postiers de Rondelet : Plus d’une vingtaine de postiers ont déposé un droit de retrait. Tous les agents ont subi des pressions de la direction. Sur les 80 agents, 14 sont partis en tournée.

Même si le droit de retrait est une démarche individuelle, nous avons voté majoritairement pour le déposer. La direction a fait pression sur les agents en leur disant que la poste ne reconnaîtrait pas ce droit de retrait, en expliquant les conséquences que cela peut avoir : retenue de salaire et sanctions disciplinaires. Et d’autant plus sur le personnel en contrat précaire, qui représente une grande partie des effectifs, qui ont peur de ne pas voir leur contrat reconduit.

D’ailleurs, pour les intérimaires et les précaires, c’est « marche et crève ». Ils ont peur à la fois pour leur santé et celle de leurs proches, mais en plus, ils savent que si ils essayent de se protéger en utilisant le droit de retrait, leur contrat ne sera pas renouvelé. Il ne leur reste plus comme « choix » que de s’exposer au risque de contamination ou perdre leur emploi.

Suite aux droits de retrait, la direction a du repenser son organisation de travail et organisera un roulement pour éviter d’avoir une trop grande concentration d’agents, avec mise en application dès le mercredi 18.

Révolution Permanente : Quelle est la réaction de la direction face à vos actions et revendications ?

Postiers de Rondelet : Le grand « Dialogue social » que La Poste prône s’est, une fois de plus, soldé par des menaces de l’employeur. D’ailleurs, on ne peut approcher l’employeur à moins de 5 mètres, alors que la distance préconisée pour le reste du personnel est d’un mètre ! La réaction de la direction suit le droit-fil de la rentabilité, cette fois-ci couverte d’un discours sur le « service public », « l’enjeu vital pour la nation »... Des mots qu’ils n’utilisent que quand ça les arrange et qu’on n’entend pas lors des multiples réorganisations qui délabrent la qualité du service public.

Quelques équipements de protection sont arrivés mercredi 18. Sans ce droit de retrait posé en nombre, aucune mesure n’aurait été prise. La direction a également décidé de mettre en place le travail un jour sur deux pour les agents. Cependant, elle ne communique pas sur les cas avérés ou potentiels de coronavirus au sein de ses établissements, ce qui ajoute au climat tendu une inutile angoisse supplémentaire.

Puis, finalement, jeudi matin, on apprend que la règle du "un jour sur deux" est annulée. A partir de demain, les agents devront venir selon les prises de services suivants : 5h30, 7h et 9h. Les agents commençant normalement a 5h30 viendront à cette horaire, ceux de 7h15 viendront un jour à 7h et le lendemain à 9h. Il y aura donc un rassemblement de 100 personnes à un moment donné sur le centre, ce qui est illégal ! Le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) à déposé mardi un Danger grave imminent (DGI) sur le bureau. Depuis le 13 mars, le CHSCT demande une réunion extraordinaire, et elle n’a toujours pas eu lieu. Cette réunion aurait dû, conformément aux ordonnances, repérer et analyser les risques dus au Covid-19 et prendre des préconisations efficaces pour assurer la sécurité et la santé des employés et de la population.

Ce jeudi, quelques gants sont à disposition des agents mais pas en nombre suffisant, un flacon de gel hydroalcoolique à été donné a chaque agent mais aucun masque. 4 ou 5 agents supplémentaires ont reposé un droit de retrait pour les raisons suivantes : pas de nettoyage et désinfection des locaux et des outils de travail individuels, pas de dépistage par sondage, pas de dotation suffisante de protections individuelles, non respect du devoir d’information en temps et en heure de la direction, forte anxiété, inquiétude des agents amplifiée par l’absence des cadres décisionnaires à la prise de service.

Les CDD et les intérimaires n’ont pas bénéficié du jour sur deux de travail, ils ont du venir tous les jours ! Pour la distribution du courrier il y a autant de consignes de distribution que d’agents dans le centre. Certains encadrants nous disent de tout prendre, d’autre de sélectionner le courrier "important" d’autres encore de faire comme on peut ! C’est le chaos ! De plus, des tensions se font sentir entre les agents à cause du mal-être engendré par la pandémie et la (non-)gestion de la crise faite par la direction de La Poste.

Révolution Permanente : Quelles sont vos revendications ? Comment vous envisagez la suite ?

Postiers de Rondelet : Nous craignons que Rondelet et chaque bureau de facteur deviennent un cluster de par le manque de bon sens de nos dirigeants. Nous espérons que des progrès soient fait pour la santé physique et psychique des agents car ces mesures ne sont pas suffisantes.

Nos revendications sont simples, que notre santé, celle de nos proches, et de toute la population soit préservée. Si ce n’est pas possible en travaillant, alors nous revendiquons de rester en confinement comme le reste de la population française.

Nous avons, pour un grand nombre d’entre nous, le même état d’esprit : pourquoi prendre des risques pour notre vie, celle de nos proches et celle de la population ? C’en est presque criminel.

Il faut ajouter que plusieurs agents ont mentionné le fait qu’ils tiennent à la notion de service public, et qu’ils se sentiraient plus utiles au service du pays en faisant des livraisons de médicaments, d’EPI, de courses pour les personnes isolées ou malades, plutôt qu’à distribuer des courriers qui pour la plupart n’ont rien d’urgent et d’indispensable dans la période de guerre sanitaire que nous traversons ! Ils seraient même volontaires pour ces missions.

 
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