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La Izquierda Diario
25 de mars de 2020 Twitter Faceboock

Nadia, machiniste à la RATP : "Même avec le virus, il y a les travailleurs d’un côté et les patrons de l’autre"

Nous interviewons Nadia, conductrice de bus a la RATP, qui a été en première ligne durant la grève contre la reforme des retraites. Elle nous raconte son quotidien durant l’épidémie de coronavirus, l’absence de mesures élémentaires de sécurité et les pressions de la direction pour continuer à faire rouler les bus. Elle appelle à ce que les travailleurs « prennent leurs affaires en main ».

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Crédits photo : O Phil des Contrastes

Propos recueillis par Homa de la Bahia

Révolution Permanente  : Est-ce que tu pourrais nous raconter un peu comment sont les conditions de travail à la RATP depuis le début de la crise du coronavirus ?

Nadia : Depuis le début de la crise, rien n’a été fait de concret pour les gens. Ils ont fait un petit geste ridicule, dix jours après le début de la crise, en nous donnant un flacon de gel, qu’ils renouvellent tous les dix jours. En même temps, ils nous interdisent de porter des gants ou un masque, même ceux qui ont réussi personnellement à se doter d’un masque n’ont pas le droit de le mettre en conduisant.

En plus, on ne nous fait aucun test, je connais même des gens qui ont le doute d’être contaminés et qui ne peuvent pas savoir s’ils le sont ou pas. Comment le gouvernement peut oser dire qu’il essaye de résoudre une crise sanitaire alors qu’ils ne font même pas de tests massifs pour savoir qui est et qui n’est pas malade ? Pour justement pouvoir confiner les gens affectés, parce que franchement le confinement actuel est ridicule. Ils font semblant de proposer des mesures mais c’est comme le chat qui se mort la queue : on dit aux gens de rester confinés mais on dit aux travailleurs de continuer à travailler.

Dans les transports, on prend très peu de personnes, aux heures de pointe par exemple, il y a uniquement une poignée de gens dans le bus. Je suis censée travailler cette semaine mais j’ai appelé la direction pour savoir qui allait finalement travailler, parce que vu le nombre de voyageurs qu’on prend, on ne devrait pas avoir les mêmes horaires. Pour moi les transports en commun c’est le premier endroit où le virus se propage, c’est là où il y a le plus de proximité entre les gens.

En plus, les bus ne sont pas nettoyés comme il faut, jusqu’en début de semaine dernière, les bus n’étaient pas désinfectés, je suis moi même aller vérifier. Les bus sont sales, c’est dégoutant, les sièges n’ont jamais été nettoyés. Dans mon bus il y avait un jeune homme avec un seau et il nettoyait tous les postes de conduite avec le même chiffon et la même eau et le produit qu’il utilisait n’était pas un produit pour désinfecter. Par ailleurs, ça fait plusieurs jours qu’on dénonce le fait qu’ils étaient en train de mettre en danger le personnel du nettoyage, puisqu’ils nettoyaient les bus sans masque et sans aucune sécurité.

Depuis quelques jours ils nous disent qu’ils vont désormais bien vérifier que tous les bus sont nettoyés. Si c’est la vérité, ça veut dire qu’ils le font que depuis seulement quelques jours, donc le mal est déjà fait. Les gens prennent les transports en commun en pensant que c’est propre, mais ils le font depuis très peu de jours, c’est irresponsable. On dirait qu’ils font rien pour éviter la propagation du virus.

Moi je ne leur fais plus confiance, ils faut que ce soit les ouvriers, les travailleurs, qui prennent les bonnes décisions parce que le gouvernement ne le fera pas pour eux. Lorsqu’on voit que les ouvriers de PSA ont utilisé leur droit de retrait parce qu’ils se sentaient en danger, et qu’ensuite ils leurs mettent la pression pour continuer à produire des voitures c’est aberrant. Surtout, parce que certains travailleurs proposent eux mêmes de travailler si c’est pour produire des trucs utiles, comme par exemple des appareils respiratoires !

Nous ne sommes pas en sécurité lorsqu’on va travailler, parce qu’on prend le risque de se contaminer et de contaminer les autres. Mes enfants sont à la maison, ils obéissent au confinement, mais par contre moi en faisant des allers-retours au travail, j’ai 9 chances sur 10 de leur passer le virus. Dans ces cas là, on peut effectuer le droit de retrait, c’est-à-dire lorsqu’on se sent en danger ou en incapacité de travailler, on peut décider, avec le droit de retrait, de ne pas travailler.

Lorsque le secrétaire d’état aux transports a dit qu’ils allaient mettre une distance de sécurité entre le conducteur et les voyageurs (en fermant la porte de devant et en faisant rentrer les voyageurs par celle de derrière), la RATP a refusé. Nous, on demandait la mise en place de cette mesure depuis quelques jours et lorsque le secrétaire d’état a fait sa déclaration, la RATP a continuer à dire “Non, vous ne fermez pas la porte de devant, vous avez la vitre de protection, cela vous suffit”, ils nous disaient.

