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La Izquierda Diario
19 de mars de 2020 Twitter Faceboock

#NosViesPasLeursProfits
Témoignage d’une aide-soignante. « Si c’est la guerre, on est bien seules au front ! »

« Nous sommes en guerre » n’a cessé d’asséner Emmanuel Macron lors de sa dernière allocution télévisée. Se dressant en chef guerrier et en « bon père de famille », cette guerre contre « cet ennemi invisible », comment souhaite-t-il réellement la mener ?

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Sur le terrain, les témoignages des soignantes se multiplient, et la guerre, elles ne peuvent pas la mener de front. La faute à un manque de moyens toujours plus important au fil des années et à une absence de considération pour des professions pourtant essentielles à notre société. Après l’allocution du président de la république, Katniss, aide-soignante à domicile dans un service municipal à la frontière italienne, raconte :

As-tu reçu des consignes particulières pour contrer l’épidémie liée au Covid-19 ?

Alors absolument aucune consigne particulière. Ce matin, j’ai pris l’initiative de prendre une blouse jetable que j’avais et les masques qui étaient chez moi. Je me suis dit qu’on allait commencer à instaurer ce minimum là pour éviter de propager le virus. Mais c’est de mon initiative ! On a reçu aucune consigne de la part de nos supérieurs.

Mis à part cette initiative personnelle rien ?

Quand j’ai terminé le premier patient, j’ai pris mon véhicule et j’ai fait un détour par le bureau. Je suis allée chercher des blouses pour les patients suivants. Ils étaient en train de préparer des petits kits, avec le nombre de blouses par patient et des masques. Bon, je me dis c’est un début, on va regarder ensemble ce qu’il contient ce kit quotidien.

Et dans ce kit, il y a quoi ?

Deux masques : un seul pour le matin, un seul pour l’après-midi. En plus, ce sont des masques chirurgicaux que l’on noue, aucunement des masques adaptés. Quand on a fait la remarque on nous a répondu « mais ça va ! personne n’est contaminé, il n’y a pas raison d’avoir des masques adaptés ». Je regarde mes collègues, « personne n’est contaminé ? vraiment ? A la frontière italienne vraiment ? ». C’est effectivement vrai, mais c’est parce qu’ils n’ont fait aucun test.

Ensuite, on a deux charlottes, qu’on est censées garder chez tous les patients et entre les patients puisqu’on est à domicile ... pour l’hygiène on repassera.
C’est le monde des Bisounours ici. On y va petit à petit, alors que cela fait un bon bout de temps qu’on est passé au stade 3 et rien n’est prêt et le personnel n’est au courant de rien du tout. On a absolument aucune consigne.

Et si malheureusement un patient a des symptômes ?

Il y a une collègue qui a demandé. « Comment on fait si on arrive chez un patient et qu’il a une fièvre importante ? ». Et là, j’entends ma supérieure qui dit « Ah beh c’est clair, vous partez ! ». Comment ça, on part ? quand est ce que ça a été dit ? Donc de fait, on les laisse avec la couche pleine d’excréments et on se tire ? C’est ça les consignes du stade 3 ?

Donc on se rend chez des patients vulnérables, majoritairement âgées et malades, sans masque adapté, avec une blouse jetable, sans lunettes de protection et une charlotte par journée. On peut accompagner et faire la toilette de 7 à 8 patients le matin, puisqu’il faut comprendre dans le temps de travail et le temps de déplacement entre chaque. On peut vraiment être vecteur du virus et le transmettre à des patients vulnérables si par malheur l’une d’entre nous l’attrape. Par manque d’équipements et de moyens, on met gravement en danger la vie de nos patients. Alors je ne sais pas si on est en guerre, mais nous sommes bien seules au front.

Et comment a réagi ta direction ?

La responsable des ressources humaines a pris nos mails, nos adresses personnelles et nos numéros pour une future réquisition. Nous, on a été étonnées, on s’est dit : mais la RH, elle nous envoie notre fiche de paie chaque mois, elle a déjà toutes les informations. Ils nous ont dit « oui mais c’est trop compliqué… » bref ce n’est pas le temps que ça nous a pris mais ça montre que la direction du service ça brasse beaucoup d’air. Aujourd’hui, on était censé avoir une réunion mais manque de chance le responsable a côtoyé un élu qui était contaminé lors de la soirée électorale de dimanche. Bilan de l’affaire, il est confiné lui aussi maintenant, donc nous n’avons toujours pas eu de réunion.

C’est spécifique aux aides-soignantes tu crois ?

Je peux difficilement te répondre autre chose que non. Dans son allocution, Macron n’a même pas eu un mot pour toutes les aides-soignantes. Ce mépris là il se retrouve dans notre service, quand on pose des questions ils nous prennent pour des benêts, ils nous donnent l’impression que franchement on pose des questions connes. Alors que c’est nous qui sommes en première ligne et qui faisons courir un risque à nos proches et à nos patients. Sur le terrain en tant qu’aide-soignante, le dernier écrou de la cinquième roue du carrosse, incroyable …

Ce moment il n’est pas à déconnecter de notre quotidien il le complète, le dévoile. Dès ma formation, on m’a dit « aide-soignante ce n’est pas un métier c’est une fonction ». Pour faire un travail pénible, difficile physiquement, et systématiquement dévalorisé, on est rémunéré en moyenne 1500 euros. Un des postes importants de nos dépenses c’est l’essence puisqu’on travaille à domicile. On est remboursé environ 10 centimes par kilomètre parcouru. Il y a un seul homme dans le service et il gagne plus que nous autres sur le simple principe qu’il est un homme. Mais ce qu’on demande ce n’est pas tant des hausses de salaires, on veut faire notre travail correctement et encore plus en ce moment. Plutôt qu’une guerre ce qu’on voudrait c’est la paix.

 
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