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La Izquierda Diario
6 de avril de 2020 Twitter Faceboock

Des nouvelles du front
Désinfection des bus RATP : « les travailleurs n’ont ni masques, ni lunettes, et des chiffons sales »
Mahdi Adi

Alors que les transports en commun sont un foyer privilégié de propagation du virus, nous avons interviewé Hassan Hemmouch, élu CGT RATP au dépôt de bus de Saint-Denis, qui nous explique que la désinfection des bus est loin d’être efficace pour les agents et les usagers.

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Sur la ligne 14, vendredi 27 mars, à 6 heures du matin. Tous les sièges sont occupés et il est difficile de respecter les distances de sécurité d’un mètre entre chaque passager. Crédit Photo : LP/DR

Révolution Permanente : En tant que délégué syndical, tu fais la tournée des lignes de bus RATP depuis le début de la propagation de l’épidémie. Peux-tu nous raconter à quels risques les agents sont confrontés ?

Hassan Hemmouch, élu CGT bus au depôt de Saint-Denis (CSE2) et membre de la CSSCT : Aujourd’hui, alors que la plus part de nos dirigeant sont en télétravail, bien confiné et à l’abris, les agents sont en contact direct avec les usagers qu’ils renseignent, orientent. La direction de la RATP a fait le choix d’arrêter les moyens de transport lourds comme le métro et le RER à partir de 22h. Par conséquent les usagers n’ont plus d’autre choix que de prendre les bus, qui sont donc souvent bondés en banlieue – là d’où viennent les travailleurs – et dans lesquels les mesures de distanciation ne sont pas respectées. C’est dans ces espaces confinés que se propage le virus, et c’est cela qui explique les nombreux cas de contamination à la RATP, notamment chez les chauffeurs de bus et dans les dépôts.

RP : La courbe des contaminations monte en flèche parmi les agents RATP, dans ton dépôt à Saint-Denis de nombreux cas ont été détecté, et deux agents sont décédés après avoir été infectés par le Covid-19. La direction de la RATP a-t-elle mis des moyens à disposition des agents et des usagers face à l’épidémie (gel hydroalcoolique, masques, réorganisation des bus, tests de dépistage) ? Est-ce suffisant ?

Hassan : La direction de la RATP s’est montrée très réticente a mettre de réelles mesures. C’est un combat de longue haleine pour imposer les mesures indispensables pour protéger les agents. Alors que sous pression des salariés, même les transports en commun gérés par des sociétés privées avaient déjà pris certaine de nos préconisations comme l’arrêt de la vente de ticket, la montée par la porte arrière des bus, l’interdiction d’accès aux places derrière le conducteur pour les voyageurs, ou la mise à disposition des gels et lingettes adéquates ainsi que le port du masque, la RATP a longtemps refusé de mettre en place ces mesures de base, et encore aujourd’hui elles restent insuffisantes.
A ce jour les agents n’ont droit qu’à un flacon de gel hydroalcoolique par semaine et une boite de lingettes. Nous avons réussi à imposer l’arrêt de la vente de ticket, la possibilité pour les machinistes de faire monter les voyageurs par la porte arrière du bus, et l’interdiction d’accès aux places derrière le conducteur pour réduire les contacts. Mais le port du masque n’est toujours pas mis en place, et le nombre de bus sur certaines lignes est insuffisant par rapport au nombre de voyageurs pour permettre de respecter les règles de distanciation.

RP : Après le scandale déclencher par la mise en lumière de la gestion désastreuse de la crise, la direction de la RATP a annoncé mobiliser 1.300 personnes pour procéder à la désinfection. Peux-tu expliquer quel est le statut de ces travailleurs et de quel moyen disposent-ils pour désinfecter les bus ?

Hassan : Pour ce qui est de la désinfection, la méthodologie n’est pas respectée dans les bus. La vidéo diffusée par la RATP pour rassurer les usagers et les agents est une fumisterie. Elle montre des agents de nettoyage avec des habits tout neuf et du matériel de protection. Mais en réalité, quand je me suis déplacé sur les différents sites pour vérifier, j’ai constaté la différence : la même personne devait porté une tenue sale, sans lunettes ni masque, travaillait dans le noir sans éclairage, et utilisait des bouts de chiffons.
Ces salariés sont exploités à la vue de tous et de la direction qui fait sous-traiter ce travail. C’est de l’esclavage moderne. Comment la RATP peut laisse une entreprise travailler avec ces méthodes ?!

