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La Izquierda Diario
24 de mars de 2020 Twitter Faceboock

Témoignages d’étudiants de l’Université Paris 1
Les étudiants face à la pression scolaire : "je n’ai jamais eu autant de travail que depuis le confinement"
Gaël Courio

L’Université a affiché cette semaine sa priorité : la « continuité pédagogique », sans considérer les inégalités entre les étudiants, que ce soit au niveau sanitaire, des conditions de confinement ou d’accès aux matériels informatiques : témoignages d’étudiants de l’Université Paris 1 confinés.

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Crédit photo : Denis Tanchereau

La « continuité pédagogique », c’est tout ou rien : surcharge de travail ou silence Radio du corps enseignants. De la même manière qu’elle avait maintenu des partiels en période de grève, l’université, toujours sous couvert de sa « valeur du diplôme », s’acharne à maintenir une notation plutôt que de dispenser un enseignement.

A Paris 1, malgré les directives de la Présidence, les étudiants sont soumis aux exigences inégales de leurs professeurs. La plupart font reposer sur leurs chargés de TD la tâche de rassurer les étudiants, sans leur donner de réelles informations à communiquer. S’il faut reconnaitre que certains ont assoupli le contrôle continu, en évaluant sur la base du volontariat, la majorité laisse les étudiants totalement livrés à eux même.

Comme en témoignent Maria et Irene* [*les prénoms ont été modifiés], étudiantes en Droit, le stress et la pression sont décuplés : « je suis plus stressée qu’en présentiel. Sous prétexte d’une soi-disant valeur du diplôme, on autorise ce genre de conditions. Il est temps que les étudiants se fassent entendre, on n’est pas des robots ».

Alors que les étudiants se retrouvent dans des situations très inégalitaires, et que les pressions de la sélection pèsent sur les élèves, les règles sont pourtant les mêmes pour tout le monde : « je n’ai jamais eu autant de travail que depuis le confinement. Entre les préparations de TD notées, à rendre à heures fixes, auxquelles s’ajoutent les devoirs supplémentaires, les évaluations et les examens en ligne, certains professeurs nous laissent carrément élaborer notre cours tout seul. Dans le meilleur des cas on reçoit les plans, avec des références à des manuels. Les manuels en question peuvent couter plus de 50€, on avait l’habitude de les consulter en bibliothèque, surtout qu’ils ne sont pas tous accessible en ligne. En plus, c’est l’année de la sélection. On a l’impression que l’université s’en fout, est dans le déni total. Moi j’ai pas d’ordinateur, je galère. Je pense même pas à ceux qui n’ont pas internet, ou qui sont confinés dans un 9m carré. Quand tu sais pas comment payer ton loyer, acheter un livre à 50€, c’est la dernière de tes priorités ».

Plutôt que d’installer un système d’entraide entre les étudiants, l’université semble accroître sa logique de pression scolaire, le tout pour maintenir la sélection en master 1 et master 2, et nourrir l’illusion de la valeur du diplôme. Dans de telles conditions, elle ne sélectionnera pas sur des compétences, mais bien en fonction de critères sociaux.

Finalement, cette crise met en lumières tous les problèmes liés à la précarité étudiante : un étudiant sur trois est bousier, un sur quatre est salarié, ce seront eux les plus touchés.

Pour Lucien*, étudiant en Histoire de l’art et archéologie, « ce virus n’a fait qu’exacerber les contradictions de classes au sein de notre système éducatif […] C’est comme si la fac fermait les yeux sur les inégalités entre ses étudiants. Certains élèves sont cloitrés chez eux, seuls, avec un minimum de moyen financier. »

Comme l’explique Nadia*, étudiante en Économie, une nouvelle fois l’université met de côté ceux qui sont dans des situations précaires, et qui ont par exemple été licenciés ces derniers jours : « Avec le confinement, on a perdu notre boulot. Il faut pas oublier que quand t’es étudiant, t’as pas beaucoup de choix pour travailler. On travaille dans la restauration, ou en tant que baby sitter, la plupart du temps non déclaré. Y a pas de chômage technique quand tu travailles au black. »

Lola, elle, est en régime terminal : un régime spécifique souvent utilisé par les étudiants qui sont obligés de se salarier à côté de leurs études, ou qui ont des problèmes de santé : « Dans tout ça, on oublie les étudiants en examen terminal. Pour nous, on ne sait pas, c’est silence radio. L’administration ne donne aucune réponse claire sur la tenue des examens. On est déjà livrés à nous même toute l’année. Il faut pas oublier qu’on a choisi ce régime pour des raisons de santé, ou parce que notre situation financière ne nous permet pas de vivre avec la bourse et les petits boulots. Là on nous laisse sur le carreau, j’ai l’impression qu’on est même pas considéré dans la gestion de la crise ».

Face à cette crise, l’obstination dont fait preuve l’université à noter ses étudiants et à maintenir une sélection, malgré leur état de stress, les inégalités de confinement et d’accès à l’enseignement qui les divisent, illustre ce qu’elle est devenue depuis plusieurs années et notamment depuis 2018 et la loi ORE : une institution qui se complet dans un système concurrentiel, au mépris de sa vocation première, l’accessibilité, et l’égalité devant l’instruction.

 
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