Une de mes collègues, par exemple, a imposé elle même que les gens rentrent par derrière, moi j’ai direct appelé la direction en disant que c’était irresponsable de ne pas appliquer cette mesure et que moi j’allais faire comme ma collègue. Au final, dès le lendemain, on a reçu une lettre de la direction comme quoi on pouvait faire rentrer les voyageurs par la porte de derrière.

Je pense qu’ils veulent que minimiser les pertes économiques et peu importe s’ils mettent nos vies en danger ! Maintenant c’est clair et limpide : ils sont des irresponsables.

La RATP obéit au doigt et à l’œil à ce que dit le gouvernement, même si c’est dangereux. Si demain Macron il décide qu’on continue à travailler, même quand il y aura je ne sais pas combien de milliers de morts, la RATP elle se pliera à cela. La seule chose à faire c’est qu’on n’accepte plus d’être traités de cette façon, il faut que les gens osent et se battent pour prendre en main la situation.

RP : Tu disais que les transports en commun sont aujourd’hui très peu utilisés, et que même aux heures de pointe il y a très peu de monde. Qu’est-ce que tu penses de l’idée que les travailleurs reprogramment un plan de transports avec des trajets et des horaires de travail adaptés à la situation ?

N : Oui, ça serait bien. Ça sert à rien de continuer à faire rouler autant de bus, se n’est pas un comportement écologique, alors qu’ils font des campagnes d’écologie au sein de l’entreprise. Si tout le monde pouvait se confiner, les gens sortiraient uniquement pour faire leurs courses en bas de chez eux et, a priori, ils n’auraient pas besoin de prendre les transports. On pourrait mettre, si nécessaire, quelques navettes pour permettre aux gens de circuler le minimum.

La RATP est payée au kilomètre. Ils ont supprimé quelques lignes mais ils continuent à faire rouler les bus pour ne pas perdre de l’argent. Ils mettent des gens dans un bus sale, non désinfecté, sans moyens de protection sanitaire pour les conducteurs, sans masques ni gants, tout ce qui faut pour attraper le virus, uniquement pour des intérêts économiques. Et derrière, en plus, ils mettent des amendes dans la rue, c’est n’importe quoi. Faut que les gens se bougent maintenant, qu’ils passent à l’action, et qu’ils osent dire non ! Lorsque je n’ait pas mon gel hydro-alcoolique, je suis allé voir la direction pour lui de me le donner sur le champ, sans ça je n’irais pas conduire. Je sais que maintenant qu’ils sont obligés d’aller vérifier qu’on a tous les moyens de protection sanitaire.

De plus, j’ai entendu qu’une ordonnance du gouvernement avait été actée qui permettrait que les travailleurs travaillent pendant leurs jours de congés ils veulent nous faire travailler pendant nos jours de congés ? Mais pour moi c’est hors de question ! On parle de vies en danger, de santé publique, ils aident à ce que le nombre de morts augmente. Ça suffit, il faut dire non et s’organiser, c’est nous les travailleurs, ont est des millions ; eux ils ne sont qu’un poignée !

RP  : Et comment ça se passe à la maison ?

N : Mes enfants sont conscients du risque et de l’ampleur de la pandémie. Ils essayent de se débrouiller pour les cours comme ils peuvent. Le gouvernent de Blanquer et de Vidal n’est pas au point pour assurer un enseignement à distance, les étudiants sont donc obligés de faire preuve d’autonomie et de détermination pour faire face à cette situation. Mais comme je leur disait, dans des situations comme ça, comme pour nous les travailleurs, les jeunes doivent être responsables et trouver aussi des solutions.

RP : Tu disais que c’est aux travailleurs de prendre en main la résolution de la crise, est-ce que tu pourrais développer cela ?

N : Soit t’écoute les ordres et les directives scandaleuses du gouvernement et du patronat, en mettant ta vie et celle des autres en danger, soit tu t’auto-organise. Il faut croire en notre conviction et notre force.

Nous au dépôt on se contacte systématiquement, on s’organise, on se coordonne, on s’entraide, on s’envoie des infos pour être au courant de ce qu’il se passe, on se sert les coudes.

Nous les travailleurs on doit compter que sur nous mêmes, c’est à nous de nous bouger. C’est comme pendant la grève [contre la réforme des retraites], si on bouge tous ensemble et on s’organise ça marchera et sinon, non.

On n’a pas du tout les mêmes objectifs que le gouvernement. Le patronat et le gouvernement ne sont pas là pour notre bien être, ils sont là pour leurs comptes, pour leurs profits. On peut le voir encore une fois, que ce soit pendant la grève ou maintenant pendant la crise, il y a les travailleurs d’un côté et les patrons de l’autre, les gens doivent comprendre cela. Quand il s’agit de nos vies, de notre santé, de nos conditions de travail, c’est à nous d’aller les chercher parce qu’ils ne vont pas nous les donner.

 
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