A ce sujet je suis choqué par la position exprimé par le secrétaire général de l’UNSA RATP, Thierry Babec. Interviewé par BFM TV, ce dernier affirme que malgré la mort d’un agent, les conditions de travail à la RATP sont « globalement bonnes ». Et cela malgré des vidéos qui montrent tout l’inverse qui ont même été réalisées par des militants et élus UNSA de base.

RP : A ton avis quelles mesures devraient être mises en place vis-à-vis des travailleurs du nettoyage ?

Hassan : La RATP devrait faire appliquer le plan de prévention comme c’est prévu lors de la signature du contrat, et à défaut trouver une autre société ou embaucher directement ces travailleurs au statut pour qu’ils soient protégés ! Lorsqu’on cherche à payer toujours moins cher, on se retrouve dans cette situation, qui est non seulement dangereuse pour les salariés, mais aussi pour les usagers. On voit bien aujourd’hui que dans cette société, ce sont les bas salaires qui jouent finalement le rôle le plus utile.

RP : Dans l’exercice de ton activité syndical, la direction de la RAPT t’a accusé d’ « attitude irresponsable et sanctionnable », et menacé de sanction. Peux tu nous expliquer comment cela s’est passé et ce que tu risques aujourd’hui ?

Hassan : Cela s’est passé pendant une nuit lors de laquelle j’ai contrôlé la désinfection sur cinq dépôts de bus, où j’ai pu m’apercevoir des dysfonctionnements concernant le nettoyage, les Equipements de Protection Individuels (EPI) des agents, et leurs conditions de travail. Au dépôt d’Aubervilliers, ça a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. En discutant avec le personnel, des agents de nettoyage m’ont demandé de l aide car ils n’avaient pas de masque ni de lunettes, et pas même de blouson pour certains alors que le nettoyage se fait dans le froid, la nuit entre 22h et 4h du matin, qui plus est sans éclairage. Ils ont décidé d’arrêter le travail, donc je leur ai dis qu’en tant qu’élu du personnel je ne les laisserai pas reprendre tant qu’ils n’auraient pas accès au minimum. Voila la réalité .
A la suite de ce contrôle, le directeur du Comité d’Entreprise (CE) du dépôt m’a envoyé un mail m’accusant d’avoir eu une « attitude irresponsable et sanctionnable ». Encore aujourd’hui je me demande comment il a pu m’écrire cela alors même que dans son dépôt, un agent de l’encadrement a déjà perdu la vie après avoir été infecté par le Covid-19, tandis qu’un agent de sûreté est décédé ce dimanche.

RP : On parle aussi de la fermeture des entreprises non essentielles pour lutter contre l’épidémie, cela permettrait de réduire le flux de voyageurs sur le réseau RATP. Qu’en penses tu ?

Hassan : Je suis attaché à mon métier et aux valeurs du service public. Ma fille, jeune diplômée depuis janvier 2018, travaille tous les jours dans les hôpitaux de Seine-Saint-Denis. Après à peine quatre jours de repos durement mérités, elle doit enchaîner 17 nuits de suite sans repos intermédiaire, dans les hôpitaux publics qui subissent la pénurie de personnels depuis plusieurs années. Alors oui, je suis pour que les transports en commun continue de fonctionner, à condition que les conditions de sécurité soient respectées, afin de transporter les gens qui travaillent dans des secteurs qui servent à la lutte contre l’épidémie. Mais pour le reste il va falloir imposer que les salariés qui travaillent dans des secteurs non essentiels ne soient plus obligés d’aller au travail pour limiter les risques de contamination et de propagation du virus.

Pour finir, j’adresse un grand merci aux boulangères, aux épiciers, aux personnels de nettoyage, aux éboueurs, aux facteurs et à tout ceux qui sont en première ligne contre l’épidémie et qui méritent nos applaudissements. J’espère qu’après cette pandémie nous serons tous dans la rue pour reprendre nos vie au main contre ce capitalisme effréné.


APPEL A TÉMOIGNAGES #TransportSansCovid : Salarié ou usager des transports en commun, vous constatez qu’ils ne sont pas nettoyés ou tout manquement à votre sécurité face à l’épidémie (mesure de distanciation, etc.) : écrivez-nous à [email protected] ou sur les réseaux sociaux, envoyez-nous photos ou vidéos avec la date et le lieu. Soyons mobilisés pour dénoncer toute mise en danger de nos vies et celle de nos familles ! #NosViesPasLeursProfits

 
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